Je considère sa personne : j’admire ses talents : j’aime ses ouvrages : je suis sensible au bien qu’il a dit de mon pays : honoré moi-même de ses éloges, un juste retour d’honnêteté m’oblige à toutes sortes d’égards envers lui ; mais les égards ne l’emportent sur les devoirs que pour ceux dont toute la morale consiste en apparences. […] Si les Comédiens étaient non seulement soufferts à Genève, mais contenus d’abord par des règlements sages, protégés ensuite et même considérés dès qu’ils en seraient dignes, enfin absolument placés sur la même ligne que les autres citoyens, cette ville aurait bientôt l’avantage de posséder ce qu’on croit si rare et qui ne l’est que par notre faute : une troupe de Comédiens estimables.
Nous reprendrons même, si vous voulez, ce sujet, à présent que les choses plus importantes sont examinées ; &, dans l’espoir que vous ne me dénoncerez pas à ces dangereux ennemis, je vous avouerai que je regarde tous les Auteurs dramatiques, comme les corrupteurs du peuple, ou de quiconque, se laissant amuser par leurs images, n’est pas capable de les considérer sous leur vrai point de vue, ni de donner à ces fables le correctif dont elles ont besoin. […] Ainsi dans tout instrument possible, il y a trois objets de pratique à considérer, sçavoir l’usage, la fabrique & l’imitation. […] Mais de peur de nous abuser par de fausses analogies, tâchons de voir plus distinctement à quelle partie, à quelle faculté de notre ame se rapportent les imitations du Poëte, & considérons d’abord d’où vient l’illusion de celles du Peintre. […] Or nous avons vû ci-devant que ce ne sçauroit être par la même faculté de l’ame, qu’elle porte des jugemens contraires des mêmes choses considérées sous les mêmes relations. […] Considérons maintenant le même art appliqué par les imitations du Poëte immédiatement au sens interne, c’est-à-dire, à l’entendement.