Quelle si délicate pudeur, quelle innocence si austère, exposée sans préservatif à l’air du monde le plus contagieux, au milieu d’une foule d’objets tous fort tentants ; en butte et à découvert à une grêle de traits empoisonnés, peut sans miracle n’être point blessée ? […] Un air contagieux épargne-t-il ceux qu’un motif innocent tire de la retraite ? […] Et ces Pasteurs lâches et complaisants qui laissent dévorer leurs brébis pour ne les pas retirer du danger, qui ne pensent pas même qu’il y ait du péril ; ces Pasteurs molsc et indolents, qui, par une ignorance criminelle, ou par une complaisance aussi coupable, les laissent paître dans des champs, à la vérité agréables et fleuris, mais où l’air est contagieux, et où elles trouvent la mort dans le pâturage.
Qu’on ne croye pas que l’illusion théâtrale suffise pour donner à la fiction tout l’air de vérité qu’il lui faut pour convaincre l’esprit & l’attacher : il reste toujours une certaine persuasion intime qui nous avertit de la tromperie qu’on nous fait. […] Les situations les plus éxagérées des Romans, éxcitent notre compassion ; il suffit qu’elles ayent un air de vraisemblance, & qu’il ne soit pas impossible qu’on les éprouvât un jour.