On fait d’abord l’Histoire de cet Art, duquel on tâche de raisonner en Philosophe. […] Les observations répandues dans ce dernier Livre tendent à lier plus intimement la Musique à la Poèsie, ces deux Arts considérés au Théâtre.
Au contraire, comme il a esté dit que la Nature n’est jamais si grande que dans les petites choses, il me semble qu’on pourroit dire icy le mesme de l’Art, & conclure à l’auantage du moindre sur le plus grand, ou certes à l’égalité de l’vn & de l’autre. […] L’Art se cache donc en certaines occasions sous l’apparence de son contraire. […] Et c’est alors que veritablement il est Art : C’est alors que les embusches font effet, quand elles ne font point d’éclat ; si on les descouure, elles ne sont plus embusches. […] Ce mystere a esté mal entendu par les derniers Poëtes, & particulierement par quelques Poëtes estrangers ; qui à vous dire le vray, sont les vrays Antipodes du bon sens, & sçauent en perfection l’art de mettre les choses hors de leur place. […] Ie me suis promené auecque vous, à l’entour d’vn Art, dont je ne voy que la superficie & les dehors.
Je pense, en second lieu, qu’on ne peut vous imputer tous les reproches qu’on vient d’entendre, mais uniquement à l’art que vous professez, & à la futilité du plus grand nombre de vos Spectateurs. […] Puisque leur étude principale se réduit à la connoissance de l’homme, la Société leur présentera toujours des Livres vivans, & ils ne doivent plus appréhender d’y rester oisifs dès qu’une fois ils auront acquis l’art d’observer. […] Quelqu’un a défini l’Art Militaire, l’Art de commander & d’obéir. […] Quel Art peut se perfectionner s’il n’est exercé ? […] Il est démontré que l’ame a ses maladies propres ; que ces maladies ont des symptômes faciles à reconnoître ; qu’il y a des remedes contre ces maladies, & un art de les administrer.
L'art dramatique n'est que l'art de ramasser, de combiner, d'inventer, de lier des folies, et l'art de l'Acteur celui de les peindre, et le plaisir du spectateur de les voir, de les goûter, de s'en amuser, ou l'art d'embellir, de dire et de faire agréablement des extravagances. […] L'évidence d'une expérience journalière a fait passer tous les termes de l'art dramatique dans le langage ordinaire, pour exprimer de la manière la plus énergique la facilité, le ridicule, la folie, l'indécence, la dérision, le mépris, que les termes les plus forts peindraient moins vivement. […] Et n'est-ce pas un art divin que de savoir assortir des folies, mettre en œuvre des rêveries, à peu près comme de savoir faire un château de cartes et un habit de plumes ? […] C'est un art de présenter le corps humain dans tous les jours et les attitudes capables de plaire, et en faire un portrait de toutes les passions. […] Les Juifs sur les arts de goût n'en savaient pas davantage.
La douceur du poison en fait oublier les funestes suites ; on ne voit plus rien de honteux dans les passions, dès qu’elles ont été déguisées sur le théâtre, et embellies par l’art ; et à force d’admirer et d’applaudir, on y apprend à ne rougir de rien. […] Une salle, le rendez-vous de tous les libertins, et de tout ce qu’on appelle dans une ville gens oisifs, gens de plaisirs : peu dont les mœurs ne soient corrompues, moins encore qui soient de bonnes mœurs : une assemblée où règne un luxe étudié, où tout éblouit, où tout brille, et dans laquelle il ne se trouve pas une jeune personne qui n’ait employé tout ce que l’art a de plus séduisant pour plaire et pour tenter : Des loges pleines d’écueils d’autant plus dangereux qu’ils sont plus à couvert, et d’où les yeux peuvent rassembler plus d’objets à la fois, tous plus à craindre. […] Ce ne sont là que des préludes des funestes conquêtes que font les passions dans ces sortes de divertissements ; tout concourt à attendrir, à séduire ; on dirait que la lumière du jour est trop pure pour n’être pas incommode : une médiocre clarté est plus de l’art des spectacles. […] Tout ce que l’harmonie a de charmes, tout ce que l’art peut donner de merveilleux à un concert de voix et d’instruments, tout est employé pour attendrir, pour toucher l’âme ; il n’en faudrait pas tant pour la rendre sensible. […] un objet trop mondain vu par hasard, un mot trop libre dit sans dessein, une lecture peu modeste faite sans malice, mettent en danger la vertu la plus affermie, et sont très souvent des sources de réprobation : et tout ce que la passion a de plus vif et de plus empoisonné, tout ce que l’art de tenter a de plus fin et de plus poli ; un assemblage de tout ce qui peut séduire, ne sera ni une occasion prochaine de péché, ni un manifeste danger à des gens nourris, la plupart dans une criminelle mollesse, nourris même dans le péché !
Art. […] Art. […] Art. […] Art. […] 41. i Art.
Le Traité de l’Art du Théâtre, que je présente au Public, est plutôt un essai qu’un écrit dans les formes. […] Cet ouvrage contiendra donc tout ce qu’on peut dire de plus important sur chaque espèce de Drames ; il donnera aussi une idée de l’art que chaque Peuple éxige de ses Auteurs Dramatiques. […] Il doit être question de cet art agréable dans un ouvrage où l’on voudra renfermer tout ce qui regarde les Spectacles.
Mais quel art ne faut-il pas pour les faire paraitre & suivre à propos ! […] » voila ce qui s’appelle décrire son sujet avec Art. […] Que les incidens qui la composent soient amenés avec Art, & paraissent une suite de ceux qui les ont précédés. […] Voyez avec quel art Molière fait attendre ses personnages. […] J’avertis que la dernière, inventée par les modernes, éxige un art & un travail infini.
pourquoi proscrire leur art avec plus de sévérité que tant d’autres qui ne servent qu’à entretenir le luxe & la mollesse ? […] Et cependant c’est dans de telles circonstances qu’un profane comédien pousse l’absurdité de son orgueil jusqu’à nous donner son art pour le premier de tous les arts ; qu’il ose avancer que la gloire de son théâtre est une partie essentielle de la gloire nationale. […] Et croyez-vous que parmi les Pasteurs de l’Eglise, il y en ait un seul qui croie les Comédiens à l’abri de cette vengeance divine, tant qu’ils continuent d’exercer leur art pernicieux ? […] Cependant, sous les yeux même de cette Eglise & dans ce Royaume Chrétien, les Spectacles du théâtre sont tolérés, autorisés même en quelque sorte par le Gouvernement ; & les Comédiens y exercent leur art sous la protection des loix. […] Si le Poète, peu fidèle aux règles de son art, vous présentoit l’idée de certains désordres auxquels le monde, tout corrompu qu’il est, attache encore une juste ignominie, il révolteroit votre délicatesse, & l’horreur qu’il vous inspireroit, détruiroit en vous le sentiment du plaisir.
A peine l’art de Sophocle & de Corneille, offre-t-il quelqu’épine. […] Il vole à sa société ; quelques Bourgeois qui ont appris l’art du Théatre en devinant les énigmes du Mercure, ou dans les petites Affiches, quelques femmeletes qui ont fait des logogryphes & des bouts-rimés, & qui se sont faits, en payant, comparer aux héroïnes du siécle dernier & du notre ; voilà le Tribunal auquel cette piéce est déférée. […] Quand les plus célébres Poëtes ont médité les principes de l’art toute leur vie ; quand ils ont passé les jours & les nuits à consulter les Anciens, à se nourrir des beautés de leurs ouvrages ; quand ils ont puisé les plus grands traits de leurs Poëmes dans ces sources ; quand après des refléxions profondes, des veilles opiniâtres, & avec un génie brillant, ils se sont à peine crus en état de porter ce noble fardeau, & n’ont proposé leurs découvertes qu’avec modestie, & que comme des doutes ; nous verrons des enfans sans principes, sans connoissances, s’abandonner à une yvresse aveugle, & se croire supérieurs à tout ce qu’exige le Théatre ? […] Combien cela ne paroît-il pas extraordinaire aux étrangers, qui font gloire de connoître & de fréquenter ceux qui cultivent les Sciences & les Arts ?
S’il étoit possible que les Auteurs fissent une entiére abstraction des connoissances qu’ils ont du Théatre, & de l’art Dramatique ; leurs arrêts mériteroient plus de confiance. […] Tant que l’art Dramatique n’a été connu que par les génies qui le professoient, on rendit justice à leurs beaux Ouvrages. […] On y puise des idées de l’art, on se remplit du talent des Acteurs. […] Ils lui donneroient plus de confiance en sa théorie, il ne parleroit plus qu’élemens : il leur conféreroit sans cesse toutes les parties d’une Tragédie ; le tems que dure un spectacle ne seroit employé qu’à des disputes sur l’art d’attendrir & d’émouvoir, qu’à des puériles discussions sur les fautes que l’Auteur pourra avoir commises. […] Pour moi je ne puis m’empêcher de répéter que l’art Tragique se propose d’ébranler l’ame par de violentes sécousses ; que le sentiment perd de son activité à proportion que l’esprit fait des progrès ; que le goût analytique est le plus cruel fléau de l’imagination & de l’enthousiasme ; que c’est à l’empire qu’il exerce de nos jours sur le Parterre, qu’il faut attribuer en partie, la foiblesse de nos Poëmes, & la décadence du Théatre.
Néanmoins comme je crains de mal parler, je me servirai souvent des expressions des autres ; c’est-à-dire, je ne ferai aucune difficulté de transcrire des lignes, des phrases, des pages même de nos Héros de la Littérature, de nos Défenseurs de l’Art Dramatique, de nos Athletes intrépides du tripot Comique, qui sont, sans les nommer, MM. […] Je n’ai rien eu à démêler avec eux, Dieu-merci ; ce n’est donc point par vengeance secrette que je les attaque, c’est à cause du tort que leur domination fait à l’Art Dramatique : quoiqu’à bien considérer, pourquoi craindre les décrets d’un aréopage qui a refusé Mérope, qu’on a obligé de recevoir la Métromanie ? […] Cette affaire ne me regarde pas, il est vrai, mais je vois les intérêts de l’Art, & il est permis, je pense, à tout galant homme, surtout à un Amateur de Spectacles, de les soutenir, & même de les défendre envers & contre tous, & l’on ne peut que lui en savoir bon gré. […] Vous avez beau faire voir combien il est absurde qu’un Ouvrage de génie, sur lequel les Gens de l’Art peuvent à peine prononcer après l’avoir examiné à tête reposée, soit condamné à l’oubli sur une simple Lecture faite en l’air dans une assemblée tumultueuse. […] Il a fait ses preuves de talens dans l’Art Dramatique ; on peut même en juger par les trois Piéces qui composent le premier volume de son Théâtre de Famille.
S’il est capable de supporter les operations de l’Art. […] C’est-là le poinct d’honneur de l’Art, & l’ordinaire écueil des esprits les moins vulgaires. […] Trop d’art, & trop de force y sont hors de leur lieu, & par consequent sans effet & sans agréement. […] Tous ces perils desirent de grands soins, beaucoup d’industrie, & nous avons veu, à Versailles & à Fontainebleau des Enchantemens contrefaits, où l’Art avoit surpassé la Nature, & ou la Nature avoit épuisé l’Art. […] Les autres y sont épars avec tant d’art & tant d’agrément, qu’il n’y a que les yeux qui puissent satisfaire sur cette curiosité.
Ne pourrait-on pas avec art, avec délicatesse, secouer un joug qui accable le génie, & contraint d’épargner le vice le plus ordinaire dans la Société ? […] pag. 128. lig. 18. après ces mots, qui se forme par dégrès, ajoutez cette note : (Une preuve frappante que l’harmonie & le chant nous sont naturels, c’est ce que Rameau lui-même, quoique intéressé à relever la supériorité de son art, rapporte dans son Traité sur la manière de former la voix. […] pag. 142. lig. prémiére ; après ces mots, l’Esprit humain, ajoutez cette note : (il y a un passage de Tacite qui prouve que je ne suis pas le seul qui aye prétendu que les Grecs se sont injustement attribués la plus-part des découvertes des arts & des sciences, faites par des Nations plus anciennes.
Oui, c’est à ce titre honorable que j’ai cru pouvoir exprimer mon vœu personnel pour l’entier rétablissement de la Morale et des Lois, sous un Gouvernement paternel, également ami des Arts et des Mœurs ; mais où la doctrine de nos Poètes dramatiques ne peut plus être désormais qu’en harmonie parfaite avec celle de la Chaire et du Barreau qu’il vient de rappeler à leur gloire primitive. […] Il appartenait à un homme aussi justement célèbre d’examiner la théorie de l’art, et d’exposer, d’une manière et si noble et si judicieuse, les règles propres à former des orateurs qui pussent un jour lui ressembler. Mais c’était assez pour moi, qui ne voulais que prémunir mes Lecteurs contre le danger de n’attacher d’importance et de prix qu’aux choses de pur agrément, et de flétrir souvent d’une sorte de mépris ce qui vraiment est le plus utile à la société ; c’était, dis-je, assez pour moi d’examiner l’influence de cet art si beau, si puissant de la parole dans l’état civil, afin de montrer le grand intérêt que nous avons tous au succès comme au rétablissement de l’éloquence de la Chaire et du Barreau.
Pour donner du passetemps à l’homme, l’homme est mis à mort : et pouvoir occire une personne, c’est science, c’est art, c’est usage et expérience. […] Pouvoir tuer un homme, c’est un art et science, l’avoir tué et massacré c’est gloire et honneur. […] Il est louangé pour ce crime-là, et d’autant qu’il est plus vilain et plus déshonnête, d’autant est-il plus savant en son art : on le regarde, mon Dieu !
Les Arts n’amolissent que les lâches, l’intrépide s’en nourrit. […] De là vient qu’il n’est pas non plus défendu de vivre de cet Art. […] Jacques Bernoulli, célèbre Mathématicien, né à Bale, où il professa cet Art. […] n’étaient-ils pas diffâmes, si l’Art mérite de l’être ? […] Ceux qui exerçaient cet art, étaient honorés ; ils doivent l’être encore.
Le Génie de la Ville, dites-vous, viendra accompagné de divers âges, de différents états, et des beaux arts. […] Les arts lui dresseront un temple.
Quoique des Auteurs connus trouvent dans les Poëmes d’Homère, les premières traces des représentations Théâtrales, parce que d’une action en récits, il n’y a qu’un pas à l’action représentée ; quoiqu’il soit certain que Thespis ait fait le premier un art particulier de celle-ci : sans rien diminuer de la gloire qui leur est dûe à cet égard, nous passerons à la seconde époque de la Tragédie, à Eschyle, qui tira cet art sublime, de l’avilissement où Thespis l’avoit laissé. […] Art, bienséances, correction, enfin tous ces petits détails, dont s’occupe le vulgaire, sont au-dessous de lui. […] Les Grecs étoient originaux dans les sciences & dans les arts. […] Les Grecs, nous l’avons déjà dit, sont regardés comme les inventeurs des sciences & des arts.