Si tous les hommes étaient sages naturellement, rien de plus inutile, j’en conviens, que le Théâtre ; rien de plus inutile que tous les écrits des Pères, que l’Evangile même : mais si la plupart des hommes ne sont rien moins que sages, et que leur conduite et leurs mœurs prouvent que la nature et la raison ne leur ont pas encore fait trouver la Vertu assez aimable, pour n’avoir pas besoin de peintres qui leur en fassent remarquer les attraits ; si la vue de ces peintures les porte à faire plus d’attention à l’original, comme le portrait d’une jolie femme fait désirer d’en connaître le modèle à ceux qui ne l’ont pas vue ; il est donc probable que le Théâtre peut opérer les mêmes effets et que le coloris agréable qu’il prête aux charmes de la Vertu, altérés quelquefois par les pinceaux austères des Pasteurs ou des Philosophes, peut faire désirer de la connaître et de la pratiquer. […] La petite lettreca qu’il vous a écrite a furieusement diminué la réputation de votre long discours sur L’Inégalité des conditions cb. […] « Vous n’avez jamais vu qu’une fois l’Auteur d’Atrée et de Catilina, et ce fut pour en recevoir un service : vous estimez son génie et vous respectez sa vieillesse ; mais quelque honneur que vous portiez à sa personne, vous ne devez que justice à ses pièces ; et vous ne savez point acquitter vos dettes au dépens du bien public et de la vérité. »cc Ne dirait-on pas que vous êtes un de nos Académiciens et que par conséquent, juge éclairé de la Littérature Française, vous ayez été forcé par état de prononcer contre les écrits de votre bienfaiteur, et que les ordres de la Cour vous aient mis dans le cas d’opter entre le ménagement que vous lui deviez et l’accomplissement de vos devoirs ? […] Ma confusion annonçait mon repentir, je cherchais des excuses que je ne pouvais trouver ; mon embarras et ma douleur se peignirent si bien dans mes yeux, que Madame D. en eut pitié ; elle eut la bonté de demander pardon pour moi et l’obtint : je crus alors que M. de Voltaire ne rejetterait pas le témoignage de mon repentir ; j’eus l’honneur de lui écrire : savez-vous quelle fut sa réponse à ma lettre ? […] En voulant censurer les écrits de nos maîtres, notre étourderie nous y fait relever mille fautes qui sont des beautés pour les hommes de jugement. » bz.
Si je ne puis comprendre qu’il se trouve des Auteurs Chrétiens capables d’inventer de pareils rôles, de composer de tels vers, d’écrire, de faire réciter des blasphèmes, je comprends aussi peu qu’il se trouve des Acteurs Chrétiens qui puissent se résoudre à les débiter. […] Voltaire, qui s’est déclaré pour le théâtre, contre les dangers duquel il avait autrefois écrit, comme il s’est déclaré contre la religion qu’il avait jadis professée, parle ainsi de ce Prinn (Lett. […] « Du temps de Charles I. dans les guerres civiles commencées par des rigoristes fanatiques, on écrivait beaucoup contre les spectacles, d’autant plus que Charles et la Reine sa femme, fille de Henri IV, les aimaient extrêmement. Un Docteur, nommé Prinn, scrupuleux à outrance, qui se serait cru damné, s’il avait porté une soutane au lieu d’un manteau court, selon l’usage des Presbytériens, s’avisa d’écrire un fort mauvais livre contre d’assez bonnes comédies qu’on représentait très innocemment devant le Roi. […] Les Anglais ne se sont jamais embarrassés des écrits contre la comédie.