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9. (1726) Projet pour rendre les spectacles plus utiles à l’Etat « Projet pour rendre les spectacles plus utiles à l’Etat » pp. 176-194

Projet pour rendre les spectacles plus utiles à l’Etat Je suis de l’avis de ceux qui pensent que les bons citoyens dans leur belles pièces sérieuses peuvent inspirer, entretenir et fortifier l’amour pour la patrie et des sentiments de courage, de justice, et de bienfaisance ; je crois de même que dans leurs pièces comiques ils peuvent inspirer du dégoût et de l’aversion pour la mollesse, pour la poltronnerie, pour le métier de joueur, pour le luxe de la table, pour les dépenses de pure vanité, pour le caractère impatient, chicaneur, avaricieux, flatteur, indiscret, hypocrite, menteur, misanthrope, médisant, en un mot pour tous les excès qui font souffrir les autres et qui rendent les vicieux fâcheux et désagréables pour plusieurs des personnes avec qui ils ont à vivre. […] Que le Conseil établisse une compagnie de huit ou dix bons Citoyens connaisseurs, qui sous la direction du Magistrat de Police aient soin de rendre les spectacles plus utiles aux bonnes mœurs, c’est-à-dire, aux mœurs désirables dans la société ; le Roi nommera les quatre premiers, ces quatre nommeront le cinquième, les cinq nommeront le sixième, les six nommeront le septième, et ainsi de suite. Il faut que le spectacle plaise fort aux spectateurs, autrement ils n’iraient point en grand nombre au spectacle ; mais il faut que le Poète rende encore le spectacle utile et que les mœurs en deviennent plus aimables, plus désirables, et surtout plus innocentes et exemptes de vices. […] Les spectacles peuvent donc être utiles et agréables, mais il faut qu’ils soient dirigés par une compagnie perpétuelle composée de gens habiles, et surtout de bons politiques sous les ordres du Magistrat de Police, et qu’ils tendent toujours à rendre dans la société la vertu respectable et aimable, les vices honteux et odieux, la vanité méprisable et ridicule ; je demande enfin pour Membres de cette compagnie des connaisseurs délicats, qui sentent combien les bonnes mœurs sont importantes pour augmenter le bonheur de la nation. […] Or l’on m’avouera que c’est un mauvais emploi de l’art et de l’esprit par rapport à la société que de rendre les crimes et les criminels moins dignes d’horreur.

10. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique — CHAPITRE IV. La Tragédie est-elle utile ? Platon condamne toute Poesie qui excite les Passions. » pp. 63-130

Nous avons crû ne faire en cela que nous rendre à la Raison. […] Il se contente de dire qu’il n’est point agréable, & n’excite ni Crainte, ni Pitié ; & j’observe que le mot a été ici rendu par Crainte, le Traducteur n’ayant pu se servir du mot Terreur pour rendre ces termes Φόβος περιτων ὅμοιων. […] La Tragédie en nous familiarisant avec nos miseres nous y rend insensibles. […] Il est vrai que la suppression de ce seul mot rend la lumiere. […] Ils sentirent dans la suite la nécessité de se rendre utiles.

11. (1767) Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs « Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs — SECONDE PARTIE. Si les Comédies Françoises ont atteint le vrai but que se propose la Comédie. » pp. 34-56

Un homme vertueux content de l’être, néglige de se rendre agréable, il ne faut donc pas qu’il se montre. Un homme vicieux a besoin pour déguiser ses vices de se rendre agréable à l’extérieur, il peut aller par-tout, il sera bien accueilli. […] On dérobe dix mille écus à Harpagon qui n’a pas trop de tort d’en être fâché ; on lui rend son argent, & à la fin de la piece tout le monde est content de lui. […] Il est donc évident que Moliere à plutôt rendu l’avare ridicule, qu’il ne l’a rendu odieux. […] Il a donc rendu le Misanthrope moins haïssable que ridicule ; il a donc manqué le vrai but de la Satire dans cette Comédie.

12. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme. — Chapitre IX. Suite de la Rosiere. » pp. 213-230

La Rosiere s’approche de la balustrade du Sanctuaire, dépose son bouquet à ses pieds pour marquer que l’amour de sa vertu & du travail vient de Dieu, qu’il faut lui en rendre toute la gloire. […] Toute la ville de Besançon y a prit part, on s’y est rendu en foule ; un détachement de la garnison, a été commandé pour joindre les honneurs militaires, aux honneurs ecclésiastiques & civils. […] Cette utile institution qu’un nom fameux & cher aux Comtois a rendu si respectable en Champagne. […] Ce prix très-honorable pour elle, puisqu’il est un certificat authentique de leur vertu, leur procurera un établissement avantageux, & excite entre les filles de la Paroisse une émulation de vertu pour pouvoir s’en rendre dignes. […] de Breteuil, Evêque de Montauban, a bien voulu se rendre à l’assemblée, autorisé & couronné par sa présence un établissement si utile.

13. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre IV. Les spectacles inspirent l’amour profane. » pp. 32-50

Qui étale, bien que ce soit pour le mariage, cette impression de beauté sensible qui force à aimer, et qui tâche à la rendre agréable, veut rendre agréables la concupiscence et la révolte des sens. […] Ces doux et invincibles penchants de l’inclination, ainsi qu’on les représente, c’est ce qu’on veut faire sentir et ce qu’on veut rendre aimable : c’est-à-dire, qu’on veut rendre aimable une servitude, qui est l’effet du péché, qui porte au péché ; et on flatte une passion qu’on ne peut mettre sous le joug que par des combats qui font gémir les fidèles, même au milieu des remèdes. […] Ne sait-on pas que toutes les passions sont sœurs, qu’une seule suffit pour en exciter mille, et que les combattre l’une par l’autre n’est qu’un moyen de rendre le cœur sensible à toutes ? Qu’importe que l’amour y soit rendu légitime ou puni à la fin, si on s’est rendu coupable ? […] Ils n’ont mis en jeu que des passions folles ou criminelles, et les plus légitimes, ils les ont rendues répréhensibles et dangereuses par la manière dont ils les ont représentées.

14. (1707) Réflexions chrétiennes « Réfléxions chrétiennes, sur divers sujets. Où il est Traité. I. De la Sécurité. II. Du bien et du mal qu’il y a dans l’empressement avec lequel on recherche les Consolations. III. De l’usage que nous devons faire de notre temps. IV. Du bon et mauvais usage des Conversations. Par JEAN LA PLACETTE, Pasteur de l’Eglise de Copenhague. A AMSTERDAM, Chez PIERRE BRUNEL, Marchand. Libraire sur le Dam, à la Bible d’Or. M DCCVII — Chapitre XII. Du temps que l’on perd à la Comedie, et aux autres spectacles de même nature. » pp. 269-279

Le premier est qu’ils rendent l’âme esclave des sens, ou, pour mieux dire, qu’ils augmentent considérablement le pouvoir que ces facultés ont naturellement sur notre âme, et le rendent plus absolu, et plus tyrannique qu’il n’étoit de lui-même. […] On n’en doutera pas si l’on considere qu’elles sont sifflées, et passent pour froides et pour ridicules, si elles ne touchent délicatement quelque passion, et si la representation qu’on en fait ne la rend en quelque sorte contagieuse, et ne l’inspire aux spectateurs. […] En gros l’un des plus justes, et des plus raisonnables soins que nous puissions prendre, est celui de nous rendre maîtres de nos passions, quelles qu’elles soient, de les mortifier, de les réprimer, de les étouffer mesme, si nous le pouvons, et de nous mettre dans un tel état, que nous nous conduisions, non par ces mouvemens brutes et aveugles, mais par la pure lumiere de la foi, et de la raison. […] C’est que plus les passions reviennent souvent, plus elles se rendent vives et indomptables. […] Celui donc qui voudra être ami du monde se rend ennemi de Dieu.

15. (1759) Lettre de M. d'Alembert à M. J. J. Rousseau « Chapitre » pp. 63-156

Pourquoi non, Monsieur, si on leur rend ces scélérats odieux dans leur triomphe même ? […] Cette Tragédie, Monsieur, a d’ailleurs un autre avantage, c’est de nous rendre plus grands à nos propres yeux en nous montrant de quels efforts la vertu nous rend capables. […] Et quelle manière plus efficace d’attaquer nos ridicules, que de nous montrer qu’ils rendent les autres méchants à nos dépens ? […] Molière, selon vous, a eu dessein dans cette Comédie de rendre la vertu ridicule. […] La rigueur de la morale que vous prêchez les a rendus indulgents sur la tolérance que vous professez avec courage et sans détour.

16. (1758) Lettre de J. J. Rousseau à M. D’Alembert « JEAN-JACQUES ROUSSEAU. CITOYEN DE GENÈVE, A Monsieur D’ALEMBERT. » pp. 1-264

C’en est assez, ce me semble, pour rendre Molière inexcusable. […] Est-ce ainsi qu’on nous rend suspecte une passion qui perd tant de gens bien nés ? […] On ne pourra donc éviter de rendre le Spectacle abordable en tout temps. […] La femme se rendait robuste, et l’homme ne s’énervait pas. […] Voulez-vous donc rendre un peuple actif et laborieux ?

17. (1759) Apologie du théâtre « Apologie du théâtre » pp. 141-238

Telle est la justice que j’aime à rendre aux intentions et aux talents de M. […] Dira-t-il que pour rendre leur enfants tempérants et sages, les Spartiates les rendaient furieux et fous ? […] Mais en exposant à nos yeux le vice, l’a-t-il rendu intéressant ? […] L’étude qu’il a faite de lui-même l’a rendu modeste et compatissant. […] J’aurai donc rendu à M.

18. (1667) Traité de la comédie et des spectacles « Sentiments des Pères de l'Eglise sur la comédie et les spectacles — 5. SIECLE. » pp. 147-179

Comment donc pouvez-vous mettre au rang des saintes puissances du Ciel ces Dieux qui se plaisent à recevoir un culte, qui rend indignes parmi vous ceux qui le rendent, d'être mis au nombre des Citoyens Romains ? […] Je rends grâces à notre Seigneur de ce qu'il nous a marqué dans le Verset suivant, quels Spectacles nous devons fournir aux amateurs des Spectacles. […] Il est hors de doute que celui-là est tout à fait méchant qui rend le mal pour le bien, n'étant pas même permis de rendre le mal pour le mal. […] Il semble que nous ne prenions les Sacrements du Christianisme, que pour nous rendre plus coupables par le mépris que mépris en faisons. […] Bien que cette vérité ne manque point de preuves, je dirai néanmoins une chose qui la rendra visible à tout le monde.

19. (1754) La Comédie contraire aux principes de la morale chrétienne « La comédie contraire aux Principes de la Morale Chétienne. — VIII. Les intrigues sont la vraie fin de la comédie. » pp. 15-17

« Qui étale, bien que ce soit pour le mariage, cette impression de beauté sensible qui force à aimer & qui tâche de la rendre agréable, veut rendre agréable la concupiscence & la révolte des sens. […] Ces doux & invincibles penchans de l’inclination, ainsi qu’on les réprésente, c’est ce qu’on veut faire sentir & ce qu’on veut rendre aimable : c’est-à-dire, qu’on veut rendre aimable une servitude qui est l’effet Pag.

20. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « VI. Ce que c’est que les mariages du théâtre.  » pp. 25-27

Qui étale, bien que ce soit pour le mariage, cette impression de beauté sensible qui force à aimer, et qui tâche à la rendre agréable, veut rendre agréable la concupiscence et la révolte des sens. […] Ces doux et invincibles penchants de l’inclination, ainsi qu’on les représente, c’est ce qu’on veut faire sentir et ce qu’on veut rendre aimable ; c’est-à-dire, qu’on veut rendre aimable une servitude qui est l’effet du péché, qui porte au péché ; et on flatte une passion qu’on ne peut mettre sous le joug que par des combats, qui font gémir les fidèles, même au milieu des remèdes.

21. (1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — XIX.  » pp. 475-477

Ce qui rend l'image des passions que les Comédies nous proposent plus dangereuse, c'est que les Poètes pour les rendre agréables sont obligés, non seulement de les représenter d'une manière fort vive, mais aussi de les dépouiller de ce qu'elles ont de plus horrible, et de les farder tellement par l'adresse de leur esprit, qu'au lieu d'attirer la haine et l'aversion des spectateurs, elles attirent au contraire leur affection; de sorte qu'une passion qui ne pourrait causer que de l'horreur, si elle était représentée telle qu'elle est, devient aimable par la manière ingénieuse dont elle est exprimée. […] Tu blâmes ma douleur, tu l'oses nommer lâche ; Je l'aime d'autant plus que plus elle te fâche, Impitoyable père, et par un juste effort, Je la veux rendre égale aux rigueurs de mon sort. » Et ensuite parlant à son frère, elle fait cette horrible imprécation contre sa patrie : « Rome l'unique objet de mon ressentiment, Rome à qui vient ton bras d'immoler mon amant, Rome qui t'a vu naître, et que ton cœur adore, Rome enfin que je hais, parce qu'elle t'honore. […] On s'est servi à dessein de ces exemples, parce qu'ils sont moins dangereux à rapporter: mais il est vrai que les Poètes pratiquent cet artifice de farder les vices en des sujets beaucoup plus pernicieux que celui-là; et si l'on considère presque toutes les Comédies et tous les Romans, on n'y trouvera guère autre chose que des passions vicieuses embellies et colorées d'un certain fard, qui les rend agréables aux gens du monde.

22. (1666) Dissertation sur la condemnation des théâtres « Disseration sur la Condemnation, des Théâtres. — Chapitre I. Que les Spectacles des Anciens ont fait partie de la Religion Païenne. » pp. 2-35

des Jeux à Jupiter Roi, pour lui rendre grâces de la victoire de Leuctre ; et les Jeux Éleuthériens furent faits en la Ville de Platée pour remercier les Dieux de la grande bataille que les Grecs y gagnèrent contre les Perses. […] rendit grâces aux Dieux par cette cérémonie après la victoireDiod. l. 16. qu'il remporta sur Mithridate ; et Philippe Roi de Macédoine après la prise d'Olynthe rendit celèbre son action de grâces par les Jeux et les Sacrifices. […] Cirque, où le peuple assista portant des couronnes sur la tête, où les femmes furent à la Procession, où l'on fit plusieurs festins en public, et où l'on observa toute sorte de dévotes cérémonies pour rendre ce jour bien célèbre. […] ayant remporté le prix de la tragédie aux Fêtes Lénéennes, en rendit grâces aux Dieux par des Sacrifices ; où assistèrent ceux qui en avaient fait le chœur.

23. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre XII. La représentation des pièces de théâtre est plus dangereuse que la lecture. » pp. 108-110

Ce qui rend la représentation d’une pièce de théâtre beaucoup plus dangereuse que la lecture, c’est que le lecteur n’est sensible qu’aux grâces du style, qu’à la beauté des pièces : au lieu que le spectateur est exposé à tous les charmes d’une déclamation animée, de ce langage muet, si éloquent, si persuasif, si séduisant, qui, par un geste, parle aux yeux et pénètre le cœur, donne de la vivacité aux passions, de la force aux discours, qui exprime dans toute leur énergie les mouvements de l’âme que le poète n’a fait que rendre faiblement ; qui fait illusion sur la fausseté des pensées et des maximes, qui fait applaudir au mensonge avec plus de chaleur qu’on applaudirait à la vérité. Qu’on joigne à tout cela la voix séduisante, les attitudes étudiées d’une actrice qui n’épargne rien pour séduire le cœur, et s’attirer le tribut d’éloges qu’on peut rendre aux grâces et à la beauté d’un sexe qui n’a pas besoin de tant d’art pour nous séduire. […] Voilà l’objet de toutes les pièces dramatiques ; et c’est ce qui en rend même la lecture souvent pernicieuse.

24. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE VI. Du sérieux et de la gaieté. » pp. 128-149

Les spectacles des gladiateurs, au lieu de rendre gai le peuple Romain, le rendait féroce ; les scènes horribles de Shakespeare sur le théâtre Anglais, si analogues au caractère de la nation, lui donne-t-elle de la gaieté ? […] Le théâtre, qui le lui rend plus insupportable, en l'accoutumant à la dissipation, lui rend le plus mauvais service, sans l'en garantir. […] La patience en se familiarisant avec l'ennui le fait disparaître : l'impatience le rend plus amer. […] Ces oreilles n'écoutent point, elles entendent ; c'est un instrument de musique, dont les cordes touchées au hasard rendent des sons. […] La mauvaise vie et la manière de débiter rendent inefficace la parole divine dans la bouche d'un Prédicateur.

25. (1760) Critique d’un livre contre les spectacles « FRAGMENT D’UNE LETTRE A ME. DE ****. SUR LES SPECTACLES. » pp. 82-92

Il faudrait qu’elle nous rendît meilleurs. […] Je crois que le but digne de la Tragédie, est d’élever notre âme par des vertus mâles, de la rendre amoureuse du beau, de lui donner de l’émulation par des exemples d’un aimable héroïsme, et de la tirer enfin d’un certain engourdissement qui n’est à présent que trop général ; je voudrais qu’une Pièce de Théâtre engageât par amour-propre chaque Auditeur à être aussi honnête homme que Scipion, à être aussi constant qu’Hannibal. […] Un Auteur ne se rendrait-il pas plus estimable, s’il nous faisait aimer la vertu par la vertu même ? […] Avoir en même temps rendu Titus forcené d’amour et d’ambition, c’est nous avoir présenté un être impossible, que nous ne pouvons pas suivre. […] Ce sont eux qui, les premiers, ont établi l’amour le principe de toutes les actions des hommes, et de généreux Français que nous étions, nous ont rendus de véritables Sybarites.

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