Malebranche, Recher. de la Vérité, attribue à la vivacité de l’imagination qui enfante ces féeries, tantôt agréables & galantes, comme dans les contes des fées, tantôt noires & horribles, grossieres, maussades, comme dans les Diableries, les Nuits d’Young, le Cléveland. […] L’un étoit une leçon hideuse, mais utile ; l’autre une école agréable, mais funeste.
Donnez aux pauvres, dit-il, exercez l’hospitalité, délivrez les prisonniers, soulagez les malades, aidez les vieillards ; voilà des largesses bien placées, aussi agréables à Dieu qu’honorables devant les hommes ; mais c’est une prodigalité condamnable que de faire de grands repas, de se livrer à la bonne chère et à l’intempérance : « Prodigum est sumptuesis effluere conviviis, et vino plurimo. » C’est une prodigalité condamnable d’employer son bien aux jeux du cirque et aux représentations théâtrales, à des gladiateurs et à des chasses ; rien de plus inutile et de plus frivole : « Proligum est ludis circencibus, vel etiam theatralibus muneribus gladiatorum, venationibus, patrimonium delapidare, cum totum illud sit inane. » Dans les observations sur le Prophète Agée (Tom. […] Vous y trouverez les plus belles voix, la plus agréable symphonie, « concentu canentium », la variété, la volupté des pas, des attitudes, des figures, de la danse, « saltantium strepitu » ; on s’y livre à la joie, on y rit aux éclats, « ridentium cachinnis » ; on y goûte sans contrainte tous les plaisirs, on y satisfait tous ses désirs, « lascivientium plausus ». […] Qu’on chasse loin d’ici les tristes remords, les sombres réflexions, l’importune morale ; tout doit ici penser comme moi, le plus scélérat sera mon favori, « apud me primus qui perditissimus » ; le plus fou sera le plus sage, le plus libertin sera le plus agréable, on ne sera bien à moi qu’autant qu’on ne sera plus à soi-même, « ille gratior qui nequior, ille meus est qui suus non est ».