La troisiéme, une grande passion, & la quatriéme, quelque chose d’aplicable au Siecle & aux gens qui y sont la principale figure.
Les passions ont sauvé la scène jusque dans le sein d’un Institut impie que l’on a proscrit, le zèle s’est brisé à l’écueil du plaisir. […] avons-nous moins de penchant pour les passions que pour les actions héroïques ? […] Il faut avoir des passions bien noires pour se plaire à la représentation de pareilles horreurs. […] L’apologie du théâtre est à même temps l’apologie de toutes les passions dans leurs excès, le duel, la mollesse, mollities.
Le vice est d’intelligence avec le cœur, les avenues lui en sont ouvertes, la passion lui prépare la victoire, il est dejà à demi vaincu. […] L’impiété, les passions qui y regnent entrainent tout, & font bientôt disparoître tous les scrupules, pour plaire à la compagnie qu’on y trouve. […] Mais il ne peut souffrir les danses, les branles à la françoise, les figures emblématiques, des ballets, des contredanses, des pas de trois, vrais hiérogliphes des passions ; les jeunes gens qui se donnent les mains, se fuient & se poursuivent, qui comme des cordes de violons bien tendues, n’ont d’autre mouvement que celui de l’archet, & plusieurs autres excès dont il fait le détail.
Les Confrères de la Passion qui avaient seuls ce privilège cessèrent de monter eux-mêmes sur le théâtre. […] Ainsi appliquant ce motif au sujet qui se presentait ; et voulant aussi calmer le Peuple et maintenir la tranquillité des spectacles, il permit par « Sentence à ces Comédiens Forains de jouer pendant la Foire saint-Germain seulement, et sans tirer à conséquence ; à la charge de ne représenter que des sujets licites et honnêtes, qui n’offençassent personne : comme aussi à condition de payer par chacune année qu’ils joueraient deux écus aux Administrateurs de la Confrérie de la Passion, Maîtres de l’Hôtel de Bourgogne : Et par la même Sentence faisant droit sur les Conclusions du Procureur du Roi, il fit défenses à toutes personnes de quelque condition qu’elles fussent, de faire aucune insolence en l’Hôtel de Bourgogne lorsque l’on y représenterait quelques jeux, d’y jeter des pierres, de la poudre, ou autres choses qui pussent émouvoir le Peuple à sédition, à peine de punition corporelle ; et que cette Sentence serait publiée à son de Trompe devant l’Hôtel de Bourgogne, un jour de Comédie, » et aux lieux que besoin serait ; ce qui fut exécuté.
Fort de la pureté de mes intentions et de la certitude que mon opinion nouvelle, en cas d’erreur, et du reproche imminent d’avoir négligé ce précepte : Sumite materiam vestris qui scribitis æquam viribus , ne peut causer aucun mal, et pourrait encore, au contraire, donner quelques indications neuves et faire naître des idées utiles à d’autres écrivains plus exercés, qui considéreraient ce sujet sous de nouveaux points de vue ; j’aurai le courage d’écrire, de soumettre à la discussion la plus solennelle, et au jugement des hommes les mieux éclairés ce que je crois avoir remarqué de plus, en continuant de chercher de bonne foi, et sans d’autre passion que celle du bonheur commun, comment il s’est fait que, malgré toutes nos lumières et nos belles institutions, malgré nos immenses bibliothèques renfermant tant de plans et de systèmes, ou de bons livres destinés à nous améliorer, comme ceux qui paraissent encore tous les jours sous toutes les formes ; et malgré les exemples, les efforts successifs et continuels des orateurs les plus éloquents et les plus vertueux, et des sages les plus instruits, les plus persuasifs, secondés par les plus vigoureuses satires et censures ou critiques vivantes de nos personnes, de nos défauts et de nos vices, nous soyons toujours tombés en effet de plus en plus dans le relâchement, et soyons arrivés sitôt au degré de cette effrayante dissolution de mœurs dont un parti accuse aujourd’hui avec si peu de discernement ces moyens mêmes de réformation.
Et Juvénal condamnant la passion que les Romains avaient pour les Histrions Grecs, explique fort clairement que les hommes seuls jouaient les personnages des femmes, en disant qu'on était ravi de voir un Comédien représenter la Courtisane Thaïs, une honnête femme ou une Nymphe, et en jouer si bien le personnage qu'on l'eût pris pour une femme, et non pas pour un homme déguisé.
Primo, le Théâtre est à votre avis l’école des passions, secundo, les Dames Françaises ont les mœurs des Vivandières et sont cause du peu de cas que l’on fait à Paris de la vertu.
« Cependant les passions se débordent, comme un fleuve empoisonné, et les vérités les plus consolantes et les plus terribles ne sont point capables d’en arrêter le cours.
qui auroit assez peu de respect pour un si grand Prince, que de le soupçonner de passion & de calomoie ? […] & cela doit être ; le nœud de toutes les tragédies est la passion de quelque Prince, quelque conjuration formée contre lui : le dénouement, la mort de quelqu’un ; plusieurs rôles exigent nécessairement des plaintes ameres, des discours licentieux, des entreprises audacieuses.
Il fut toujours nécessaire pour une bonne comédie de caractère d’aller chercher au fond du cœur le tableau des mœurs & le jeu des passions ; l’impudence, quelque grande qu’on la suppose, ne donne qu’une idée vague, superficielle, & souvent équivoque de la corruption des hommes. […] Il faudra que nous passions pour honnêtes les impiétés & les imfamies dont sont pleines les comédies de Moliere, des pieces où la vertu & la piété sont toujours ridicules, ta corruption toujours excusée & toujours plaisante, la pudeur toujours offensée & toujours en crainte d’être violée par l’image des objets les plus dangereux, auxquels on ne donne que l’envelope la plus mince, &c.
Cependant on peut dire, pour justifier cette indulgence, que l’Eglise regarde de plus près aux qualités des Ministres qu’elle admet, que des Ministres déjà reçus, qu’un refus ne fait pas autant de tort qu’un châtiment, que la privation de tout privilège clérical est une plus grande punition que la simple exclusion, qu’on exclut pour de simples défauts de corps ou d’esprit, qui ne sont point de péchés, et que des bouffons, tels qu’ils étaient dans ce siècle, qui amusaient les passants dans les rues, étaient moins pernicieux et moins coupables que des Comédiens et Comédiennes de profession qui passent toute leur vie à exciter par toute sorte d’artifices les passions les plus criminelles : métier si opposé au christianisme, que d’autres canons appellent cette espèce d’hommes des apostats et des démons. […] C’est le voile de tous les crimes, la récompense de toutes les passions, l’ouvrage indécent des intrigues, des friponneries des domestiques.
Il se contente de satisfaire sa passion, mais il ne l’inspire pas, il ne tient pas école de vice. […] Mais depuis que le théâtre est devenu un objet intéressant pour la religion et les mœurs, une école savante des passions, une leçon artificieuse de vice, un assemblage attisé de toutes les occasions de désordre, un spectacle frappant de péché, enveloppé du titre séduisant d’ouvrage d’esprit, du voile trompeur d’une modestie apparente, des attraits délicats d’une volupté épurée, des pièges cachés sous l’air de la décence et de la bonne compagnie, l’Eglise a allumé toutes ses foudres contre ce chef-d’œuvre de scandale et de péché, d’autant plus dangereux, qu’il cache adroitement son poison sous les dehors imposants de la politesse, de la réserve, de la censure de quelque vice, des exemples de quelques vertus morales, qui semblent devoir se dérober aux alarmes et aux regards de l’Eglise et de la vertu.
En effet le vice n’est pas dangereux parce qu’il est ridicule, mais parce qu’il entraîne après lui des suites funestes : par exemple, l’ivrognerie n’est pas un vice dangereux, parce qu’il met celui qui en est dominé dans un état d’extravagance qui lui attire les regards de tous les passans ; parce qu’il lui fait dire cent choses déraisonnables qui le font prendre pour un insensé ; mais bien parce qu’un ivrogne va dépenser au cabaret l’argent qui seroit mieux employé au soutien de sa famille ; mais bien parce qu’un ivrogne pour contenter sa malheureuse passion, laisse manquer de pain à sa femme & à ses enfans ; parce qu’il perd le goût du travail, & tombe lui-même dans la misere inséparable de la fainéantise ; mais bien parce qu’un homme dans l’état d’ivresse perd le sentiment de sa propre conservation, & qu’étant privé de raison, il n’a plus de frein qui puisse s’opposer à ses mauvais penchans.
Si monseigneur l’archevêque de Rouen avait eu pour le roi cette déférence qui doit germer et se développer dans le cœur de tout bon Français, et s’il eût pris l’avis du Gouvernement avec lequel il aurait dû se concerter sur le mandement qu’il a fulminé, certes, cet acte qui a réveillé tant de passions, tant de craintes et d’alarmes aurait subi de sages modifications ; la société n’en aurait pas été ébranlée aujourd’hui, car le gouvernement, qui connaît à fond le génie, l’esprit et le moral des Français, aurait, il n’en faut pas douter, fourni à ce prélat les moyens d’arriver à son but, sans heurter l’esprit du siècle et causer de nouveaux troubles.
Mais tout change ; et je vois trompant leurs surveillants, A l’aide d’un Valet, intriguer deux amants ; Sous le masque des Ris, la fine Dangevilleq , Jouer d’après nature, et la Cour et la Ville ; Tantôt d’un jeune objet servant la passion, Ecarter un témoin qui n’est point de saison ; L’instant d’après, Coquette ou Bourgeoise à la mode, D’un mari tout uni faire un époux commode ; Ou lorgnant un Galant, retirée à l’écart, Pour lui rendre un poulet, minauder avec art ; Soubrette inimitable, adroite, gaie, unie, Pour la peindre en trois mots, rivale de Thalier, Cette immortelle Actrice est seule sans défauts ; Dumesnil a ses jours, et Grandvals des égaux ; Là, j’aperçois Gaussin t, cette charmante Actrice Déguisée en Agnès, d’un air simple et novice, Exprimer ses désirs par sa tendre langueur, Et peindre dans ses yeux les miracles du cœur ; Retrouver dans l’Oracle une mine enfantine, Ou du Comte d’Olban triompher dans Nanineu.
Ces Spectacles de pieté parurent si beaux dans ces siecles ignorans, que l’on en faisoit les principaux ornemens des receptions des Princes quand ils entroient dans les Villes, & comme on chantoit Noël Noël, au lieu des cris de Vive le Roi, on representoit dans les ruës la Samaritaine, le mauvais Riche, la Passion de Jesus-Christ, & plusieurs autres Mysteres, pour recevoir nos Rois.
Elle met en opposition les mœurs communes avec les grandes passions, avec l’héroïsme.
Il est nécessaire qu’ils les visitent dans leurs demeures peu fastueuses, qu’ils les suivent au cabaret ; il faut épier, pour ainsi dire leurs passions & leurs mœurs.