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42. (1758) Lettre à Monsieur Rousseau sur l'effet moral des théâtres « Lettre à Monsieur Rousseau sur l'effet moral des théâtres, ou sur les moyens de purger les passions, employés par les Poètes dramatiques. » pp. 3-30

D’abord, je conviens que je suis un de ces partisans du théâtre, qui vous diront que si les Auteurs abusent du pouvoir d’émouvoir les cœurs, cette faute doit être attribuée aux Artistes, et nullement à l’art même : et j’avoue qu’en consultant mon cœur, à la fin de plusieurs pièces dramatiques, je me suis senti plus disposé à régler mes passions, qu’après avoir lu tous les Moralistes anciens et modernes : j’avoue aussi ingénument que je ne conçois pas comment « le théâtre purge les passions qu’on n’a pas, et fomente celles qu’on a. » Cette métaphysique est trop au-dessus de mon faible entendement : je la respecte donc, et me contente de prouver qu’il purge en nous les passions, que nous avons, par des moyens plus sûrs, quoique plus agréables, qu’aucun de ceux qu’ont employés tous les Philosophes, et tous les Ecrivains sacrés et profanes. […] Quant à ce que vous dites de Thyeste, qui a trouvé grâce devant vos yeux, comme devant ceux d’Aristote, je vous avouerai encore que l’avis de ce Philosophe ni le vôtre même ne peuvent l’emporter sur les raisons que Corneille6 a eues de regarder ce personnage comme peu propre au théâtre. […] J’ajouterai que cette pièce a corrigé les hommes : car s’il est encore des maris infidèles et dissipés, il n’en est plus qui rougissent d’aimer leurs femmes, et d’avouer leur amour.

43. (1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — I.  » pp. 455-456

Que si l'on considère que toute la vie des Comédiens est occupée dans cet exercice ; qu'ils la passent tout entière à apprendre en particulier, ou à répéter entre eux, ou à représenter devant des spectateurs l'image de quelque vice ; qu'ils n'ont presque autre chose dans l'esprit que ces folies: on verra facilement qu'il est impossible d'allier ce métier avec la pureté de notre religion: et ainsi il faut avouer que c'est un métier profane et indigne d'un Chrétien ; que ceux qui l'exercent sont obligés de le quitter comme tous les conciles le leur ordonnent ; et par conséquent qu'il n'est point permis aux autres de contribuer à les entretenir dans une profession contraire au Christianisme, ni de l'autoriser par leur présence.

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