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134. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre V. Du Faste. » pp. 154-183

Autant que le zèle est louable de mettre tout à profit pour la gloire de Dieu, autant l’orgueil & la vanité sont repréhensibles d’abuser de la foiblesse des hommes pour s’élever. […] La modestie dans la main de Dieu est un engagement à la piété : iniquitatis ingenium, quibus malus genius præest, hortatur ad inhonesta qui inhonestè vestitur. […] Je sais que les Muguettées n’ont que trop de cajolerie ; mais que répondront-elles au jugement de Dieu, si les Anges viennent à tordre leurs habits, & en faire distiller le sang des pauvres ? […] Les effets du sacrifice de Magdelaine sont tous divins, Dieu lui pardonne ses péchés, loue sa charité, elle devient un modèle de toutes les vertus ; Dieu se servit du crime d’Holopherne pour le perdre, & de la beauté de Judith pour l’aveugler ; mais le péché d’Holopherne n’est pas douteux, & malgré son courage & sa victoire qui sont dignes d’éloges, les moyens dont elle se servit sont-ils bien légitimes ? […] 5.° Le visage est le miroir, l’image de la Divinité ; il faut donc l’embellir par religion pour honorer Dieu, comme on embellit les Églises, les ornemens, les autels ; c’est un genre de culte que Dieu n’agréa jamais, qui loin de l’honorer l’offense.

135. (1738) Sentimens de Monseigneur Jean Joseph Languet Evéque de Soissons, et de quelques autres Savans et Pieux Ecrivains de la Compagnie de Jesus, sur le faux bonheur et la vanité des plaisirs mondains. Premiere partie « Sentimens de quelques ecrivains De la Compagnie de Jesus, Touchant les Bals & Comedies. Premiere Partie. — Entretien premier. Sentiment du reverend Pere Bourdaloue de la Compagnie de Jesus, touchant les Bals & les Comedies en general. » pp. 8-16

Ce qui doit résulter delà, c’est qu’ils sont au moins suspects, & puisque ceux qui soûtiennent, que l’innocence y est blessée sont du reste les plus réglez dans leur conduite, & plus attachez à leurs devoirs, les plus versez dans la science des voyes de Dieu, n’est-il pas plus sûr & plus sage que je m’en raporte à eux, & que je ne risque pas si legerement mon salut ? […] suivant le conseil du Saint Esprit, j’interrogerois ceux que Dieu m’a donnez pour Maîtres, ce sont les Peres de l’Eglise Interroga Patrem tuum, & annuntiabit tibi, majores tuos, & dicent tibi : & après les avoir consultez, il seroit difficile, s’il me restoit quelque delicatesse de conscience, que je ne fusse pas absolument convaincu sur cette matiere. […] Ils m’aprendroient que les païens mêmes les ont proscrits comme préjudiciables & contagieux : il n’y a qu’à lire ce que saint Augustin en a remarqué dans les livres de la Cité de Dieu, & les belles Ordonnances qu’il raporte à la confusion de ceux qui pretendroient maintenir dans le Christianisme ce que le paganisme a rejetté. […] Car c’est vous jouër de Dieu même, mon Frere, écrivoit saint Cyprien, d’avoir dit anathême au demon, comme vous l’avez fait en reçevant sur les Sacrez fonts la grace de Jesus-Christ, & de rechercher maintenant les fausses joïes qu’il vous presente dans une Assemblée ou dans un spectacle de vanité. […] Et ne seroit-ce pas une temerité insoutenable, & ou nul Chrétien de bon sens ne tombera jamais, de prétendre que ces hommes de Dieu se soient tous égarez, qu’ils ayent tous porté trop loin les choses, & que dans le siécle ou nous vivons, nous soyons plus éclairez qu’ils ne l’étoïent ?

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