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69. (1819) La Criticomanie, (scénique), dernière cause de la décadence de la religion et des mœurs. Tome I « La criticomanie — Autres raisons à l’appui de ce sentiment, et les réponses aux objections. » pp. 154-206

Si ces observateurs, ne voyant pas bien que le tartufe dont il s’agit est en même temps tartufe de religion et de mœurs, que compromettre en le mettant en spectacle les vertus chrétiennes, ce fut aussi compromettre les autres vertus sociales qu’il avait besoin d’affecter aussi et qu’il affectait également, persistaient à croire que cette satire, qui ne regardait que les hypocrites de religion, n’a pu contribuer si puissamment à la démoralisation générale ; sans entreprendre de démontrer une seconde fois une vérité qui me paraît évidente, il suffirait à ma thèse de leur rappeler que la Criticomanie, comme pour consommer l’ouvrage du premier tartufe, nous en a donné plusieurs subsidiaires, et nommément un tartufe de mœurs ; personnage presque tout imaginaire, composé de différents caractères, de vices incompatibles, ou phénomène dans la société, auquel, au reste, on doit appliquer ce que j’ai dit de l’autre, fût-il même regardé comme un tableau fidèle, parce qu’il n’a été propre aussi qu’à faire triompher et rire le parti alors plus nombreux des hommes sans masques, et des femmes au courant, qui ne faisaient pas tant de façons, ainsi qu’à réchauffer leur bile et renouveler leur pouvoir, qui commençait à vieillir, de faire naître les défiances, et des soupçons injustes contre les personnes, et de travestir avec succès les meilleures actions. […] La plus dangereuse est la peinture à faux, dramatique, de l’homme et de la société, ou cette infidélité des tableaux vivants qui sont censés être ceux des mœurs ou de la vie commune de tel rang, de telle corporation, ou de tel âge ou bien de telles personnes que la malignité désigne, et qui vont être décriées, flétries, peut-être mises au désespoir ; il consiste aussi dans la solennité et l’éclat des représentations, avec tous les prestiges du théâtre ; c’est encore en réunissant la fiction à la vérité, en accumulant à plaisir les vices, en les combinant et faisant supposer une liaison naturelle entre eux ; c’est l’éternelle image des passions humaines les plus honteuses sous les traits sacrés de la vertu qu’enfin on ne croit plus voir nulle part qu’en apparence, que l’on méconnaît et décourage par trop de défiance, ou qu’on insulte par malignité ; enfin, c’est en créant ainsi et faisant agir avec toute l’énergie possible, sous les yeux de la multitude des personnages monstrueux qui servent d’excuse et d’encouragement aux méchants, qui font horreur aux bons et, comme je l’ai déjà dit, portent l’agitation dans les esprits faibles, l’inquiétude ou l’animosité dans les cœurs, exaltent la tête de tous, et vont de la scène publique provoquer la persécution, porter les désordres dans les scènes privées de la vie, où toutes les passions excitées imitent la hardiesse des auteurs, cherchent à réaliser leurs chimères jusques sur la vertu la plus pure : « Là de nos voluptés l’image la plus vive ; Frappe, enlève les sens, tient une âme captive ; Le jeu des passions saisit le spectateur ; Il aime, il hait, il pleure, et lui-même est acteur. » Voilà plus clairement comme il arrive que ces critiques vantées manquent leur but, sont de nul effet contre le vice audacieux, sur l’hypocrite impudent qui atteste Dieu et la religion en faisant bonne contenance au rang des victimes nombreuses des aggressions aveugles et des calomnies effrontées. […] Outre les voies criminelles, inconnues, que ces écrivains possédés par la passion de faire preuve d’imagination, de donner du neuf, du fort, des scènes à effet révélèrent continuellement aux méchants et aux fourbes, ils les obligèrent à en chercher aussi eux-mêmes ; c’est-à-dire à changer leurs stratagemes, à rafiner leurs moyens, à user de plus d’industrie dans leurs fourberies, laquelle industrie, toujours secondée et excitée de la même manière, se lègue, ou se perpétue en augmentant, reste avec ses découvertes dans la société qu’elle infecte et désole de plus en plus.

70. (1580) De l’institution des enfants « De l’institution des enfants. Essais, I, 26 [fin] »

Les bonnes policesm prennent soin d’assembler les citoyens et les rallier, comme aux offices sérieux de la dévotion, aussi aux exercices et jeux ; la société et amitié s’en augmente.

71. (1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE I. Réformation de Riccoboni. » pp. 4-27

C’étoient des pieces de société, représentées par les jeunes gens dans les maisons particulieres, extrêmement libres, elles plurent ; & pour plaire aussi, le théatre public les imita, comme il paroît par le théatre de Térence, sur-tout de Plaute. […] La modestie du sexe, l’éducation de la jeunesse, deux objets si importans à la société, rendent donc indispensable la suppression, du moins une entiere réformation du théatre. […] Il est vrai que dans ce siecle le goût du spectacle est extrême ; non-seulement on y mène les jeunes gens, mais on les forme dès l’enfance à la déclamation théatrale, comme faisant partie de la bonne éducation, on joue des pieces dans les Collèges, les Séminaires, les Couvents, chez les Seigneurs, chez les Bourgeois, & par une inconséquence de conduite incroyable les mères les plus sévères, qui ne vont ni ne laissent aller leurs filles à la comédie, y assistent & leur laissent voir représenter sur les théatres de société les pieces de Moliere, & même des parades plus licentieuses que la comédie publique, comme si c’étoient les murs, les décorations, les habits, qui méritent leur censure, non les pieces où se trouve le plus grand danger, & qui ont le plus besoin de réforme, pour en faire un divertissement innocent & même instructif. […] Il entre dans le détail de ce qu’il faut réformer, selon ses idées, comme contraire aux mœurs, de mauvais exemple, pernicieux à la société.

72. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE II. De la Tragédie. » pp. 65-91

On pourra donc en conséquence négliger tous les devoirs de la société avec cette excuse ; décréditer, trahir, opprimer ses bienfaiteurs, et transformer ainsi l’ingratitude en vertu ; alors il me paraît que le mal public résultera de l’amour du bien public. Vous voyez bien, Monsieur, que votre héroïsme est absurde, et surtout dans le cas présent ; ne pouviez-vous pas satisfaire à l’engagement que vous vous étiez imposé vous-même d’éclairer le Public sur les dangers du spectacle, sans trahir les devoirs de la reconnaissance et de la société ? […] Je jouissais du temps le plus heureux de ma vie ; le bonheur d’être instruit par M. de Voltaire mettait le comble à ma félicité ; il me fit un envieux, un faquin que nous avions banni de notre société pour des raisons très importantes, faquin que je nommerais s’il vivait encore et s’il n’avait payé de la vie en Hollande son impudence et sa fatuité, eut l’indignité de communiquer à M. de Voltaire cette critique de Nanine en question : il mesurait l’âme de ce grand homme sur la sienne, et s’était imaginé qu’un égarement de jeunesse, une rhapsodie d’enfant allait déconcerter son amour-propre : il arriva tout le contraire. […] Tel qui leur accorde sa bienveillance en sortant de la Comédie, ne mérite assurément celle de personne dans la société.

73. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Seconde partie « Causes de la décadence du goût sur le théatre. — Chapitre XXIV. Le sentiment, juge plus sûr que le goût. Celui-ci préféré au premier. Pourquoi ? Amour du Théatre, funestes à ses progrès. Honneurs avilis en devenant trop communs. Cabales. Leurs effets, & les moyens qu’on employe pour les éluder.  » pp. 129-150

Sages de l’antiquité, qui regardiez les Lettres comme le plus solide fondement des sociétés, comme l’œil universel de la sagesse, le thrône des mœurs, & un lien sacré du genre humain. […] Qui fait douter si les Comédiens sont dévoués aux plaisis de la société, ou si elle l’est aux leurs ?

74. (1778) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre vingtieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre III. Suites des Mélanges. » pp. 68-117

Peut-être l’aboliition des autres jurandes entraînera-t-elle celle-ci : on y a fait bien des brêches, par le vaux-hal, les boulevards, le colisée, les théatres de sociétés, le théatre des petits-appartemens & singulierement par la troupe de Monsieur frere du Roi, qui sera à l’avenir un apanage du plus proche héritier de la couronne. […] Parmi une foule de vers frivoles & galans, qui ne conviennent qu’aux gens de ce caractere, & dans un livre où il assure n’avoir eu en vue que l’instruction de ses enfans, M. le comte de Tremon, homme célebre, fait un observation singuliere sur la décadence du goût & de l’esprit de société, qu’il attribue à la mémorable révolution que causa dans les rangs & les fortunes des citoyens, le systême des billets de banque du sieur Law. […] On vit alors se multiplier tout-à-coup ces alliances, la société changea de composition, les mœurs changerent avec elle, & le goût national dépérit à proportion, les gens riches s’éleverent autant qu’ils purent au ton noble & au goût éclairé, les nobles se rapprocherent de ceux avec qui ils étoient forcés de vivre, & perdirent beaucoup, les nouveaux admis gagnerent ce que les autres perdoient, ils devinrent presque égaux. […] Les innombrables théatres de société semblent y suppléer ; le vice les a fait éclorre & les entretient. […] Adam & sa famille au commencement du monde, Noé & la sienne après le déluge, étoient instruits & vivoient en société, & toute leur postérité après eux.

75. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre II.  » pp. 37-67

La loi sans crédit, les supérieurs sans autorité, la société sans regle, la vertu sans agrément, défigurée, hideuse, ridicule, méprisable, quel disciple aura-t-elle ? […] Ces Marquis postichés sont tout à fait peuple ; la généalogie & les sociétés du poëte, loin d’ennoblir, dégradent la piéce, & selon l’expression de Fontenelle, l’encanaillent à force de noblesse ; car quoique tous les hommes soient égaux par la nature ; il y a dans les différens ordres, des nuances qui les distinguent, & malgré la fécondité de l’esprit, c’est toujours l’accent, le ton de la bourgeoisie qui se font sentir. […] sans compter les innombrables théatres de société, les deux Foires, le Vauxhal, les Boulevards, les Marionnettes, les théatres du pont neuf, & presque tout Paris, n’est-il pas lui-même un théatre ? […] Arnaud seroient très-analogues au caractère des spectateurs, & passeroient, d’une voix unanime, pour le tragique par excellence, le seul vrai tragique : le plaisir en tout genre est relatif au goût & au caractere ; musique gaie ou triste ; alimens doux ou amers ; odeurs bonnes ou mauvaises ; spectacles cruels ou humains ; lectures frivoles ou férieuses ; vie solitaire ou repandue ; société grave ou dissipée, &c. chacun a ses ennemis & ses partisans : on ne juge des choses que par la sensation : cette sensation de pend de la configuration des organes. […] La barbarie revolte ; mais c’est toujours un grand danger pour les mœurs, & pour la société que d’affoiblir cette répugnance, & de familiariser les hommes avec les émotions violentes, & les actions atroces.

76. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre V.  » pp. 129-160

C’est un mauvais caractère dangereux pour la société, dont il seroit utile de corriger les hommes ; mais dont la comédie ne corrigera jamais personne, puisqu’elle le fortifie, & l’enseigne : Un persiffleur amuse & ne corrige pas , dit l’auteur avec raison. […] Un persiffleur est le plus souvent un mauvais plaisant, soit parce que tout n’est pas ridicule, tout ne donne pas prise, soit parce qu’il est beaucoup de mauvaises plaisanteries ; qu’il en est même peu de bonnes, même sur des sujets vraiment ridicules, soit parce que l’homme le plus railleur n’est pas assez fécond pour en trouver toujours de bonnes, à qui malgré ce dangereux talent, l’art de la plaisanterie est très difficile ; il y a pourtant des caractères tournés de ce mauvais côté, avec une liberté & une aisance qui leur est propre : cet esprit mauvais déplaît dans la société, & ne merite aucune confiance. […] C’est-là qu’on apprend le libertinage, qu’on y trouve tous les dangers : de-là on le porte dans la société, & par un reflux inévitable, ce même libertinage entraîne au théatre, pour y trouver son aliment & se donner des complices. […] L’amour des femmes est le goût dominant, & il n’y est pas épargné, ce crime est irremissible : qu’on ne soit pas, dit-il, la dupe des apparences ; aujourd’hui les vices & les vertus se cachent, on voile des propos honnêtes, des sentimens qui le sont le moins, la liberté de la société est portée au plus haut degré. […] Je dis plus, qu’on s’en rapporte au théatre même, qui prétend ne faire que jouer, representer ce qui se passe dans la société, & l’on aura du sexe français des idées plus justes, qu’avantageuses : le mariage, dit-on, est le terme de tous les désirs.

77. (1774) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre seizieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre III. De l’Éducation. » pp. 60-92

Ce danger n’est donc pas le même pour tous, non plus que le jeu, la bonne chere, la société des femmes. […] Or le geste & la déclamation théatrales ne conviennent ni à la chaire, ni au barreau, ni à la société, ni aux assemblées, ni à la Cour, ni à la guerre ; on se rendroit ridicule, si on y paroissoit, y parloit, y gesticuloit comme un Acteur sur la scene. […] Ce n’est plus le même homme, il est difficile que pour avoir pris cette habitude, dont on se fait un mérite, on ne la conserve, & qu’on ne porte le théatre dans la société. […] Un Auteur dramatique ressemble à celui qui parcourroit la vie des Courtisannes ou l’histoire des voleurs, & ramasseroit quelque bonne parole, quelque trait de vertu qu’il trouveroit épars dans ce bourbier, à peu près comme une poule va bequetant, & ramassant les grains qu’elle trouve dans le fumier, & de ce recueil concluroit que la société de ces voleurs & de ces courtisannes est utile, un très-bon sermon, & qu’on a tort de les condamner. […] Mais la vue, le dessein, l’esprit du théatre depuis le Docteur Moliere fut toujours d’affoiblir les idées du vice & de la vertu, pour diminuer l’horreur de l’un & la sévérité de l’autre, ériger la galanterie en vertu, la tolérance, la licence en politesse, en agrément de la société.

78. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre prémier. — Chapitre III. Origine des Théâtres. » pp. 22-49

Dès que les sociétés furent formées, dès que les hommes devinrent sensibles au plaisir, ils suivirent tout ce que leur inspirait la gaieté. […] Je pense que la Comédie, formée grossiérement dans les Peuplades, ou sociétés des hommes de la campagne, aura passé dans le sein des villes, chez les Nations les plutôt civilisées. […] Si la Comédie & le Poème épique étaient d’une aussi grande conséquence à la société que le sont, par exemple, la Médecine & l’invention de nos manufactures, on tâcherait chaque jour de les approfondir davantage, & de les rendre plus parfaits ; & par conséquent ils deviendraient l’ouvrage de plusieurs.

79. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Seconde partie « Causes de la décadence du goût sur le théatre. — Chapitre XXIII. Si les Comédiens doivent prendre le titre de Compagnie. » pp. 122-128

Le lien le plus doux, & le plus fort des hommes en société, est l’art de se communiquer mutuellement leurs pensées.

80. (1802) Sur les spectacles « RÉFLEXIONS DE MARMONTEL SUR LE MEME SUJET. » pp. 13-16

Il est donc certain que la partie du public, dont le goût est invariablement décidé pour le vrai, l’utile et le beau, n’a fait dans tous les temps que le très petit nombre, et que la foule se décide pour l’extravagant et l’absurde ; ainsi, loin de disputer à la farce les succès dont elle jouit, j’ajouterai que dès qu’on aime ce spectacle, on n’aime plus que celui-là, et qu’il serait aussi surprenant qu’un homme qui fait habituellement ses délices de ces grossières absurdités, fût vivement touché des beautés du Misanthrope et d’Athalie, qu’il le serait de voir un homme, nourri dans la débauche, se plaire à la société des honnêtes femmes.

81. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — PREMIERE PARTIE. — CHAPITRE IV. Des Femmes de Théâtre. » pp. 42-48

J’ai prouvé, si je ne me trompe, que le Théâtre est pernicieux dans l’état où il est aujourd’hui : il y aurait, dit-on, de l’inconvénient à le supprimer : mettons tout en usage pour le réformer au point d’en faire un amusement aussi utile qu’agréable ; car je suis persuadé que le Théâtre serait bien moins redoutable à la vertu, et qu’il produirait même un bien réel à la société, si, en y laissant les traits enjoués et les saillies d’esprit qui peuvent exciter à rire, on en faisait une Ecole de bonnes mœurs et, pour ainsi-dire, une Chaire publique où l’on débiterait, aux personnes de tout sexe, et de tout âge, les maximes de la plus saine morale, avec gaieté et sans les effrayer par l’appareil de l’austérité, et du pédantisme.

82. (1843) Le Théâtre, par l'Auteur des Mauvais Livres « Le Théâtre. » pp. 3-43

D’ailleurs que j’aille, ou que je n’aille point, les spectacles n’en iront pas moins leur train ; et là-dessus cette personne se tranquillise sur sa démarche, qu’elle considère comme un devoir de société. […] L’on sape ainsi la base de la famille, du mariage, de la société et de la Religion. […] Le théâtre est l’école de l’immoralité ; le fléau de la société et des familles. […] Ainsi conciles, synodes, évêques, théologiens, littérateurs profanes, auteurs dramatiques, écrivains illustres, hommes du monde, lois ecclésiastiques et civiles, autorité sacrée et profane, tout condamne le théâtre, tout parle de ses fruits amers pour la Religion, pour la société et la famille.

83. (1767) Réflexions sur le théâtre, vol 6 « Réflexions sur le théâtre, vol 6 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SIXIÈME. — CHAPITRE I. Faut-il permettre aux femmes d’aller à la Comédie ? » pp. 4-29

Sans élever aucune barriere entr’elles & la mauvaise compagnie, qui toujours s’y rassemble, nous les laissons pêle mêle avec le premier venu que le libertinage y amène, nous les excusons, nous les applaudissons, nous les y engageons, nous les faisons monter sur le théatre public, nous leur élevons dans les maisons des théatres de société, nous leur laissons apprendre les arts empoisonnés qui y séduisent, nous les louons de leurs succès, ou plutôt de nos défaites, tandis que nous laissons imprimée sur le front des Comédiens la tache de l’infamie légale, du mépris public, & des anathèmes de l’Eglise. […] Mais c’en est assez pour sentir la licence de leur vie, le désordre de leur immodestie, le danger de leur société. […] A Paris même le théatre Italien, celui de la Foire, des Boulevards, les théatres de société, ne le sont pas moins. […] Il leur faut de la société : la compagnie y est des plus brillantes, la Cour & la ville y en réunissent l’élite.

84. (1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE II. Des Masques. » pp. 28-54

Cet homme célèbre, plein d’esprit & de politesse, qui écrivoit avec tant d’agrément & de légèreté les moindres bagatelles & les choses les plus sérieuses, qui a vécu trois ou quatre vies différentes, pour ainsi dire, homme, femme, abymé dans l’étude, livré au théatre, estimable par un courage apostolique, qui l’a conduit au bout du monde, méprisable par une coquetterie d’Actrice, toujours gouverné par le plaisir, se faisant aimer de tout le monde ; cette espèce de phénomène dans la société ne dissimule pas ses défauts. […] Il brilloit au bal, quelquefois sur le théatre public, & fréquemment sur les théatres de société, qui commençoient à s’établir. […] La chose étoit facile, Rosalie étoit belle, dansoit bien, n’étoit pas cruelle, & exercée par la Comtesse, qui pendant ces trois ans avoit en chez elle un théatre de société, où elle avoit représenté une infinité de pieces, en avoit fait une très-bonne Actrice. […] Ne sont-ce pas là de vrais masques, plus pernicieux dans la société que ceux qui couvrent le visage ?

85. (1789) Lettre à un père de famille. Sur les petits spectacles de Paris pp. 3-46

Déjà ils ont été introduits dans des sociétés analogues à leur condition, c’est-à-dire dans des cercles bourgeois, parmi des personnes simples et unies, chez qui la bonhommie n’exclut ni la délicatesse de sentimens, ni l’instruction. […] Ceux qui aiment, je ne dis pas l’excellent, mais le bon, lisent-ils une seule des soixante et onze pièces que Fuzelier a brochées seul, ou en société pour les treteaux, moyennant quelques pistoles qu’on lui a plus d’une fois payées d’avance ? […] Ils n’étoient que désoccupés ; les voilà de plus, transportés du desir de réaliser dans la société ces fictions théâtrales. […] A présent c’est à vous à observer la société, vous verrez bientôt si je déclame ou si je calomnie, lorsque j’avance qu’aujourd’hui on rencontre partout des gens atteints de la maladie de Démocrite, pour lesquels, crime ou vertu, rien n’est sérieux.

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