Ô Mon Dieu, mon divin Sauveur, viens remplir mon âme de ces douceurs que tu communiques à tes fidèles serviteurs ; donne-moi le pain descendu des cieux, la vraie manne et le pain des Anges qui me fasse goûter des plaisirs lesquels étouffent le sentiment des plaisirs du monde, et le goût de ses divertissements ; que tes sabbats fassent mes délices ; que ta parole me soit plus douce que le miel, et que les rayons de miel ; et que la méditation des joies que tu me prépares dans ton ciel me ravisse de telle manière, que je ne sois plus ni au monde ni à moi, mais que je sois tout entier à toi. […] Fais couler tes fleuves à travers le paradis, plantes-y l’arbre de vie, et y verse une si grande affluence de biens, que ma richesse me fasse regarder avec un souverain mépris celle du monde, et que de dessus le trône où tu auras placé mon âme, elle regarde tous les palais de la terre comme des cabanes.
Il y a bien des degrés avant que d'en venir à une entière corruption d'esprit, et c'est toujours beaucoup nuire à l'âme que de ruiner les remparts qui la mettaient à couvert des tentations. […] L'on ne commence pas à tomber quand on tombe sensiblement, les chutes de l'âme sont longues, elles ont des progrès et des préparations; et il arrive souvent qu'on ne succombe à des tentations que parce qu'on s'est affaibli en des occasions qui ont paru de nulle importance, étant certain que celui qui méprise les petites choses s'engage peu à peu à tomber. « Qui spernit modica paulatim decidet" C'est un des sens de cette parole de Job: " Qui habitant domos luteas consumentur velut a tinea.