En louant à outrance la méthode qu’ils semblent avoir le plus généralement adoptée, j’ai cherché à montrer davantage le ridicule qu’il y a de représenter sur la scène des objets dégoûtans & trivials : Le bon goût a dû prescrire en tout tems de prêter une certaine noblesse à ces objets trop méprisables au Théâtre des honnête gens, lorsqu’ils sont dépeints dans toute leur bassesse ; c’est ce que doivent se proposer les Poètes du nouveau genre qui voudront faire agir des gens obscurs, pris dans le menu Peuple.
Comme toute action suppose des hommes qui agissent, & arrive souvent parce que ces hommes ont telles mœurs, telles inclinations, tels caracteres, ces Mœurs sont la seconde Partie : les hommes agissent parce qu’ils sont dans une telle disposition d’esprit, dans un tel sentiment. […] On croiroit devoir trouver quelque ressemblance entre Heraclius & Athalie, parce qu’il s’agit dans ces Piéces de remettre sur un Trône usurpé, un Prince à qui ce Trône appartient, & ce Prince a été sauvé du carnage dans son enfance. Ces deux Piéces n’ont cependant aucune ressemblance entre elles, non seulement parce qu’il est bien différent de vouloir remettre sur le Trône un Prince en âge d’agir par lui-même, ou un Enfant de huit ans : mais parce que Corneille a conduit son Action d’une maniere si singuliere & si compliquée, que ceux qui l’ont lue plusieurs fois, & même l’ont vue représenter, ont encore de la peine à l’entendre, & qu’on se lasse à la fin, D’un divertissement qui fait une fatigue. […] Cette austérité de vertu ne se fait connoître que quand il s’agit de la cause de Dieu. […] Je réponds qu’elle agit sur nous par les vibrations de l’air agité suivant une certaine mesure : elle produit ses effets, par des instrumens, & elle les produit encore mieux par la voix Humaine, dont les sons nous frappent plus agréablement que tous ceux des instrumens de Musique.