Quand il n’y aurait que le scandale, que causent aux faibles ces sortes de gens d’une probité apparente, qu’on prétend même avoir une conscience timorée et scrupuleuse ; en faudrait-il davantage pour attirer sur eux les effets de la colère de Dieu. […] Outre que leur présence en ces sortes de lieux pourrait causer du scandale ; et que pour me servir des paroles de saint Augustin, ils doivent mépriser tous les vains amusements du monde, pour se nourrir de l’esprit, de la lecture, et de la méditation des saintes Ecritures. » OBJECTION III.
Pour vous en désabuser, vous n’avez qu’à lire le Chapitre 15 suivant, où vous verrez qu’il condamne généralement tous ceux où les passions et la vanité règnent, en faisant voir l’opposition qu’il y a entre l’émotion que ces Spectacles nous causent, et la tranquillité du Saint Esprit que nous devons conserver. […] Cependant si nous appliquons à notre Comédie ce que Saint Clément d’Alexandrie a dit de celle de son temps, nous la regarderons sans doute comme une occasion prochaine, par cela seul que les hommes et les femmes s’y trouvent pêle-mêle pour se regarder. « Occasio conventus causa est turpitudinis, cum viri et feminae mixtim conveniant alter ad alterius spectaculum. […] Elle ne s’accusera pas de l’inutilité d’une vie passée dans l’oisiveté, donc elle est innocente ; un libertin ne s’accusera pas de tous ses rendez-vous dans l’Eglise, en voilà assez pour qu’il n’en soit pas coupable ; un Religieux ne s’accusera pas d’avoir mis la main à la plume pour justifier la Comédie, et d’avoir par là causé un grand scandale et fait un grand tort à plusieurs âmes ; une infinité d’autres personnes enfin ne s’accuseront point de tant de péchés, qui quelque grands qu’ils soient devant Dieu, leur paraissent légers par la seule facilité et l’habitude qu’elles ont à les commettre, en voilà assez, et le Religieux et tous ces gens-là sont innocents : car, selon vous, il n’est pas de plus grande accusation que celle qui ment de la bouche même du coupable ; ainsi l’innocence est une suite du silence, quand même ce silence serait affecté et malicieux. […] Au reste, je ne veux pas entrer ici dans le détail de quelques autres occasions extraordinaires, où l’on pourrait prétendre que certaines personnes qui iraient quelquefois à la Comédie, n’offenseraient pas Dieu, du moins mortellement, il faudrait toujours supposer dans ces occasions où l’on voudrait faire quelque exception des règles communes et générales, ou que ces personnes ne recevraient point de mauvaise impression de la Comédie, ou que leur exemple ne causerait point de scandale, ou qu’elles ne feraient point pour cela de dépense blâmable, qui contribuât en partie à faire subsister la Comédie. […] Accordez-vous donc vous-même avec vous-même. « Ce n’est pas, ajoutez-vous, que ces Spectacles soient mauvais ; mais c’est que ces personnes étant consacrées à Dieu, elles doivent se priver des divertissements du siècle, outre que leur présence en ces sortes de lieux pourrait causer du scandale, et que pour vous servir des paroles de Saint Augustin, ils doivent mépriser tous les vains amusements du monde pour ne se nourrir l’esprit que de la lecture et de la méditation des saintes Lettres.