On peut bien accorder à ses envieux que c’est un air battu et pressé entre deux corps, mais il faut ajouter que cela se fait par art et par une direction de sagesse : Tout air battu ne fait pas musique, autrement on pourrait conclure que le braiement d’un âne, le grognement d’un porc, et le bruit d’une charrette mal graissée est musical ; et c’est pour cela même que je prise la musique, que l’invention des hommes ait été assez subtile, pour ménager l’élément de l’air, et lui donner tel son et telle forme qu’il lui plaît : Nous estimons la Sculpture, qui peut faire un homme d’un quartier de marbre ; néanmoins elle n’a pas grande subtilité ; elle a sa matière devant soi qu’elle coupe et qu’elle tranche : elle voit de ses yeux où elle porte son ciseau, elle sait jusqu’où elle le doit piquer : La musique n’a pas la même facilité en ses ouvrages : L’air qui est le fond sur lequel elle travaille, ne se voit point, elle n’a quasi point d’autre outil que sa langue. […] Les inventions des Arts, leur culture, leur perfection, leur décadence : On compare un temps avec l’autre ; il s’en trouve d’obscurs, où les belles lettres ont été comme en éclipse, il en est de lumineux où tout brille en esprit, en science, en vertu : On tire des conséquences du passé pour les affaires du présent, et sans faire beaucoup de chemin nous rencontrons les remèdes à nos maux, ou qui ont été pratiqués en pareilles occasions, ou qui pour avoir été négligés, ont été cause de grands désordres : Tout cela ne donne pas seulement de l’instruction, il est encore capable de donner de la joie à qui le sait goûter.
En troisième lieu, l’on peut regarder la représentation d’une Comédie comme celle d’un tableau ; plus il est animé, plus on le regarde avec plaisir ; on admire l’art du peintre, sans se laisser toucher des choses qu’il représente.