Après que la toile fut baissée, & que toutes les agitations de l’Etat & du cœur, qui avoient rendu ses jours si tumultueux, furent calmes, il passa le reste de sa vie & la termina dans les sentimens les plus chrétiens. […] Cet académicien, poëte chrétien qui a joué plusieurs rôles, l’alla voir dans son exil. […] Je n’ai jamais vu , dit-il, rien de si généreux & de si chrétien. […] La vie de la Princesse n’est plus qu’un tissu de bonnes œuvres, de charités, d’humiliations, d’austérités dans l’obscurité de la retraite, qui la préparerent à une mort chrétienne & très-édifiante.
Au quatrième, le Frère de la Dame dit à Panulphe qu’il est bien aise de le rencontrer pour lui dire son sentiment sur tout ce qui se passe, et pour lui demander « s’il ne se croit pas obligé comme Chrétien de pardonner à Damis », bien loin de le faire déshériter. […] » Le Bigot qui se sent pressé et piqué trop sensiblement par cet avis, lui dit : « Monsieur, il est trois heures et demie, certain devoir chrétien m’appelle en d’autres lieux », et le quitte de cette sorte. […] Conclusion, à ce que disent ceux que les bigots font passer pour athées, digne d’un ouvrage si saint, qui n’étant qu’une instruction très chrétienne de la véritable dévotion, ne devait pas finir autrement que par l’exemple le plus parfait qu’on ait peut-être jamais proposé, de la plus sublime de toutes les Vertus évangéliques, qui est le pardon des ennemis. […] Loin donc, loin d’une âme vraiment chrétienne ces indignes ménagements et ces cruelles bienséances, qui voudraient nous empêcher de travailler à la sanctification de nos frères partout où nous le pouvons : la charité ne souffre point de bornes ; tous lieux, tous temps lui sont bons pour agir et faire du bien : elle n’a point d’égard à sa dignité quand il y va de son intérêt ; et comment pourrait-elle en avoir, puisque cet intérêt consistant, comme il fait, à convertir les méchants, il faut qu’elle les cherche pour les combattre, et qu’elle ne peut les trouver, pour l’ordinaire, que dans des lieux indignes d’elle ? […] Les Grands du monde peuvent avoir ces basses considérations, eux de qui toute la dignité est empruntée et relative ; et qui ne doivent être vus que de loin et dans toute leur parure, pour conserver leur autorité, de peur qu’étant vus de près et à nu, on ne découvre leurs taches, et qu’on ne reconnaisse leur petitesse naturelle : qu’ils ménagent avec avarice le faible caractère de grandeur qu’ils peuvent avoir ; qu’ils choisissent scrupuleusement les jours qui le font davantage briller ; qu’ils se gardent bien de se commettre jamais en des lieux qui ne contribuent pas à les faire paraître élevés et parfaits ; à la bonne heure : mais que la Charité redoute les mêmes inconvénients ; que cette Souveraine des âmes chrétiennes appréhende de voir sa dignité diminuée en quelque lieu qu’il lui plaise de se montrer, c’est ce qui ne se peut penser sans crime : et comme on a dit autrefois, que plutôt que Caton fût vicieux, l’ivrognerie serait une vertu, on peut dire avec bien plus de raison, que les lieux les plus infâmes seraient dignes de la présence de cette Reine, plutôt que sa présence dans ces lieux pût porter aucune atteinte à sa dignité.