La proposition générale qu’il tâche d’établir est celle-ci : « Les comédies, de leur nature & prises en elles-mêmes, indépendamment de toute circonstance bonne ou mauvaise, doivent être mises au nombre des choses indifférentes. » Il tire ses autorités, i°. des pères ; 2°. de l’écriture ; 3°. du raisonnement. […] Si elle avoit vu seulement, à ses portes, des acteurs ; si elle y avoit vu les Sophocle & les Ménandre, elle eût pris l’allarme & cru voir déjà l’ennemi dans ses murs.
Dieu se plaît, pour ainsi dire, à prendre le pinceau pour former à nos yeux des traits dont n’approchèrent jamais les crayons de Raphaël & de Michel-Ange. […] Il lui a formé une compagne aimable, semblable à lui, qu’il lui a unie par des liens indissolubles ; il lui fait naître d’autres lui-même qui lui font tous les jours goûter les douceurs de la société, les charmes de la tendresse & du respect ; il peut avec des amis vertueux, par un commerce de sentimens, de services & de plaisirs, goûter des délices pures & innocentes ; des exercices honnêtes, un travail conforme à son goût & selon ses talens, n’est pas moins utile à sa santé qu’amusant & récréatif ; la campagne lui déploie ses richesses, & paye avec usure le soin qu’il prend de la cultiver, les arbres lui présentent des fruits, les prairies font éclorre des fleurs, les troupeaux font couler des ruisseaux de lait, il peut déclarer une guerre innocente aux habitans de l’air.
Après les premiers désordres d’une licence rustique, qui sur les tombereaux de Thespis furent dans la Grèce le germe du théâtre, le spectacle ayant pris une forme régulière, fut assez châtié du côté des mœurs, et n’alarma les Magistrats que par la licence de la satire. […] Mais les gens de bien peuvent-ils prendre plaisir à les entendre, même dans la bouche des impies ?
Car à le bien prendre, est-il action plus déshonorante que de machiner de sang froid sa propre destruction, ou celle de son semblable ? […] J’appelle bravoure une vertu qui nous engage à toute entreprise au-dessus des forces communes et ordinaires pour un objet honnête, utile, important, nécessaire : qui nous fait prendre les mesures les plus justes pour y réussir, nonobstant un danger très apparent qui nous expose à perdre quelque chose de précieux, et qu’il nous est très intéressant de conserver.
Le Théâtre prit une face nouvelle.
Les joueurs de flutes servoient aux Acteurs à prendre, à soutenir ou à rétablir les inflexions de voix propres aux différentes passions qu’ils représentoient ; ils les aidoient dans leur déclamation, comme nos souffleurs secondent aujourd’hui leur mémoire.
Ces mysteres étoient des actions saintes, la Vie & la Passion de Jesus-Christ, d’où les comédiens prirent le nom de Confreres de la Passion ; d’où sont venues tant de représentations dans l’Eglise, à Noël, aux Rois, à la Semaine-sainte, à Pâques, à la Fête-Dieu, comme à Aix, à Angers, à Avignon, &c.
Ainsi quand un jeune homme a été prendre quelques malheureuses leçons à la comédie, et qu’on lui a, par exemple inspiré, ou l’amour des plaisirs ou du luxe, ou de l’ambition, ou de la vengeance, il est après cela bien difficile de l’en guérir.
Si, après avoir recouvré la santé, l’acteur a recours à la décision de l’évêque, celui-ci verra dans sa sagesse, eu égard aux circonstances et aux dispositions du sujet, s’il doit exiger absolument qu’il abandonne le théâtre, aussitôt que possible ; ou s’il est prudent de tolérer qu’il le suive encore plus ou moins de temps, tout en lui indiquant les moyens à prendre pour se prémunir fortement contre les dangers inséparables de sa profession.
Si M. de Sénancourt pouvait être soupçonné de remplir la tâche d’un écrivain vénal, et si on avait l’injustice de croire, que le clergé l’eût pris pour en faire son défenseur et son panégyriste, on serait obligé de convenir, que les évêques auraient choisi un avocat bien mauvais et bien malhabile.
En gros l’un des plus justes, et des plus raisonnables soins que nous puissions prendre, est celui de nous rendre maîtres de nos passions, quelles qu’elles soient, de les mortifier, de les réprimer, de les étouffer mesme, si nous le pouvons, et de nous mettre dans un tel état, que nous nous conduisions, non par ces mouvemens brutes et aveugles, mais par la pure lumiere de la foi, et de la raison.
Je crois, que votre Conseil, Mademoiselle, prend plaisir à forger des phantômes pour les combattre avec avantage, tandis qu’il laisse fort tranquilles ses véritables adversaires. […] Ambroise refusa l’entrée de l’Eglise à Théodose, prit-il l’avis de ce grand Empereur pour regle de sa conduite ?
Un peintre péche en prenant pour modele des nudités ; on peut être bon peintre sans prendre de tels moyens ; mais quand il seroit nécessaire, il vaut mieux être meilleur chrétien, & moins bon artiste. […] Je suis bien éloigné d’ajouter foi aux songes, & prendre pour oracle les puérilités d’Artemidore ; mais le fond de cette idée est conforme aux regles de la piété chrétienne.
S’il a des Pièces sans nœud, ce mot pris à la rigueur du terme, il en a tant d’autres où les préceptes du Philosophe Grec sont suivis, qu’on ne peut accuser ses Poètes d’y manquer par faiblesse ou par ignorance ; mais j’ai observé plus haut que ces Pièces dont l’action est un peu relevée ne sont nullement dans son genre. […] La moindre petite bagatelle y prend le nom d’événement.
Lorsque dans ses dernières années, affoibli par l’âge & par les chagrins, lassé d’une puissance arbitraire exercée pendant plus d’un demi-siècle, il traînoit les restes de sa vie entre son Confesseur Jésuite, & sa maîtresse Janséniste, il n’est pas probable qu’il eût pris plaisir à voir tourner en ridicule les charlatans de dévotion, & leurs cris auroient infailliblement étouffé, près du vieux Monarque, les réclamations du Philosophe. […] Quel essor n’eût pas pris son génie ? […] Ce chapitre est donc spécialement écrit pour ceux dont le jugement est moins exercé, qui examinent moins sévèrement les idées qu’ils ont adoptées, qui prennent souvent l’usage pour le droit, & sont plus aisément persuadés par des exemples que convaincus par des raisonnemens.
« On prend une Histoire qui plaît, dit l’Abbé d’Aubignac, & sans savoir ce qu’elle a de convenable, ou de mal-propre à la scène, sans regarder quels ornemens, ou quels inconviens il faut éviter. » On se met au travail : tout ce qu’on écrit est délicieux.
La première est la sévérité de l'Eglise contre les comédiens et contre ceux qui assistaient à ces Spectacles, et le grand soin qu'elle prend pour empêcher qu'on ne contraigne les Chrétiens à y assister, ou à en être les acteurs; ce qui nous doit faire voir qu'elle n'a pas regardé cela comme un crime médiocre.
Evremond prenne ici les Mœurs, c’est-à-dire, ou par rapport aux règles du Théâtre, ou par rapport à celles de la Morale, les mœurs de la Comédie Anglaise sont très contraires aux mœurs de la Comédie des Anciens.