Ce que je crois très-vrai-semblable, c’est que Job, selon l’usage des Orientaux, qui donnoient à leurs enfans des noms mystérieux, relatifs aux événemens arrivés de leur temps, comme on voit par-tout dans l’Ecriture, Job a voulu dans les noms de ses trois filles représenter le changement de sa fortune. […] Des troupes ambulances d’acteurs, dont tout est plein, & qui pour de l’argent font ce qu’on veut, suivent la biere du mort jusqu’au tombeau, & par une scene mouvente représentent en chemin sans s’arrêter ce qu’ils jugent à propos, analogue autant qu’ils peuvent à la nature de la fête & au caractere du défunt, des choses lugubres & tragiques, des traits graves pour les Magistrats, des mouvemens vifs pour la jeunesse, pésans pour un âge avancé, des exploits guerriers pour les Militaires.
Ceux qui s’en dispensent sont des effrontés de faire peu de cas d’un habillement que les saints Pères appellent sacré, qui par la figure, la qualité, la couleur de l’étoffe, représente le mépris du monde, la pauvreté, la simplicité, la modestie, la pénitence, la mortification : qualités nécessaires aux gens de cette excellente vocation, auxquelles renoncent hardiment ceux qui n’en veulent pas avoir les apparences. […] Pour les représenter, leurs Prêtres jouoient ce double rôle d’homme & de femme par leurs déguisemens.
Jusques-là il a raison : mais comment le concilier avec lui-même, lorsqu’il soutient que cette Déclamation pareille à la nôtre, étoit notée, & composée par des hommes consommés dans la science des Arts Musicaux, dont la profession étoit de noter & de faire représenter les Piéces Dramatiques des Poëtes ? […] Les Sujets qu’exécutoient les Pantomimes étant très-connus à Rome, ils n’avoient pas besoin, avant que de commencer une Piéce, de faire crier, c’est Andromaque, c’est Priam, c’est Hercule, &c. que nous allons représenter : ils furent dans cette nécessité lorsqu’ils vinrent s’établir à Carthage, chez un Peuple à qui tous ces Sujets étoient nouveaux : quand il y fut accoutumé, cet usage cessa, il ne falloit instruire du Sujet de la Piéce, que celui qui la voyoit pour la premiere fois.
Hérault eut tant de peine à laisser représenter ; des discours de la tête d’Acajou, des spirituelles infamies du Miroir magique ; des niaiseries savantes de la Chercheuse d’esprit, des Troqueurs, de la Servante justifiée, du fleuve Scamandre, &c. […] Elles sont si utiles, que plusieurs d’entr’elles sont reçues gratis ; leur présence est le véritable assaisonnement de ce spectacle, elle tient lieu de l’esprit, de la finesse, de l’intérêt, qui manquent aux productions qui sont représentées.
Il est vrai que le Villageois n’est pas tout-à-fait tel que vous le représenterez.
Représentez-nous des femmes sans modestie, sans vertu, sans pudeur, dont les regards hardis font baisser la vue aux hommes ; qui ne rougissent de rien, ne voient de mal à rien, méconnaissent ou méprisent tous les devoirs de leur sexe : ces originaux-là sont chez vous, il vous est permis de vous en emparer : mais laissez nos Paysans ; ou du-moins ne prenez que ceux de Passy, de Chaillot, de Versailles & de Nanterre, que vous avez corrompus.
un lieu où sont représentés avec une étonnante précision tous les ridicules de la pauvre humanité, depuis ceux du prince assis sur le trône, jusques à ceux du pauvre couché sur la poussière ; où l’hypocrisie mise à nu, succombe sous le poids des anathèmes publics ; où la liberté trouve toujours des applaudissements, et la tyrannie des sifflets ; où le fanatisme excite l’indignation, la pitié ou le mépris, et où la charité, la tolérance sont toujours accueillies avec transports ; où enfin tout ce qui est juste, noble, généreux, désintéressé, trouve sympathie, et où l’on ne repousse que ce qui est contraire aux vrais intérêts des peuples et au bonheur de l’humanité : voyez l’épouse de Thésée, bourrelée de remords, et expirante au milieu des plus cruelles angoisses, victime d’une flamme coupablee ; quel cœur de femme n’a pas frissonné d’horreur aux accents de désespoir, de rage et de fureur de notre immortelle tragédienne dans le rôle de la belle-mère d’Hippolytef !
On le représente comme un vieillard ferme & intrépide, qui engage les Chrétiens à l’être comme lui, & quelques instans après on annonce à Zaïre qu’elle ne le verra plus.
nous représentons sur le Théâtre les fureurs de Medée, les vices d’un grand nombre de personnes que l’on métamorphose en Héroïnes ou en Héros, sans aucun égard pour la raison qu’elles n’ont jamais respectée : nous récréons notre esprit par la méditation de leur sceleratesse !
Il est indécent que le Théatre respecte assez peu les princes pour les jouer, il est ridicule qu’ils poussent la fanfaronade jusqu’à représenter le vaincu comme vainqueur.
L’à-parté est l’image de la pensée ; on ne peut la représenter autrement, qu’en fesant dire quelques mots à celui qui en conçoit une, qu’il est important que l’on sache.
Cette pièce comi-tragique finit presque par ces belles remarques, après avoir commencé par la farce et par les noms de ceux qui ont réussi en ce genre d’écrire et de ceux qui ont bien représenté ces ouvrages.
Auxquels jours nous n’oublions rien de tous jeux et ébats séculiers jadis inventés par les Gentils : de bouffons mathassinse, mômeries, mascarades, toutes sortes de danses, comédies, fables ou farces, comme nous disons, par lesquelles on représente comme ès Florales, sinon de fait au moins de paroles, de signes, gestes, et de substance choses vilaines, et déshonnêtes qui ne peuvent qu’aviser, induire, et inciter les personnes à ce faire, à la première occasion qui s’y offre.
Galanterie, haine, farces, mariages préparés par la passion, terminés par la fourberie, ruses pour tromper les parents & les maris, acteurs, actrices de mauvaise vie, spectateurs libertins, femmes dans un état indécent qui représentent des passions étrangéres, expriment & satisfont leur propre passion. […] Des piéces sans nombre qui n’enseignent, ne représentent, ni ne respirent que les passions & singuliérement l’impureté, des génies singuliers, éloignés de nos éloges, s’ils faisoient un bon usage de leurs talens, des voix luxurieuses ; des femmes à demi-nues, des peintures lascives, des paroles équivoques, des danses lubriques, l’empire du luxe, en un mot un assemblage recherché de tous les plaisirs & de tous les dangers à la fois, un élixir de tous les vices, un chef-d’œuvre de séduction toujours subsistant & multiplié à l’infini, qui fait par-tout les plus grands ravages : y a-t-il d’objets plus importans dans la Réligion & les mœurs, & peut-il y avoir deux avis dans le Christianisme sur les anathêmes qu’il mérite.
Mais ce qui la rendit singulierement célébre, ce fut la sale magnifique que le Roi fit bâtir exprès pour la représenter dans le Palais des Tuilleries, avec une dépense Royale. […] le grand Corneille, le grand Rousseau, le petit Dom-Pelegrin, &c ont exercés leur verve sur ces anciens modeles, des magiciennes du théatre : la peinture, la musique, la danse n’ont eu garde de négliger un si riche fond ; ce n’est, il est vrai, qu’un tissu de forfaits horribles, & assez peu vraissemblables, dans des Princes qu’on n’auroit jamais du représenter ; il n’en sont que plus au goût de la scéne, & des Medées qui les remplissent, qui s’y peignent si naturellement elles-mêmes & leurs Jasons.
Elle l’est de plus d’une façon, non-seulement par la désolation de cette grande ville, devenue le repaire des animaux, mais parce que ces animaux représentent les mœurs, les crimes, la vie débordée de ses habitans, bêtes féroces que le vice rendoit plus méprisables que les bêtes : Replebuntur domus eorum draconibus, habitabunt strutiones, pisori saltabunt, & Syrenes indelubris voluptatis. […] Les artifices du démon sont bien représentés par les renards, le feu de la volupté par les flambeaux allumés, l’étendue du mal par le ravage immense de toute la moisson qui fut consumée, qui annonce le feu éternel.
On veut représenter une fille forcée à être Religieuse, & on ne rapporte aucun trait de violence, ni menace, ni mauvais traitement, ni dans la maison, où elle n’a point demeuré depuis son enfance, ni dans le couvent, où elle a été si heureuse qu’elle a pris d’elle-même la résolution de s’y consacrer, & a demandé l’habit avec instance. […] Le mari, homme sensé, qui ne reconnoît point les Religieux à ces traits, lui représente que la ville & Cour s’engagent sans scrupule dans cet état, & que s’il étoit si affreux, ceux qui l’ont embrassé ne s’empresseroient pas de faire des prosélytes, & par quel intérêt voudroient-ils entraîner dans le piege, au lieu d’en détourner ? […] Rien dans la piéce ne mene à ces horreurs ; mais il regne un ton de malignité dans tous les rôles, excepté celui du père, qui représente tous les hommes comme scélérats ou imbécilles.
Car il est plus difficile de représenter une Piéce, que de faire un morceau de Peinture, de Musique, ou de Poësie : la preuve en est, que tout étant dans une Piéce à notre portée, au Spectacle tout doit être non-seulement à notre connoissance, mais tomber absolument sous nos sens. […] ce n’est qu’en se mettant lui-même à la place du héros qu’il peint, du personnage qu’il représente : il faut donc qu’il s’échauffe vivement de cette idée, qu’il se frappe de l’action, qu’il en prenne les motifs, qu’il en conçoive les passions : quelle chaleur de génie tout cela ne demande-t-il pas. […] S’il est des Piéces qui s’embellissent à la façon de les représenter ; il y en a beaucoup aussi qui ne laissent pas de s’y défigurer.