Il le peint sous un seul point de vue, & choisissant ce point de vue à sa volonté, il rend, selon qu’il lui convient, le même objet agréable ou difforme aux yeux des spectateurs. […] L’Artiste qui leve un plan & prend des dimensions exactes, ne fait rien de fort agréable à la vue ; aussi son ouvrage n’est-il recherché que par les gens de l’art. […] En imposant silence aux Poëtes, accordons à leurs amis la liberté de les défendre & de nous montrer, s’ils peuvent, que l’art condamné par nous comme nuisible, n’est pas seulement agréable, mais utile à la République & aux Citoyens. […] L’expérience nous apprend que la belle harmonie ne flatte point une oreille non prévenue, qu’il n’y a que la seule habitude qui nous rende agréables les consonances, & nous les fasse distinguer des intervalles les plus discordans. […] Personne au moins ne sçauroit nier qu’il ne soit tel sur nos clavecins en vertu du tempérament ; ce qui n’empêche pas ces quintes ainsi tempérées de nous paroître agréables.
Entretien X. sur la Comedie LE grand usage de ce divertissement, qui est si agréable à la veuë, & à l’esprit, fera peût-être, qu’il ne me sera pas facile de desabuser les personnes, qui se voyent autorisées de l’exemple de tant de gens, & favorisées de l’inclination de la nature corrompuë : Mais peût-être aussi, quand j’auray ôté le bandeau de dessus leurs yeux, ne verront-elles pas moins le danger du Théatre, qu’elles en ont trouvé jusques icy les spectacles charmans. Il y a tant de choses, lesquelles condamnent l’usage, qui s’en fait, que, de quelque côté que l’on se tourne, l’on n’entend, que des voix, qui crient contre ce divertissement, autant préjudiciable à l’ame, qu’il est agréable aux sens. […] Mais la preuve de ce que je dis se fortifie beaucoup, par la nature de plusieurs piéces de théatre, qui font aujourd’huy le plus agréable divertissement des auditeurs ; car souvent, ou elles sont toutes bouffonnes, ou elles peuvent passer pour impies, estant une chose trop connuë, qu’on en a veü, qui tournoient toute la dévotion, & la pieté en ridicule. […] C’est l’apas, où sont pris ceux, qui au reste veulent le bien, mais qui veulent aussi avoir part aux plus agréables divertissemens du siecle ; Et c’est ainsi, que cette mal-heureuse réformation, engage plusieurs personnes de pieté dans un desordre, où l’on ne voyoit auparavant, que celles, qui avoient renoncé à la vertu.