/ 470
151. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre VIII.  » pp. 195-221

Abaillard est le champion qui les attaque, en champ clos, dans différens endroits, rompt avec eux une lance, & pour achever la farce, enseigne la philosophie de Cithère à sa maîtresse, espece de savante & de bel esprit du tems, sous prétexte de lui apprendre les Cathégories d’Aristote, & pour fruit de ses leçons, la rend mere ; & ses écoliers le font eunuque. […] Les Prélats apprendront de Saint Charles, comment par des pratiques de piété, ils doivent occuper saintement les peuples, & faire une utile diversion à la comédie. […] Cet homme étoit amateur du théatre, & singuliérement idolâtre de Térence, il vouloit inspirer ce goût à tout le Clergé, à la vérité il ne fit pas bâtir de théatre public, & n’appella point de troupe de comédiens, qui n’ont jamais brillé dans le Querci ; il auroit par un tel éclat, reveillé l’Evêque Chartreux, trop dévot pour aimer la comédie, qui vraisemblablement l’eût condamné ; mais il imagina de faire étudier les comédies de Térence dans le Seminaire ; il fit entendre à l’Evêque que pour faire entendre le Latin d’Akempis à ses Ecclésiastiques, il faloit les obliger d’apprendre les bons poëtes Latins, Virgile, Horace, & sur-tout Térence. […] L’expérience apprend qu’on ne revient jamais aussi innocent qu’on y est allé, au contraire, cette doctrine a été traitée d’attentat sur l’autorité Royale, de Leze-Majesté, de bisarrerie, de ridicule. […] On craignoit d’abord que le Chapitre & le Sénéchal, jaloux de l’honneur de leur configre, ne fissent quelque mouvement, quelque apologie, quelque réclamation, & ne donnassent une nouvelle scéne, qui, sans justifier ni l’Abbé ni les Dames, n’auroit servi qu’à apprendre & à accréditer les chansons & l’arrêt ; mais le Chapitre & le Sénéchal qui venoient de prendre les leçons de Thatie, ont baisé humblement la belle main qui les frappoit.

152. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 7 « Réflexions sur le théâtre, vol 7 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SEPTIÈME. — CHAPITRE I. De l’Amour. » pp. 4-29

.° On enseigne le grand art d’y réussir ; ruses, fourberies, artifices, intrigues, intriguans & confidens de toute espèce, le théatre est un arsenal où l’on trouve toute sorte d’armes, une académie où on apprend tous les exercices ; qu’on en revient délié & aguerri ! […] On devoit représenter dans leur Couvent la Zaïre de Voltaire, les rôles étoient appris, les Actrices exercées, les habits préparés, la ville invitée, lorsque l’Evêque, Prélat rempli de religion, & de la plus grande régularité, en fut instruit, & défendit de la représenter. […] Leur emploi est de régler les concerts, d’apprendre à leurs élèves à jouer des instrumens, & fournir de nouveaux airs aux Reines & aux Princesses, car chacune à sa troupe. […] L’expérience apprend que la fureur de plaire absorbe le cœur, & le rend inaccessible au sentiment. […] Ce jargon est d’abord appris, tout le monde le sait, il ne faut que savoir répéter, la passion est si féconde, le cœur fait si volontiers tous les frais, il est si fort d’intelligence pour applaudir, il a si peu besoin de l’esprit, & s’il le faut, il en donne.

/ 470