Les autres tragiques ne font pas plus d'actes de justice, et sur quels crimes s'exerce-t-elle ? […] que l'origine de la division des pièces de théâtre en cinq actes vient des cinq sens, et la division en trois actes des trois puissances de l'âme. Tous les sens sont flattés au théâtre, et toutes les puissances de l'âme occupées à en goûter le plaisir ; mais je ne vois aucun rapport entre nos sens et nos facultés avec cette division arbitraire, seulement consacrée par l'usage, et vraisemblablement appropriée à la mesure de notre attention, qui a besoin d'interruption et de repos, après la durée d'un acte, et qui ne pourrait se soutenir, sans nous incommoder, après cinq actes. […] Il n'y a qu'une plaisanterie ou un divertissement qui puisse s'exécuter en un ou deux actes : toute intrigue, pour se former, se nouer, se dénouer, en exige au moins trois ; au-delà de cinq elle fatigue.
L’Amour d’Eudoxe et d’Héraclius est traité dans cette Tragédie avec un ménagement extraordinaire ; à peine en parle-t-on : à l’exception de la première Scène du quatrième Acte, où il n’est question cependant que de l’importante affaire de la reconnaissance du fils de Maurice, ces Amants ne se trouvent jamais tête à tête sur le Théâtre pour parler de leurs amours. […] Si cette Pièce avait cinq Actes, au lieu qu’elle n’en a que trois, elle ne plairait guère moins qu’Athalie, qui réunit en sa faveur tous les suffrages. […] Cependant, telle qu’elle est en trois Actes et avec des chœurs en musique, je ne balancerais pas un instant à la mettre sur le Théâtre de la Réformation. […] Cette Tragédie semble avoir été faite pour un Collège : elle est sans femmes et en trois Actes ; si M. de Voltaire l’avait voulu, il l’aurait mise facilement en cinq Actes ; je crois même voir très clairement qu’il s’est fait violence pour en restreindre l’action.