Si la prétention de ce caractère, si répandue auiourd’hui, si maussade comme l’est toute prétention, & si gauche dans ceux qui l’ont malgré la nature & sans succès, n’étoit qu’un de ces ridicules qui ne sont que de la fatuité sans danger, ou de la sottise sans conséquence, je ne m’y serois plus arrêté ; l’objet du portrait ne vaudroit pas les frais des crayons : mais outre sa comique absurdité, cette prétention est de plus si contraire aux régles établies, à l’honnêteté publique, & au respect dû à la Raison, que je me suis cru obligé d’en conserver les traits & la censure, par l’intérêt que tout Citoyen qui pense doit prendre aux droits de la Vertu & de la Vérité. […] Je vous demanderois grace ; Monsieur, sur quelques traits de cette Lettre, qui paroissent sortir des limites du ton épistolaire, si je ne savois, par une longue expérience, que la vérité a toute seule par elle-même le droit de vous intéresser indépendamment de la façon dont on l’exprime, & si d’ailleurs, dans un semblable sujet dont la dignité & l’énergie entraînent l’ame & commandent l’expression, on pouvoit être arrêté un instant par de froides attentions aux régles du style, & aux chétives prétentions de l’esprit.
Non que je m’arrête à ces Parallèles que l’on fait courir, où la passion dérobe toujours quelque chose à la Justice : si Corneille trouve moins de Gens qui l’imitent que Racine, c’est peut-être qu’on s’y attache avec moins de soin ; et si j’avais l’Eloge de Racine à faire, les efforts que l’on fait pour l’imiter, ne serait pas le plus méchant endroit que j’y pûsse mettre. […] Toi, qui vois d’un même œil toutes les Nations, Qui rends par tout justice aux grandes Actions, Et tires de l’Oubli dont la Mort est suivie Ceux de qui les Vertus ont signale la Vie : Marque moi le Climat où je dois m’arrêter.