Le Misanthrope, tel qu’il l’a vu dans la nature, se comprend au moins dans le nombre des hommes qu’il aime ; il ne donne pas dans l’absurde inconséquence de regarder comme des inclinations basses le soin de son honneur, de sa renommée, de son repos, de sa fortune, en un mot de ces mêmes biens auxquels il ne peut souffrir que l’on porte atteinte dans ses semblables ; il n’a point une âme sensible pour eux, et une âme impassible pour lui ; et cette trempe de caractère qui reçoit de si vives impressions des plaies faites à l’humanité, n’est pas impénétrable aux traits qui sont lancés contre lui-même. […] L’homme est né bon, dites-vous, et sous ce nom sans doute vous comprenez la femme.
Mais comment faire passer à des spectateurs qui ont les moindres notions, soit des usages, soit des opérations de la guerre, soit des convenances historiques, & de tout qu’on comprend en fait de comédie sous le nom de mœurs, soit de la bouillante vivacité de Henri IV, 1°. tout le temps qu’il perd dans le château de Lenoncourt, qu’il ne vouloit que reconnoître ; 2°. les amours romanesques dont on le rend témoin, & dont on veut qu’il s’occupe ; 3°. l’espece de conseil de guerre, qu’il tient d’abord tout seul, & ensuite avec Biron & d’Aumont ; 4°. le long dîné qu’il fait avec eux & le bon Roger ; 5°. les folies de ce dîné de guinguette, où on chante & fait chanter à Henri des chansons de cabaret ; 6°. l’incognito qu’on lui fait garder, tandis qu’on le décele deux ou trois fois en sa présence, dans un château ennemi ; 7°. le secret de Roger, qui l’a reconnu, dont on fait une finesse sans objet ; 8°. la conversion subite du Chevalier de Lenoncourt que rien ne prépare ; 9°. ce mêlange d’histoires & de traits particuliers de Henri, rassemblés comme dans un Ana ; 10°. la célébrité du combat & de la victoire, par le trop long intervalle entre le départ de Henri pour une bataille rangée, & son retour au château : on a eu la maladresse de parler de trois heures, tout cela est impossible ; 11°.