L’autorité séculière, en protégeant les comédiens d’une façon spéciale, ne devait jamais être exposée à une résistance anarchique de la part du clergé, puisque le clergé autrefois avait également protégé les gens de théâtre, mais d’une manière moins éclairée et moins régulière. En effet, les gouvernements agirent premièrement de concert avec les saints canons, qui défendaient aux prêtres de jouer la comédie, et ensuite ils s’appliquèrent à épurer la scène, et nos souverains transférèrent les théâtres hors des églises, et ils soumirent les comédiens français à de sages règlements de police ; ils firent construire de magnifiques salles de comédie, ils créèrent des comédiens qui furent salariés et pensionnés, ils les comblèrent de bienfaits, ils en honorèrent la profession et instituèrent une administration royale pour la régir, en portant toutes ces dépenses publiques dans le budget de l’état. Les théâtres moins considérables furent également améliorés, protégés, autorisés et salariés, et ils reçurent aussi des règlements qui, en les plaçant sous la direction de la police, y maintinrent le bon ordre. […] Il faut donc en conclure, que la cause des acteurs est enfin gagnée, tant auprès du gouvernement qu’auprès des membres du haut clergé de France, qui, se distinguant aujourd’hui par leurs lumières et leur équité, se convaincront que les comédiens et la comédie ont été transférés d’une manière honorable sur nos théâtres publics par la volonté de nos rois, par les arrêts de nos parlements, et enfin par l’approbation des souverains pontifes à Rome, chefs de l’église chrétienne, catholique, apostolique et romaine.
Quelle foule de motifs plus décisifs les uns que les autres pour convaincre les partisans du Théâtre qu’ils ne sont point inaccessibles à la vapeur empoisonnée qui s’exhale de la sçène ! […] C’est pourquoi quand même vous seriez assez chastes pour n’être point blessés par la contagion de ces lieux, ce que je crois impossible, vous ne laisserez pas d’être sévérement puni de Dieu, comme étant coupables de la perte de ceux qu vont voir ces folies, & de ceux qui les représentent sur le Théâtre. Une telle autorité, des motifs aussi pressans sembleroient devoir réduire pour toujours au silence les deffenseurs du Théâtre.
On ne dira pas cette fois que c’est un Homme peu instruit, un Dévot imbécille, un Poëte mécontent du Public, un Vieillard sans ame & sans prétentions, qui renonce au Théâtre. […] Il voit clairement, à la lumière de l’Evangile, que le Sanctuaire & le Théâtre sont des objets inalliables. […] Je suis accoûtumé, Monsieur, à penser tout haut devant vous : je vous avouerai donc que, depuis plusieurs années, j’avois beaucoup à souffrir intérieurement d’avoir travaillé pour le Théâtre, étant convaincu, comme je l’ai toujours été, des vérités lumineuses de notre Religion, la seule divine, la seule incontestable. […] Au défaut de solides raisons, j’appellois à mon secours tous les grands & frêles raisonnements des Apologistes du Théâtre ; je tirois même des moyens personnels d’Apologie de mon attention à ne rien écrire qui ne pût être soumis à toutes les Loix des mœurs : mais tous ces secours ne pouvoient rien pour ma tranquillité. […] Guidé par la Foi, ce flambeau éternel devant qui toutes les lueurs du temps disparoissent, devant qui s’évanouissent toutes les rêveries sublimes & profondes de nos foibles Esprits-forts, ainsi que toute l’importance & la gloriole du bel-esprit, je vois, sans nuage & sans enthousiasme, que les Loix sacrées de l’Evangile & les maximes de la Morale profane, le Sanctuaire & le Théâtre sont des objets absolument inalliables.
Que les jeux des théâtres et les danses sont une suite de la science diabolique, opérante par philaphtiea et amour de soi-même contraire à la foi opérante par charité, fondement de la Cité de Dieu. […] Or on dit que le principal exercice des sorciers en leurs assemblées est la danse : et ainsi les idolâtres dansaient à l’entour du veau, Exode 32d, comme aussi quand ils voulaient apaiser leurs Dieux, Idoles et diables et obtenir quelque chose d’eux ils proposaient publiquement des jeux de théâtres, comme il appert ès leçons des matines de la fête de monsieur saint Michele. […] [NDE] Où il montre quels sont les moeurs pratiquées au théâtre. […] [NDE] Il y montre que la danse pratiquée sur les théâtres est l’origine de tous les maux. […] [NDE] Il y montre que dans les théâtres, tout est contraire à la piété et à l’honnêteté.
Voisin, Défense du traité de Mgr le Prince de Conti touchant la comédie et les spectacles ou la réfutation d'un livre intitulé Dissertation sur la condamnation des théâtres, Paris, Coignard, 1671, p. 308-316. […] Runnalls, « Jean Louvet, compositeur de mystères et homme de théâtre parisien (1536 (1550) », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, 62-3, 2000, 561-589. […] [NDE] Référence au Concile de Bâle (1435) qui dans sa session 20, chap. 11, dénonce ces spectacles de théâtre et de danse mêlant hommes et femmes, et ces banquets qui se font dans les églises à l’occasion de certaines fêtes, voir G.D. […] Ils font du théâtre par esprit de lucre, comme ils tiendraient une taverne ou un négoce. […] [NDE] Codex Justiniani, livre XI, 41, « Des spectacles de théâtre et de ceux donnés par les marchands d’hétaïres ».
Dans son livre sur les sentences, il parle lui-même des « jeux du théâtre comme de jeux qui furent autrefois : ludi qui in theatris agebantur »In 4. dist.16. q. 4. art. 2. c. […] ; et dans cet endroit non plus que dans tous les autres où il traite des jeux de son temps, les théâtres ne sont pas seulement nommés. […] [NDUL] Sur cet incident de la vie de saint Paphnuce, voir, en particulier, l’abbé d’Aubignac (Dissertation sur la condamnation des théâtres, p. 249 et 250) et Jos. de Voisin, (Défense du traité de Monseigneur le prince de Conti, p. 363 et suiv.).
Plusieurs Acteurs toujours présens sur le Théâtre chantent tour à tour. […] Ces Acteurs qui restent sur le Théâtre tant que le Spectacle dure, me rappellent nos anciennes Représentations. Tous les Acteurs paroissoient sur le Théâtre au commencement de la Piéce, & ne sortoient jamais : ceux qui avoient à parler restoient debout, & quand ils n’avoient plus rien à dire, alloient s’asseoir. Tout Acteur assis, étoit censé absent ; c’étoit ainsi que nous fondions la vraisemblance de la durée d’une Action, parce que tant qu’on voyoit rester sur le Théâtre tous les Acteurs, on étoit assuré que la Piéce n’étoit pas finie.
Il est très-certain que les premiers qui éleverent des Théâtres n’eurent pas en vue l’utilité publique, & ne les éleverent pas pour y placer des Prédicateurs. Nous avons vu Solon frapper la terre avec colere en s’écriant que de pareils amusemens parleroient plus haut que les Loix ; nous avons vu à Rome les Censeurs faire souvent abattre les Théâtres ; & Pompée, pour mettre le sien à l’abri de leur sévérité, en vouloir faire un Edifice saint, en le consacrant à une Divinité, à Vénus. Le Théâtre d’Athenes étoit consacré à Bacchus. Voilà chez les Anciens les deux Divinités des Théâtres.
Mais comme les Théâtres font une partie de ces réjouissances publiques, je me vois contraint d’examiner en ce lieu-ci la Comédie, et de rechercher si ce plaisir est aussi permis qu’il est devenu commun. […] Voilà, ce me semble, en peu de paroles la défense du Théâtre, et le Panégyrique même de la Comédie. […] » Or la Comédie est le plus charmant de tous les Divertissements, Elle ne cherche qu’à plaire à ceux qui l’écoutent, Elle se sert de la douceur des Vers, de la beauté des expressions, de la richesse des figures, de la pompe du Théâtre, des habits, des gestes et de la voix des Acteurs ; Elle enchante tout à la fois les yeux et les oreilles : et pour enlever l’homme tout entier, Elle essaye de séduire son esprit après qu’elle a charmé tous ses sens. […] L’homme est entièrement perverti depuis le péché, les mauvais exemples lui plaisent plus que les bons, parce qu’ils sont plus conformes à son humeur ; quand on lui représente sur le Théâtre le Vice avec ses laideurs et la Vertu avec ses beautés, il a bien plus d’inclination pour celui-là que pour celle-ci : Et comme les Poètes ne sont pas exempts de ce désordre qui n’épargne aucune personne, ils expriment beaucoup mieux les passions violentes que les modérées, les injustes que les raisonnables, et les criminelles que les innocentes : Si bien que contre leur intention même ils favorisent le péché qu’ils veulent détruire, et ils lui prêtent des armes pour combattre la Vertu qu’ils veulent défendre.
L'observateur de la pièce dont je vous entretiens dit qu’avant que feu Monsieur le cardinal de Richelieu eût purgé le théâtre, la comédie était coquette et libertine, et que Molière a fait pis, puisque sous le voile de l’hypocrisie il a caché ses obscénités et ses malices. […] L'on devrait, avant que de répondre à ces gens-là, leur enseigner ce que c’est que les ouvrages qu’ils veulent reprendre, et l’on devrait par cette même raison apprendre à l’auteur de ces Observations ce que c’est que le théâtre, avant que lui faire aucune réplique. A l’entendre parler de Don Juan, presque dans chaque page de son livre, il voudrait que l’on ne vît que des vertueux sur le théâtre. […] Elle se repent de sa faute, elle fait tout ce qu’elle peut pour obliger Don Juan à se convertir, elle ne paraît point sur le théâtre en pécheresse, mais en Madeleine pénitente. […] La pièce de Molière va causer des désordres épouvantables, et le zélé réformateur des ouvrages de théâtre, le bras droit des tartufes, l’observateur enfin qui a écrit contre lui, parle à la fin de son ouvrage comme un désespéré qui se prend à tout.
La Musique du nouveau Théâtre l’emporte sur celle de l’Opéra-Sérieux. Au reste, la musique du Théâtre moderne est plus certaine de plaire que celle de l’Opéra-Sérieux ; ainsi que je crois l’avoir déjà remarqué. […] Le nouveau Théâtre ne nous fait pas entendre que du chant ; il varie ses Poèmes avec Art.
Les premières, et qui furent introduites de bonne heure en ces divertissements furent les Fables Atellanes, ainsi nommées de la Ville d'Atelle dans la Campanie, qui fut toujours la Province des délices et des voluptés d'Italie, et d'où elles furent transportées à Rome ; Elles étaient comme des Satires agréables, sans aigreur et sans turpitude, et que la vertu Romaine avait accompagnées de bienséance et de modestie, et dont les Acteurs étaient en bien plus grande estime que les Scéniques et Histrions, et jouissaient même de quelques privilèges particuliers, entre autres de sortir du Théâtre avec les habits dont ils s'étaient servis dans leurs représentations ; ce qu'à parler franchement je ne saurais bien comprendre, quoique les Auteurs en fassent grand bruit ; car si l'on entend qu'ils sortaient ainsi de la Scène où ils avaient paru, je ne vois pas quel était leur avantage, ne croyant pas que les autres Histrions y reprissent leurs vêtements ordinaires avant que de disparaître aux yeux du peuple ; et si l'on veut dire qu'ils pouvaient même sortir de ce grand lieu que l'on nommait Théâtre, et aller à travers la Ville jusques dans leur logis, avec les ornements qu'ils avaient portés en jouant leurs Fables, je ne connais point quelle était l'excellence de ce privilège ; car c'était les exposer en mascarades publics aux petits enfants et aux grands idiots, qui n'étaient pas plus sages, à mon avis, dans la Ville de Rome, que dans celle de Paris ; et qui sans doute les auraient suivis avec beaucoup de bruit et de tumulte. Peut-être que cette faveur était de ne point quitter leurs masques sur le Théâtre quand ils étaient sifflés et moqués du peuple, pour avoir joué quelque mauvaise pièce, ou fait quelque faute signalée en jouant, comme il me semble avoir lu que tous les autres y étaient obligés : mais je n'en suis pas assez bien éclairci pour l'assurer.
De la Religion sur le Théâtre, 119 Chap. […] De l’idolâtrie du Théâtre, 142 Chap.
Est-il de la bonne politique de favoriser le Théâtre ? […] Assertions du Théâtre sur le tyrannicide, 129 Chap.
Les histoires ne nous apprennent point qu’aucun Ministre ait condamné ni aboli les danses honteuses et déshonnêtes qui se commettaient, tant aux jours des Calendes, qu’autres Fêtes, où aux Théâtres, et en divers lieux par plusieurs nations, on commettait des vices que notre pensée rejette pour leur horreur, tant de se baigner dans le vin sans regard à l’âge, au sexe, ni au lieu, que faire festins tables par les rues, chansons dissolues : Bref la raison qui est donnée aux hommes leur ôtait l’usage d’elle-même, pour les rendre pires que bêtes farouches : Et nos Pères Ecclésiastiques ne les ont pas seulement censurés, mais prêché, crié, invectivé contre eux, essayé de les réduire. […] Nous serions dignes d’un reproche éternel, si elles étaient telles qu’il les représente, et nos Pasteurs nous banniraient des Sacrements, comme indignes de porter le glorieux titre de Chrétiens, s’il y avait quelque reste de celles qui sont condamnées tant par les Papes que les Empereurs ; s’ils ont retenu le nom de Scène et de Théâtre, et autres mots, ils en ont rejetté le vice. […] Mais où trouverons-nous des paroles capables de ces effets qu’aux lieux publics où l’on voit l’honnête et l’agréable ensemble, et l’art et la science qui répondent également, sur les théâtres des Comiques, figurant les actions de celui du monde, où chacun essaie de désarmer Pallas, louer la vertu, reprendre le vicef. […] On remarque aux traités des spectacles, l’honneur que fit Roscius étant Tribun aux Sénateurs, leur baillant un rang plus éminent aux théâtres : Depuis Auguste le fit revivre. […] [NDE] Comprendre : « Mais où trouverons-nous des paroles capables de ces effets, sinon dans les lieux publics où l’on voit l’honnête et l’agréable ensemble, et l’art et la science qui se répondent, c’est-à-dire sur les théâtre des comédiens, qui figurent les actions du théâtre du monde, et où chacun essaie de désarmer la guerre, louer la vertu, reprendre le vice.
Aussi de voir GUILLOT-GORJU monter sur le Théâtre, il n’est pas si étrange que si on y voyait monter un Eléphant pour jouer la Comédie. […] Tellement qu’on peut appeller maintenant le Théâtre de l’Hôtel de Bourgogne, le Trône de la poésie Française et de la délicatesse des bons vers. […] Que les Maîtres dans les Académies de la vertu, jettent sans y penser des semences dans l’esprit de la jeunesse de la Comédie et du Théâtre ? […] Et qui est-ce dans son âme qui soupçonne le moindre déshonneur parmi une troupe si belle, voyant les merveilles de leur Théâtre. […] Il choisit le théâtre en 1634, pour y jouer le plus souvent le rôle de médecin ridicule.
192) dans un nouveau jour & avec un air de triomphe la Comédie à Rome est toute diffèrente de la vôtre, Mademoiselle, elle n’est ouverte que pendant le Carnaval, & aucune femme ne paroît sur le Théâtre. […] Bossuet1, a été le témoin oculaire des regrets de Quinault, Racine ouvrit les yeux au milieu de sa carriere, on a regardé sa retraite comme un vain scrupule ; c’étoit plutôt un retour de sa foi éclipsée ; il comprit qu’on ne sçauroit la concilier avec les sentimens & la profession de ceux qui travaillent pour le Théâtre. […] Je ne connois pas, Mademoiselle, l’état de votre fortune, mais avec autant de célébrité que vous en avez acquise, il n’est pas à présumer qu’une sage retraite vous laissât sans ressource : dans la supposition qu’elle fût suivie de la plus triste indigence, c’est un malheur qui doit moins vous effrayer que votre situation presente ; le Théâtre est un œil qui vous scandalise, vous devez l’arracher1, c’est un pied qui vous porte au péché, vous devez le couper ; car il n’est pas raisonnable de sacrifier la vertu aux richesses, & toutes les douceurs de cette vie sont un très-petit objet, au prix du bonheur de l’autre. […] Telles sont à-peu-près, Mademoiselle, les difficultés du sieur de la M… les partisans du Théâtre ne s’y borneront pas tous ; ils en ont suscité d’autres que l’Exjurisconsulte a oubliées, & la bonne foi dont je fais profession, ne me permet pas de les dissimuler, ni de m’autoriser de son silence ; mais la crainte de vous retenir trop longtems veut que je finisse, à la charge de resoudre ces nouveaux moyens dans ma derniere Lettre.