Prenez un mandiant, trois jours qu’on le leur donne, Je réponds qu’il prendra les dehors des François. […] J’aimerois mieux y être joué, que de donner mon suffrage au membre bâtard de ce mauvais goût. […] C’est se peu respecter soi même, que d’outrager les oints du Seigneur ; & loin que sa dignité lui en donne le droit, elle devroit le rendre plus circonspect pour ses confreres. […] Il se plaignoit avec un doux souris Que le Très-Haut, quoique prudent & sage, Donne aux Elus les peines en partage.
Si malheureusement les hommes d’Etat auxquels le monarque accorde sa confiance, continuaient à se laisser asservir sous l’influence des prêtres et à subir le joug anarchique du Clergé, leur coupable condescendance nous reporterait inévitablement à ces temps de calamité, où des moines, des prêtres et des prélats, sollicitaient, et provoquaient des lois inexorables et sanguinaires, et non contents de donner le scandale de voter ces lois de sang, ils parvinrent à se constituer eux-mêmes juges de tous les délits en matière de foi, et à faire couler à grands flots le sang des victimes qu’ils immolaient à leurs implacables vengeances, et faisaient brûler vifs des schismatiques, des hérétiques, des Juifs, etc.… et trop souvent des hommes riches qu’ils faisaient périr pour s’emparer de leurs dépouilles. […] En conséquence, les fidèles qui se trouvent frappés par le mandement de M. l’archevêque de Rouen, sont bien en droit de lui rappeler les obligations qui lui sont imposées à lui-même, par les propres lois qu’il veut appliquer aux autres : ainsi le magnifique palais qu’il habite dans sa ville archiépiscopale, ses hôtels somptueux à Paris, doivent se fermer, à la citation que nous lui faisons, et lorsqu’il se sera décidé à descendre dans un petit logis, près de l’église, à n’avoir que des meubles de vil prix, une table pauvre, et qu’il soutiendra, selon le canon du saint concile de Carthage, sa dignite, par sa foi, son abstinence et sa charité, alors il aura toute la raison imaginable de forcer les autres à suivre un code qui deviendrait alors obligatoire pour tous ; mais avant tout, il doit, ainsi que les évêques, ses vénérables collègues, donner l’exemple et observer la loi pour l’appliquer aux autres fidèles.
Ou bien quelque angélique essence Qui ne veut souffrir la puissance Du lance-foudre Jupiter : Ou l’Amour d’une cause feinte Qui de son trait donne une atteinte Aux immortels pour l’irriter.
L es Auteurs qui ont entrepris de donner des règles sur le Théâtre, ont été jusques à marquer combien on pouvait faire parler d’Acteurs dans une même Scène.
C’était peut-être une des raisons du silence des Apôtres, qui accoutumés à la simplicité de leurs pères et de leur pays, n’étaient point sollicités à reprendre en termes exprès dans leurs écrits, des pratiques qu’ils ne connaissaient pas dans leur nation : il leur suffisait d’établir les principes qui en donnaient du dégoût : les chrétiens savaient assez que leur religion était fondée sur la Judaïque, et qu’on ne souffrait point dans l’Eglise les plaisirs qui étaient bannis de la Synagogue : quoi qu’il en soit, c’est un grand exemple pour les chrétiens, que celui qu’on voit dans les Juifs ; et c’est une honte au peuple spirituel, de flatter les sens par des joies que le peuple charnel ne connaissait pas.
Secondement lorsqu’il parle dans cet endroit du plaisir que ces histrions donnaient au peuple « en paroles et en actions », il ne sort point de l’idée des discours facétieux accompagnés de gestes plaisants : ce qui est encore bien éloigné de la comédie.
« Il n’y a peut-être point de gens, dit Bayle, qui puissent se donner plus de carrière, en fait de maximes impies et libertines, que ceux qui composent des pièces de théâtre ; car, si on voulait leur faire un crime de certaines licences qu’ils prennent, ils ont à répondre qu’ils ne font que prêter à des profanes ou à des personnes dépitées contre la fortune les discours que le vraisemblable exige.
» Aristote, qui, dans son Art Poétique, a donné des règles pour le théâtre, sur lesquels nos grands maîtres, surtout Pierre Corneille, se sont modelés, n’a pas laissé, dans sa Politique, de supposer un certain danger dans les représentations.
A peine a-t-on trouvé dans Paris une seule maison pour l’y donner.
On verra dans le cours de cet Ouvrage que l’envie des succès d’autrui n’est pas l’éguillon qui m’a guidé : si ma fortune était moins bornée, la preuve serait aisé à donner : mon bien serait celui des enfans des arts ; au surplus, j’ai pour garands ceux qui me connaissent : souvent avili par des gens méprisables, c’est l’ordinaire, en état de leur faire payer cher leurs infâmes menées, j’en ai dédaigné les moyens, on le sait… un mot m’eut mis à même d’en avoir satisfaction, Mais me venger est au-dessous de moi.
Il y a donc dans le cœur des Spectateurs un Théâtre secret, où chacun est Acteur & joue sa propre passion ; & c’est ce qui donne le vif & le piquant au Spectacle ; c’est ce qui y porte avec tant d’ardeur.
Si l’on daigne peser mes raisons, j’espère qu’on me rendra justice, & qu’on avouera que j’ai réfléchi sur le Pour & le Contre, avant de donner librement mon avis.
Le Chœur seul y chantait et dansait, pour marquer ordinairement les intervalles des Actes, ou pour donner quelque grâce extraordinaire au Poème ; mais toujours avec la bienséance convenable à ces belles représentations.
Enfin il sortit de là avec une telle ardeur pour les Spectacles, qu’il ne respiroit plus autre chose ; & non seulement il étoit prêt d’y retourner avec ceux qui l’y avoient amené, mais qu’il en étoit plus entêté qu’aucun, & qu’il y menoit les autres. » Que ne dit point un tel exemple à quiconque craint sérieusement d’offenser Dieu, & de donner la mort à son ame ?
Il faut toujours que les règles de la véritable vertu soient méprisées par quelque endroit pour donner au spectateur le plaisir qu’il cherche.
Puisque les Comédiens sont excommuniés, infâmes, attachés à une profession criminelle, le Curé de Philométor a fait son devoir en lui refusant les Sacrements, à cause de l’opiniâtreté où il était de vouloir persévérer dans sa profession, et par conséquent il a dû refuser à son corps la sépulture Ecclésiastique ; puisqu’elle n’est due qu’à ceux qui meurent dans la Communion de l’Eglise, et que le Rituel Romain défend de la donner aux pécheurs publics.
On a vu des comédiens enterrés dans nos églises, tandis que d’autres n’ont pu obtenir de places dans nos cimetières ; et l’on voit journellement nos comédiens entrer dans nos temples, participer même aux exercices de notre religion, en même temps qu’ils exercent leur profession ; donc ils ne sont pas excommuniés dénoncés, car en ce cas ils devraient être exclus de l’église, et l’église purifiée après leur expulsion ; Les papes, les rois et tous les souverains de la chrétienté ayant institué des théâtres et des comédiens dans leurs Etats, pour le plaisir et l’instruction de leurs sujets, n’ont pas prétendu se damner eux et toutes leurs nations, par la fréquentation obligée qu’ils établiraient avec des excommuniés ; Le clergé usurpe sur l’autorité séculière en blâmant, en punissant, en damnant ce qu’elle a créé et institué ; Certaines processions et d’autres cérémonies religieuses, pratiquées par le clergé, sont infiniment plus obscènes, plus coupables, plus nuisibles à la majesté de notre sainte religion que l’exercice de la comédie ; Le clergé qui veut anéantir une profession que les princes et les lois ont instituée, prétexte la rigueur des anciens canons des conciles, et il oublie lui-même, en ce qui lui est propre et absolument obligatoire, ce que ces mêmes canons ont dicté et voulu ; circonstance qui met l’auteur dans la nécessité de les lui rappeler ; La puissance séculière doit veiller avec d’autant plus de soins à ce que le clergé ne s’éloigne pas des devoirs qui lui sont imposés par la discipline ecclésiastique, que c’est l’oubli de ces mêmes lois, au dire de notre roi, Henri III, qui a porté le clergé à faire ensanglanter son trône, et à bouleverser ses Etats ; que l’expérience du passé doit toujours servir de leçon pour l’avenir ; Le prince étant le protecteur né des canons des saints conciles, ainsi que l’Eglise le reconnaît elle-même, doit surveiller tant par lui que par ses délégués l’exécution de ce qu’ils ordonnent, afin que la religion ne perde rien de son lustre et des dogmes de son institution, parce qu’il est utile que les ministres du culte donnent eux-mêmes l’exemple de cette conformité aux saints canons, afin d’y amener successivement les fidèles commis à leur instruction ; les procureurs du roi, les préfets, les sous-préfets et les maires qui sont les délégués du prince, tant en ce qui concerne la justice que la police du royaume, doivent, avec tous les procédés convenables en pareils cas, faire sentir aux prêtres qu’ils ont sur eux une suprématie d’action, qui est assez forte pour les faire rentrer dans les lois de la discipline de l’Eglise, s’ils commettaient la faute de s’en écarter.
Mais, dès qu’elles se sont livrées à ces divertissements contagieux, elles ont donné dans les plus grands excès, et se sont familiarisées avec les plus grands crimes.
Si une fois le Théâtre était amené à ce point de perfection, qui ne manquerait pas à la fin de réunir tous les suffrages, l’inconvénient même des femmes, ou cesserait entièrement, ou serait considérablement diminué ; les bonnes mœurs, qui règneraient dans toutes les Pièces, n’instruiraient pas moins les Actrices que les Spectateurs ; et d’ailleurs on pourrait encore conserver les femmes, en prenant les précautions que l’on trouvera dans la Méthode de la Réformation, que je donnerai à la suite de ce Traité.