Mais je sais qu’aucun remède ne produira jamais d’effet solide et persévérant, tandis qu’il existera parmi nous un établissement autorisé, où l’imagination et le cœur reçoivent cette impulsion funeste qui prépare la dégradation des corps ; tandis qu’on verra dans chacune de nos villes ces troupes nombreuses d’histrions des deux sexes, qui avec des armes éprouvées contre la résistance des mœurs antiques, nous amènent une contagion composée du virus de toutes les nations ; qui couvrant une lépre hideuse sous des couleurs factices, provoquent l’imprudente incontinence d’une jeunesse étourdie et folâtre ; mettent publiquement à l’enchère la corruption physique et morale, et préludent à ce funeste triomphe par tous les artifices de la séduction…. […] C’étoit tout au plus le petit et modeste échafaud d’Eschile, composé de quelques mauvaises planches.
Non, me direz-vous, car la précaution que vous avez prise, vous ôte tout sujet de croire, que ce soit une occasion prochaine, ou bien un danger évident ; puisque ces spectacles sont tout autres que ceux des Anciens ; qu’on ne peut souffrir qu’on y represente le vice avec cette impudence, qui faisoit rougir alors les personnes qui avoient quelque teste de pudeur ; que dans les comedies mêmes les plus boufonnes, ou les plus enjoüées, on n’y peut supporter les paroles libres & équivoques ; que l’effronterie & l’immodestie ne se souffrent point dans les bals & dans les assemblées, & quoyque ces assemblées soient composées de personnes de different sexe, il est rare qu’on y voye rien qui soit ouvertement contre la bienseance ; & pour ce qui est des comedies, contre lesquelles les personnes zelées se déclarent le plus hautement, ne donne-t-on pas cette loüange à nôtre siecle, d’avoir purgé le Theâtre, de tout ce qui pourroit soüiller l’imagination, soit dans les paroles, soit dans les actions, soit même dans les sujets que l’on accommode au goût & aux mœurs de ce temps ? […] ne sont-ce pas les personnes dont l’âge est le plus susceptible de vice, qui composent ces assemblées ?