Voici comme elle s’explique : Je ne doute pas qu’on ne puisse trouver le repos de la conscience dans toute la Religion ; ce n’est pas la Religion qui la sanctifie la conscience, mais la conscience qui sanctifie la Religion ; la Religion est sainte pour tous ceux qui vivent pieusement ; elle est pernicieuse pour quiconque la souille par une vie déréglée. […] Qu’est-ce que sanctifier la Religion par la conscience, non la conscience par la Religion ? […] Et comment leur conscience peut-elle la sanctifier ? La conscience est un jugement, on la dirige, on l’éclaire par la Religion. […] La mort de Marie Stuart & celle du Comte d’Essex qui en fut le châtiment, la jeta dans une tristesse mortelle ; la conscience par ses remords, la tendresse par ses regrets la déchiroient sans cesse.
Il en faut donc juger par l’issuë, par l’experience, par l’intention, & souvent par rapport à la conscience de ceux qui se trouvent dans ces assemblées, ou dans ces divertissemens. […] Mais à la bonne heure, me direz-vous, que ceux qui connoissent leur foible, s’en éloignent, en cherchant dans une vie retirée, un asile à leur innocence, & qu’ils ne chargent point les autres du soin de leur salut ; mais ceux qui n’ont rien à craindre de ce côté là, ne peuvent-ils pas y assister sans s’en faire un point de conscience ? […] Paul, Chrétiens, peut servir de resolution au cas de conscience que vous me proposez ; car je veux que le bal, la comedie, & les autres spectacles de cette nature, soient comptés entre les choses indifferentes, ou qu’ils passent pour tels à l’égard de ceux qui ne courent aucun hazard d’y commettre le peché ; si neanmoins par-là l’on donne occasion aux autres, qui n’ont-pas la même force, ni une vertu à l’épreuve de s’exposer au danger d’en commettre, ne devenez-vous pas coupables du scandale que vous leur donnez, & n’êtes-vous pas responsables des pechez qu’ils y feront ? […] Car pourquoy, dira-t-on, se feroit-on un point de conscience d’assister à ces spectacles, puisque les gens d’une vertu plus reguliere, & d’une probité plus reconnuë, ne font point de scrupule de s’y trouver ? […] Et ne me dites point que vôtre conscience ne vous reproche rien sur ce chapitre, & que vôtre experience ne vous a point encore fait connoître qu’il y eût du danger pour vous, & qu’ainsi vous ne regardez pas ces spectacles comme des occasions de peché, mais comme des divertissemens honnêtes & innocens : car ne sçavez-vous pas que comme il y a des poisons lents, qui n’ont leur effet qu’aprés un long temps, de même que peut-être vôtre esprit occupé presentement d’autres soins, ces passions dangereuses ne se font point sentir, ou que vous êtes comme Samson, qui croyoit qu’il se déferoit de ses liens, quand il voudroit ; mais il s’y trouva pris & arrêté, lorsqu’il s’y attendoit le moins.