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72. (1692) De la tragédie « De la tragédie ancienne et moderne. » pp. 148-162

D’ailleurs ce serait donner un grand avantage aux libertins, qui pourraient tourner en ridicule, à la Comédie, les mêmes choses qu’ils reçoivent dans les Temples avec une apparente soumission, et par le respect du lieu où elles sont dites, et par la révérence des personnes qui les disentc Mais posons que nos Docteurs abandonnent toutes les matières saintes à la liberté du Théâtre, faisons en sorte que les moins dévots les écoutent avec toute la docilité que peuvent avoir les personnes les plus soumises : il est certain que de la doctrine la plus sainte, des actions les plus Chrétiennes, et des vérités les plus utiles, on fera les Tragédies du monde qui plairont le moins. […] Les désordres causés par ces sortes de Jeux, furent représentés au Parlement de Paris d’une manière très vive et très forte en 1541 par le Procureur du Roi.« Pendant lesdits jeux, dit-il, parlant du Mystere de la Passion, et des Actes des Apostres), le commun peuple dès huit à neuf heures du matin ès jours de Fêtes délaissait sa Messe Paroissiale, Sermon et Vêpres pour aller èsdits jeux garder sa place, et y être jusqu’à cinq heures du soir ; eutd cessé les Prédications, car n’eussent eu les Prédicateurs qui les eût écoutés.

73. (1640) L'année chrétienne « De la nature, nécessité, et utilité des ébats, jeux, et semblables divertissements. » pp. 852-877

Vous trouverez beaucoup de personnes qui ont écrit contre les Comédiens, et contre ceux qui les écoutent :Les comédies sont de soi indifférentes, il faut abhorrer les mauvaises. je ne veux pas être si sévère, qu’absolument je blâme ni ceux qui les font, ni ceux qui les écoutent ; car je sais qu’on en a fait de fort belles, desquelles on a pu sortir ayant l’esprit plus gai et débandé, sans être aucunement souillé, ni autrement intéressé : en celles-là vous y pouvez assister sans scrupule, si peut-être votre vacation particulière, ou quelque autre circonstance ne vous en empêche : mais aux autres qui représentent, ou disent des choses qui portent à l’impudicité, et blessent la charité, ne vous y trouvez jamais ;Le mal qu’il y a aux comédies. […] Combien de fois vous est-il arrivé, qu’étant fort attentive à penser à quelque chose, ou à l’écouter, vous n’avez pas pris garde ni au bruit qui se faisait, ni à voir ceux qui passaient devant vous, ni à entendre ce que les autres disaient : Le même ne vous peut-il pas arriver, si en telles récréations vous êtes attentive à Dieu, votre vue le voit, et votre cœur lui parle, aussi bien peut-être comme en une Eglise, car tout le monde étant rempli de Dieu, vous doit servir d’Eglise. […] de façon que tout en riant, et vous recréant, vous preniez dextrement occasion de dire quelque chose qui soit pour édifier les autres, et leur mettre en l’âme quelque bonne et sainte pensée : C’est l’avis de saint Paul, écrivant aux Ephésiens, « Qu’aucune mauvaise parole ne sorte de votre bouche, mais celle qui édifie, qui rend plus agréables à Dieu ceux qui l’écoutent ; et ne contristes pas le saint Esprit » :72 Et en la même Epître il défend « les paroles qui ressentent, ou l’impureté, ou la bouffonnerie »,73 lesquelles contristent le saint Esprit qui est là présent, ou bien les personnes vertueuses, dans lesquelles est le saint Esprit. […] Lors qu’on joue en un temps destiné et ordonné pour une autre occupation, par exemple, le matin avant que d’avoir prié Dieu, ou au temps qu’il faut ouïr la Messe : lorsqu’un Juge doit aller écouter les parties, et faire justice à ceux qui l’en requièrent ; ou qu’un Conseiller doit se trouver au Parlement, avec ses Collègues ; le soir quand il faut faire son examen, ou autres prières : Bref, quand le jeu empêche une occupation plus nécessaire, soit pour nous, soit pour notre prochain ; et certes s’il est loisible de quitter l’Oraison et la Messe, pour une œuvre de charité, qui ne peut être différée ; combien plus sera on obligé de quitter le jeu.

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