A ces périls muets et tranquilles, ajoutez le poison doux et insinuant des entretiens trop libres. […] Dans cette disposition de tous les sens, ou gagnés ou captifs, et d’un cœur si près de l’être, on voit paraître sur la scène un nombre choisi d’acteurs parés avec tout l’artifice que l’esprit du monde peut imaginer pour séduire, et qui ajoute à l’artifice, tout ce que la passion qu’ils expriment peut inspirer.
Et à parler sainement, le Passage de la Mer rouge, si miraculeux ; le Soleil arrêté dans sa course, à la prière de Josué ; les armées défaites par Samson avec une Mâchoire d’Âne, toutes ces merveilles, dis-je, ne seraient pas crues à la Comédie, parce qu’on y ajoute foi dans la Bible : mais on en douterait bientôt dans la Bible, parce qu’on n’en croirait rien à la Comédie. […] Avec les bons exemples que nous donnons au public sur le Théâtre ; avec ces agréables sentiments d’amour et d’admiration, discrètement ajoutés à une crainte et à une pitié rectifiées, on arrivera chez nous à la perfection que désire Horace : « Omne tulit punctum qui miscuit utile dulci » ; k ce qui ne pouvait jamais être selon les règles de l’ancienne Tragédie.