Lorsque les Italiens et les Anglais apprennent que nous flétrissons de la plus grande infamie un art dans lequel nous excellons, qu’on excommunie des personnes gagées par le Roi, que l’on condamne comme impie un spectacle représenté dans des couvents, qu’on déshonore des pièces où Louis XIV et Louis XV ont été acteurs, qu’on déclare œuvre du démon des pièces reçues par des Magistrats et représentées devant une Reine vertueuse, quand des étrangers apprennent cette insolence et ce manque de respect à l’autorité royale, cette barbarie gothique, qu’on ose nommer sévérité chrétienne, peuvent-ils concevoir que nos lois autorisent un art déclaré infâme, ou qu’on ose couvrir d’infamie un art autorisé par les lois, récompensé par les Souverains, cultivé par les plus grands hommes, et qu’on trouve chez le même Libraire l’impertinent libelle du Père le Brun à côté des ouvrages immortels de Corneille, Racine, Molière ?
Mais c’est donner une bien trop grande importance à un art aussi frivole en lui-même, que d’exalter ainsi ceux qui le cultivent avec succès. […] Son art peut donc devenir bien funeste à la société. […] Faut-il donc s’étonner si tant de spectateurs restent froids et insensibles aux merveilles de l’art ? […] Il faut donc faire une grande différence de ce qui appartient personnellement à l’individu, et de ce qui ne tient qu’à l’art qu’il exerce. […] L’art, qui n’est que le miroir de la nature, ne saurait peut-être atteindre à la perfection, qu’autant qu’on peut travailler d’après elle-même.