/ 227
20. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Huitième Lettre. De la même. » pp. 100-232

Nous regarderions ces Théâtres, comme destinés à récréer ceux des Citoyens dont les mœurs ne sont pas sévères : une mère saurait qu’elle ne doit jamais y conduire sa fille ; un père que ce Spectacle est dangereux pour son fils. […] Chez les Grecs, dit-on, l’Acteur était Citoyen, & tout Citoyen qui se connaissait des tatens, pouvait être Acteur sans se deshonorer* : déclamer, représenter un Drame sur le Théâtre, ce n’était pas un état, mais simplement une occupation honnête, & l’exercice momentané d’un Art libre que l’on pouvait cultiver en passant, sans renoncer aux places, aux emplois que l’on exerçait en qualité de Citoyen. On vit donc sur le Théâtre d’Athênes des Généraux d’armées, c’est-à-dire, des hommes égaux aux Rois, & des Citoyens distingués par leurs talens & leur vertu. […] Les Citoyens destinés aux grands emplois, acquerront sur le Théâtre, une aisance de représentation, qui ne pourra que leur être très-avantageuse dans le cours de leur vie. […] Les Empereurs contraignirent aussi quelquefois des enfans de Sénateur & des Citoyens à se donner en Spectacle.

21. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Septième Lettre. De la même. » pp. 73-99

Mais dans notre Patrie, & dans toutes les grandes Villes du Royaume, où il se trouve beaucoup de Riches, que le Spectacle ne dérangera pas, comme les Citoyens de Genève, de leurs importantes occupations, il est essenciel qu’il y en ait. […] Il en résulte de grands avantages ; outre l’aménité de mœurs qu’ils procurent, c’est par le Théâtre qu’une aimable Philosophie pénètre dans tous les Ordres de l’Etat ; (ceci prouve combien on doit épurer la source des amusemens publics) : l’enchantement des Représentations, & de leur brillant Spectacle, distrait les hommes d’objets desagréables ; au sein des Ris & des Jeux, ils se trouvent forcés d’oublier jusqu’à leurs calamités : par-là l’on fait aimer au Citoyen un pays où il trouve des plaisirs inconnus ailleurs. […] Au lieu d’improuver ces divertissemens publics, il serait à desirer qu’on les protégeât plus spécialement, qu’on les annoblît, qu’on en fît, comme chez les Grecs & les Romains, une affaire d’Etat ; que, s’il était possible, le Citoyen y fût admis sans paraître contribuer en rien à la dépense*. […] La Tragédie nationale aurait ici le même effet, si nous célébrions nos grands hommes ; ces Drames ne pourraient qu’échauffer dans nos jeunes Citoyens l’amour de la gloire, du Prince* & de la Patrie. […] Pourquoi les Citoyens d’une Ville médiocre seraient-ils pour jamais privés des plaisirs que le Spectacle procure, surtout si l’on considère, que les desordres publics des Acteurs, & des Particuliers avec les Actrices, y seront plus rares ; parce que le deshonneur qui suit le vice, est toujours sûr dans un pays où tout le monde se connaît ?

/ 227