L’Abbé de Voisenon, un des Quarante de l’Académie Françoise, & Envoyé de l’Evêque de Spire, est mort le premier décembre 1775, Le Théatre y perd un compositeur & un spectateur ; mais la perte de l’Eglise est légere. […] L’Académie Françoise devroit suivre l’exemple du Monarque, ne pas adopter les représentans des passions, qui devroient leur être plus étrangers que les Ministres de l’Empereur de la Chine ne le sont à Versailles ; sur-tout dans un état si saint, qui ne doit respirer que la vertu, & dont les dérangemens autorisent si sort le vice. […] Ce fretillement, cette fraternité avec Chaulieu & Voltaire, cette Muse vive & gentille, montrent l’idée qu’en avoit le monde, & ne font l’éloge des mœurs, de la religion, de la sagesse, ni de l’Ambassadeur, ni de l’Ecclésiastique, ni de l’Evêque qui l’initia, ni de l’Evêque qui le députa, ni de l’Académie qui le reçut, ni des Journalistes qui en ont fait le panégyrique. […] Cet Abbé ne manquoit pas d’un certain talent ; il avoit de la gentillesse, & quelques petits traits assez fins & assez piquans ; aussi étoit-il de l’Académie Françoise, & fut-il canonsé au jugement de deux Evêques : mais on auroit bien dû épargner à sa mémoire le tort de produire au grand jour cette nouvelle comédie qui jure avec la gravité d’Ambassadeur, le caractere sacerdotal & le panégyrique épiscopal.
Cet homme élevé jusqu’aux nues, honoré d’une place à l’Académie Françoise, d’une apothéose & d’une statue dont on vouloit souiller le lieu saint. […] Il n’avoit pas poussé bien loin sa fortune littéraire : il ne fut que de l’Académie de Dijon sa patrie, qui voulut se faire doublement honneur par l’adoption d’un tel citoyen. Il avoit trop de causticité, & respectoit trop la Religion pour être de l’Académie Françoise. […] ces hommes célébres sont aujourd’hui innombrables, les Académies se sont montées sur ce ton. […] (L’Académie) plus forte par le nombre & vantée en tous lieux, les corrupteur, du goût en paroissent les Dieux, eux seuls peuvent prétendre au rare privilege d’aller au Louvre en corps commenter l’alphabet, grammairiens jurés immortels par brevet.