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185. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — [A] » pp. 297-379

Molière a fait des Pièces où les mœurs sont blessées ; Regnard l’a imité dans ce défaut, & la foule de Comiques qui les ont suivis, les Montfleuri, les Dancourt, &c. ne les ont pas ménagées ; c’est une vérité : mais, prenons la plus mauvaise de toutes les Pièces en ce genre, & choisissons-la nouvelle ; le Tuteur-Dupé, par exemple : j’y vois une suite de mensonges, de fourberies, non-seulement de la part d’un Valet, & d’une Soubrette, mais de celle d’une Jeune-personne honnête, à qui l’on fait faire un Rôle indécent, qui marque une tête tournée par la passion ; j’y vois une vieille Folle, dont l’impudence révolte & dégoûte ; ce tableau n’est pas édifiant : mais j’y vois aussi, un Vieillard qui cherche le bonheur, où il n’est pas pour les gens de son âge ; je vois que son aveugle passion le fait seule donner dans tous les piéges d’un vil intriguant, & rejetter les sages conseils d’un homme simple & droit : j’y découvre, qu’on ne peut jamais violer impunément cette loi de la nature, toujours sainte, toujours sacrée, qui veut que la jeunesse s’unisse à la jeunesse, pour former un lien, où toutes les convenances doivent se rencontrer ; j’y trouve le mordant ridicule jeté sur la passion insensée, qui veut associer à l’hiver de l’âge, les fleurs du printemps ; assemblage bizarre, dont il ne peut résulter que le discord & l’infécondité. […] Ainsi les peintures de l’amour sont peu dangereuses pour les mœurs ; elles usent ce sentiment ; c’est de la paille dans le feu, qui s’allume, jette un éclat vif, & s’éteint : mais, l’effet des Pièces où l’amour fait le principal rôle, fût-il certain sur toutes sortes de personnes ; dans tous les âges, cette passion a l’avantage de pouvoir être tournée vers un but honnête ; elle est, tout considéré, la moins dangereuse de toutes pour les bons naturels : en peut-on dire autant de la vengeance, de l’ambition, que le Réformateur n’exclut pas du Théâtre ? […] Ils répètent dans un âge plus avancé, cet amusement de leur première jeunesse, mais d’une manière plus majestueuse, qui approche de la vérité. […] Si quelques-uns de ces Jeunes-gens avaient déja de la barbe, ils se l’arrachaient soigneusement, pour paraître toujours dans l’âge de l’adolescence.

186. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre prémier. — Chapitre III. Origine des Théâtres. » pp. 22-49

Cependant il faut décider ; l’Histoire est remplie d’obscurités, lorsqu’elle remonte dans des tems éloignés ; elle ne parle que par conjecture des Rois qui ont gouvernés de grands Peuples, & d’une monarchie entière : comment entreprendrai-je de parler avec certitude de l’origine des Spectacles, dont elle n’a presque rien dit, & qui se perd dans les prémiers âges du monde ?

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