L’art de se contrefaire, de revêtir un autre caractère que le sien, de paraître différent de ce qu’on est, de se passionner de sang-froid, de dire autre chose que ce qu’on pense, aussi naturellement que si on le pensait réellement, et d’oublier enfin sa propre place à force de prendre celle d’autrui. […] Ces hommes si bien parés, si bien exercés au ton de la galanterie et aux accents de la passion, n’abuseront-ils jamais de cet art pour séduire les jeunes personnes ?
Je doute qu’ils eussent souffert à Racine d’employer tout son art à diminuer l’horreur naturelle que nous devons avoir du crime de Phèdre, je doute qu’ils lui eussent permis d’inspirer contre les bonnes mœurs au commun des spectateurs une sorte de compassion pour le sort malheureux de cette abominable créature. […] Or l’on m’avouera que c’est un mauvais emploi de l’art et de l’esprit par rapport à la société que de rendre les crimes et les criminels moins dignes d’horreur.