/ 482
47. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — SIXIEME PARTIE. — Comédies à rejeter. » pp. 313-318

Quand la critique ne roule que sur l’art ou sur l’esprit d’un Auteur, il est juste de la modifier ; mais quand elle regarde les mœurs, je crois qu’on ne saurait trop tôt se taire ; j’ai loué Molière autrefois en parlant de cette Pièce16, et je conviens qu’il mérite toute sorte de louange par rapport au génie et à l’art qu’il y a mis ; mais pour ce qui regarde les mœurs, loin de l’approuver je suis au contraire persuadé que ses plus grands partisans (parmi lesquels j’ose me compter, d’autant plus que je l’ai étudié à fond) je suis persuadé, dis-je, que ses plus grands partisans pensent comme moi de l’Ecole des Maris, et la banniraient, comme je fais, du Théâtre de la réforme. […] Les gens de talent et de goût diront sans doute que c’est un grand malheur de ne pas trouver des expédients pour corriger ces deux Pièces, qui du côté de l’art et du génie, sont des modèles si parfaits et si propres à servir d’Ecole aux Poètes : peut-être même me reprochera-t-on de ne l’avoir pas tenté ; mais je réponds qu’après les avoir examinées avec soin je les ai trouvées telles que je les avais d’abord envisagées, c’est-à-dire non susceptibles d’aucune correction ; quant aux Poètes qui les regretteront, je les exhorterai à les étudier dans leurs cabinets, à condition néanmoins qu’ils proposeront ces deux Comédies, autant comme des modèles à fuir par rapport aux mœurs, qu’à imiter par rapport au talent.

48. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre VI. Des Sçènes. » pp. 257-276

Si vous otez la moindre petite roue d’une montre, vous l’empêchez de faire son éffet ; chaque ressort concourt à la faire mouvoir : il en est de même de la construction d’un Drame travaillé avec art ; une Sçène amène naturellement l’autre ; celle qui précède fait naître celle qui suit ; & leurs chocs mutuels, s’il est permis de s’éxprimer de la sorte, donnent le mouvement à l’ouvrage entier. […] L’ouverture de la Comédie du Tartuffe est faite avec un art infini. […] C’est rendre vraisemblable ce qui ne l’était guères auparavant ; on devrait s’éfforcer d’imiter ce jeune Auteur, qui dans son coup d’éssai, possède mieux l’art du Dialogue, que la plus-part de ceux qui se regardent de nos jours comme les maîtres du Théâtre. […] Les Poètes du nouveau Spectacle achéveraient de se rendre dignes de nos suffrages, s’ils perfectionnaient de la sorte leurs Monologues : voyons du moins avec quel art ils assemblent les Scènes de leurs Drames. […] Sans se laisser séduire par un éxemple aussi frappant, je voudrais qu’on liat les Scènes de notre Opéra avec autant d’art que celles des Tragédies.

/ 482