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211. (1702) Lettre de M. l’Abbé de Bellegarde, à une Dame de la Cour. Lettre de Lettres curieuses de littérature et de morale « LETTRE. de M. l’Abbé de Bellegarde, à une Dame de la Cour, qui lui avait demandé quelques réflexions sur les pièces de Théâtre. » pp. 312-410

Si sa vertu ne doit pas être entièrement exempte de faiblesse, il ne faut pas aussi que ce soit un scélérat insigne ; les Grecs qui aimaient à voir la scène ensanglantée, représentaient souvent sur leur Théâtre, des hommes fort vicieux, ou du moins qui avaient commis de grands crimes : Œdipe, Oreste, Alcméon, Médée, Thyeste étaient de ce caractère ; ainsi le spectateur était toujours dans la terreur et dans l’effroi ; mais la pitié est incomparablement plus douce, et plus conforme à l’humanité : Ainsi dans le choix que le Poète fait de ses Héros, il ne doit point en introduire sur la scène, qui soit coupable de quelque crime énorme. […] Les parricides, les incestes doivent être suivis de châtiments proportionnés à la noirceur de ces grands crimes ; mais les disgrâces des personnes moins coupables que malheureuses, font une impression plus douce ; c’est ce qui attire ces larmes de compassion, qui attendrissent l’âme, et qui causent un plaisir si délicat.

212. (1760) Sur l’atrocité des paradoxes « Sur l’atrocité des paradoxes —  J.J.L.B. CITOYEN DE MARSEILLE, A SON AMI, Sur l’atrocité des Paradoxes du Contemptible J.J. Rousseau. » pp. 1-128

A l’égard de l’Orateur, l’Eloquence d’un Avocat célèbre, a souvent fait absoudre le riche coupable au préjudice de l’innocent né dans le sein d’une fortune médiocre. […] Est-il possible qu’un galant Homme emploie ses talens à pallier ou faire triompher le crime : plus il a de témérité, plus je le trouve bas & coupable d’embrasser (aux yeux même de la Justice) la défence d’un scélérat qui n’est représenté sur la scène que pour en faire voir toute l’infâmie : voilà en quoi triomphe la Comédie. […] Non, lui répondit son Père enflammé de colère, faible excuse : il faut, lui dit-il, que je venge moi-même la mort de l’innocent par la perte du coupable, & que tu rende la vie à celui de qui tu la tiens. […] « C’est là qu’ils ne doutent point que le Ciel ne punisse les coupables par l’horreur de leurs forfaits, quand Oreste bourelé de sa propre conscience y fait ses plaintes & paraît publiquement agité de sa fureur.

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