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341. (1754) Considerations sur l’art du théâtre. D*** à M. Jean-Jacques Rousseau, citoyen de Geneve « Considérations sur l’art du Théâtre. » pp. 5-82

J’aimerois autant dire que c’est travailler contre notre sûreté, que de nous apprendre les ruses dont un ennemi peut se servir pour nous perdre. […] La vertu perdra-t-elle de son prix, parce que c’est une femme aimable qui nous l’annonce ? […] L’ame y acquiert de nouvelles lumieres, & le corps n’y perd rien de sa vigueur. […] Mais le Comédien ne couroit pas le même risque, celui dont le personnage représentoit un caractere injuste & vicieux, étoit toujours condamné de droit, il étoit sur le Theatre pour perdre sa cause.

342. (1667) Lettre sur la Comédie de l'Imposteur « Lettre sur la Comédie de l’Imposteur » pp. 1-124

C’est ici que commence le caractère le plus plaisant et le plus étrange des Bigots ; car la Suivante ayant dit que « Madame n’a point soupé », et Monsieur ayant répondu, comme j’ai dit : « Et Panulphe », elle réplique qu’« il a mangé deux perdrix et quelque rôti outre cela », ensuite qu’« il a fait la nuit toute d’une pièce », sur ce que « sa Maîtresse n’avait point dormi », et qu’enfin, « le matin, avant que de sortir, pour réparer le sang qu’avait perdu Madame, il a bu quatre coups de bon vin pur ». […] Comme Panulphe voit que ces charmes ordinaires ont perdu leur vertu, sachant bien que quand une fois on est revenu de ces entêtements extrêmes, on n’y retombe jamais ; et pour cela même voyant bien qu’il n’y a plus d’espérance pour lui, il change de batterie, et sans pourtant sortir de son personnage naturel de Dévot, dont il voit bien dès là qu’il aura extrêmement besoin dans la grande affaire qu’il va entreprendre ; mais seulement comme justement irrité de l’outrage qu’on fait à son innocence, il répond à ces menaces par d’autres plus fortes, et dit que « c’est à eux à vider la maison dont il est le maître » en vertu de la donation dont il a été parlé ; et les quittant là-dessus, les laisse dans le plus grand de tous les étonnements, qui augmente encore lorsque le bonhomme se souvient d’une certaine cassette, dont il témoigne d’abord être en extrême peine, sans dire ce que c’est, étant trop pressé d’aller voir si elle est encore dans un lieu qu’il dit ; il y court, et sa femme le suit. […] Il examine mûrement les choses, et conclut à la désolation commune, que « le fourbe étant armé de toutes ces différentes pièces régulièrement, peut les perdre de toute manière », et que c’est une affaire sans ressource. […] L’Officier déclare donc que « le Prince ayant pénétré dans le cœur du fourbe par une lumière toute particulière aux Souverains par-dessus les autres hommes, et s’étant informé de toutes choses sur sa délation, avait découvert l’imposture, et reconnu que cet homme était le même, dont sous un autre nom il avait déjà ouï parler, et savait une longue histoire toute tissue des plus étranges friponneries et des plus noires aventures dont il ait jamais été parlé : que nous vivons sous un règne, où rien ne peut échapper à la lumière du Prince, où la calomnie est confondue par sa seule présence, et où l’hypocrisie est autant en horreur dans son esprit, qu’elle est accréditée parmi ses sujets ; que cela étant, il a d’autorité absolue annulé tous les actes favorables à l’Imposteur, et fera rendre tout ce dont il était saisi ; et qu’enfin c’est ainsi qu’il reconnaît les services que le bonhomme a rendus autrefois à l’État dans les armées, pour montrer que rien n’est perdu près de lui, et que son équité, lorsque moins on y pense, des bonnes actions donne la récompense ». […] Or tous les galants qui se servent des mêmes persuasions que Panulphe, sont en quelque degré dissimulés et hypocrites comme lui ; car il n’en est point qui voulût avouer en public les sentiments qu’il déclare en particulier à une femme qu’il veut perdre : ce qu’il faudrait qui fût, pour qu’il fût vrai de dire, que ses sentiments de tête-à-tête n’ont aucune disconvenance avec ceux dont il fait profession publique, et par conséquent aucune indécence ni aucun ridicule : et le premier fondement de tout cela est ce que j’ai établi dès l’entrée de cette réflexion, que la providence de la Nature a voulu que tout ce qui est méchant eût quelque degré de ridicule, pour redresser nos voies par cette apparence de défaut de raison, et pour piquer notre orgueil naturel, par le mépris qu’excite nécessairement ce défaut, quand il est apparent comme il est par le Ridicule : et c’est de là que vient l’extrême force du ridicule sur l’esprit humain, comme de cette force procède l’effet que je prétends.

343. (1760) Sur l’atrocité des paradoxes « Sur l’atrocité des paradoxes —  J.J.L.B. CITOYEN DE MARSEILLE, A SON AMI, Sur l’atrocité des Paradoxes du Contemptible J.J. Rousseau. » pp. 1-128

Combien de Femmes perdraient, privées de l’usage ; mais combien en est-il qui ne pourraient suffire à l’avidité d’un tas de libertins ? […] Après s’être enfermé, il lui demanda ce qu’était devenu son Frère, ce Prince lui répondit froidement qu’il l’avait perdu de vue dans la poursuite du Cerf. […] la raison, ce feu divin qui l’élève au-dessus de lui-même lorsqu’il sait l’écouter, & que l’excès du vin lui fait perdre. […] Une action méchante ne perd point sa qualité, pratiquée par un Homme de nom, ou il faut convenir que le crime n’avilit que la canaille. […] Les Turcs, au nombre de 80000, furent obligés de lever le siège au bout de quatre mois, après avoir perdu 20000 Combattans.

344. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme. — Chapitre V. Autres Mêlanges. » pp. 121-140

Nos prudes philosophes, tout en criant à l’indécence, n’ont pas laissé de remplir les loges, munies à la vérité de fort grands éventails percés à jour, avec une petite lorgnette artistement adaptée au bâton de l’éventail, pour ne rien perdre du jeu des acteurs. […] Il fut des citoyens avant qu’il fut des maîtres ; Nous rentrons dans les droits qu’ont perdu nos ancêtres.

345. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre VIII. Du Stile. » pp. 287-319

En convenant que les Drames du nouveau Théâtre, sont en général assez mal écrits, je ne prétends pas lui faire perdre l’estime de ceux qui veulent bien la lui accorder, ni faire chanter victoire à ses énnemis. […] L’Auteur fait un tel mêlange de la comparaison & du Sujet, qu’il les embrouille cruellement ; on les voit revenir par intervalle lorsqu’on les attend le moins : on finit enfin, par les perdre de vue l’un & l’autre.

346. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre V. Le but des auteurs et des acteurs dramatiques est d’exciter toutes les passions, de rendre aimables et de faire aimer les plus criminelles. » pp. 51-75

« De quelque sens qu’on envisage le théâtre, dans le tragique ou le comique, on voit toujours que, devenant de jour en jour plus sensibles par amusement et par jeu, à l’amour, à la colère et à toutes les autres passions, nous perdons toute force pour leur résister, quand elles nous assaillent tout de bon ; et que le théâtre animant et fomentant en nous les dispositions qu’il faudrait contenir et réprimer, il fait dominer ce qui devait obéir ; loin de nous rendre meilleurs et plus heureux, il nous rend pires et plus malheureux encore, et nous fait payer, aux dépens de nous-mêmes, le soin qu’on y prend de nous plaire et de nous flatter. » « En effet, que voyons-nous dans la plupart des pièces qu’on représente sur la scène ? […] La scène surtout qu’ils ont ensemble est conduite avec tant d’art, que Mahomet, sans se démentir, sans rien perdre de la supériorité qui lui est propre, est pourtant éclipsé par le simple bon sens et l’intrépide vertu de Zopire.

347. (1671) La défense du traité du Prince de Conti pp. -

Il avait un si grand respect pour le chef visible de l’Eglise, qu’il disait d’ordinaire que les fautes personnelles des Papes ne devaient point faire perdre dans l’esprit des Princes, la vénération qu’ils doivent avoir pour le saint Siège Apostolique. […] Si nous sommes donc touchés d’un véritable regret d’avoir perdu ce Prince ; témoignons-le en punissant nos crimes qui nous l’ont ravi ; et tâchons de profiter des instructions, et des exemples qu’il nous a laissés. […] Que les combats de la prose, et de la poésie servaient d’aiguillon aux beaux esprits ; et qu’un juge ne perdrait rien de sa gravité pour donner quelques heures de récréation aux voluptés honnêtes et permises. […] , et qui sont tout corrompus par leurs mauvaises habitudes, ne perdent rien lorsqu’on les joue sur le Théâtre ; mais au contraire ils tiennent à un grand avantage d’être connus par là de tout le monde. […] N’ont-ils pas perdu la ressemblance de Jésus-Christ ?

348. (1767) Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs « Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs — TROISIEME PARTIE. Des obstacles qui s’opposent parmi nous à la perfection de la Comédie. » pp. 57-75

Qu’on ne dise pas que les hommes ayant toujours été les mêmes dans tous les temps, il est inutile de leur donner des leçons dont il est certain qu’ils ne profiteront pas ; car malgré la corruption générale, il est toujours des ames disposées à goûter les maximes de la sagesse ; & quand la Comédie ne corrigeroit les mœurs que de quelques particuliers, elle n’auroit pas perdu son temps.

349. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre IV. De l’illusion Théâtrale. » pp. 64-79

Quelque bonne qu’elle puisse être, l’Auteur a perdu son tems.

350. (1759) Lettre sur la comédie pp. 1-20

Pourquoi perdre à douter avec une absurde présomption, cet instant qui nous est laissé pour croire & pour adorer avec une soumission fondée sur les plus fermes principes de la saine raison ?

351. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — LETTRE VI. » pp. 98-114

En effet, que prétend Corneille dans le Cid, sinon que l’on ait pour Chiméne les yeux de Rodrigue, qu’on l’aime, & que l’on tremble avec lui lorsqu’il est en danger de la perdre, & qu’on s’estime heureux avec cet amant qui la posséde enfin ?

352. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — [M] » pp. 426-430

Ces deux hommes rares ne furent point remplacés ; leur art ne fut plus encouragé par le Gouvernement, & il tomba dans une dégradation sensible depuis le règne d’Auguste jusqu’à celui de Trajan, où il se perdit tout-à fait.

353. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — DEUXIEME PARTIE. — REGLEMENTS. Pour la Réformation du Théâtre. » pp. 99-116

Il n’y aura point de femme dans la Troupe qui ne soit mariée, et dont le mari ne vive avec elle, soit qu’il fasse la profession de Comédien, ou non : et, à l’égard de la conduite des Actrices, on suivra la méthode des Hollandais ;8 pour le moindre scandale qu’elles donneront on les congédiera ; lorsqu’elles sortiront de cette manière, elles ne jouiront que de la moitié de la pension ; et elles la perdront en entier, si elles continuent à faire mal penser d’elles, même après leur sortie de la Troupe.

354. (1804) De l’influence du théâtre « DE L’INFLUENCE DE LA CHAIRE, DU THEATRE ET DU BARREAU, DANS LA SOCIETE CIVILE, » pp. 1-167

Ceux-ci les voyaient et les fréquentaient habituellement, comme de nos jours les jeunes gens perdus de mœurs voient et fréquentent des femmes sans honneur et sans vertu, et vivent familièrement avec elles, sans jamais leur accorder le plus léger tribut d’estime. […] La trace du bon goût semble être perdue, et c’est aux petits spectacles des boulevards qu’Esther est reléguée, et peut trouver des admirateurs. […] Mais où serait le grand mal d’user, pour les amusements de ce genre, de cette précaution qu’on prend pour les autres plaisirs, qui perdent et tout leur charme et tout leur prix, quand la satiété les accompagne ? […] Aussi, trop confiant en sa victoire, Annibal en perdit-il tout le fruit, en se laissant aller aux douceurs du repos ; et cette armée formidable, devant laquelle Rome, à la journée de Cannes, avait elle-même tremblé, fut-elle tout à coup amollie et vaincue par les plaisirs de Capoue. […] NDA Cette leçon, si adroite et si précieuse à recueillir, devait-elle être sitôt perdue pour nos statuaires modernes, qui abjurant tout respect pour la plus tendre jeunesse, mettent aujourd’hui tant d’affectation à nous faire distinguer les dieux de l’antiquité moins par leurs attributs divins, que par les marques distinctives de la virilité.

355. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre III. De la Musique Française & Italienne. » pp. 252-286

On connaîtra, par éxemple, que la Romance d’On ne s’avise jamais de tout, est dans le goût Français ; & que l’Ariette, Je suis un pauvre misérable, est composée selon les principes Italiens : le fond de l’air du premier morceau ne se perd jamais ; il n’est point trop varié ; sa mélodie enchante par sa douceur & sa simplicité : le mouvement du second change lorsqu’on s’y attend le moins ; & les répétitions n’y sont point épargnées. […] Il est aisé de s’appercevoir que le fond de l’air, ou le motif, se perd presque entièrement, & qu’il est des endroits où l’on croit entendre un autre morceau de chant, tant la marche & la mesure varient.

356. (1744) Dissertation épistolaire sur la Comedie « Dissertation Epistolaire sur la Comedie. — Reponse à la Lettre précedente. » pp. 19-42

Quant aux viandes qui ont été immolées aux Idoles, nous n’ignorons pas que nous avons… sur ce sujét asséz de science , nous sçavons asséz, qu’elles ne contractent par cette immolation aucune foüillure, qui les rende immondes, & qui en interdise l’usage : mais la science enfle, & la charité édifie  : ainsi il ne faut pas écouter seulement nôtre science, & faire tout ce, qu’elle nous assure être permis ; mais il faut encore consulter la charité, & voir ce qu’elle demande de nous… Quant à ce qui est donc de manger des viandes immolées aux Idoles , cela n’est pas mauvais en soi : … ne vous faites donc pas une peine de ne pouvoir user de la liberté que vous avez de manger de tout : Mais prennez garde, que cette liberté, que vous avez, ne soit aux foibles une occasion de chute , comme elle le pourroit être, si vous vous en serviez en leur présence ; car si l’un d’eux en voit un de ceux qui sont plus sçavans & mieux instruits de la liberté que lui donne l’Evangile, assis à table dans un lieu consacréaux Idoles, ne sera-t-il pas porté lui, qui est encore foible, à manger aussi de ces viandes sacrifiées , & ainsi vous perdrez par vôtre science , & par l’usage que vous en faites, vôtre Frere, qui est encore foible, pour qui Jesus-Christ est mort. […] Mais afin que ce Pere n’attire pas sur lui & sur sa Fille les malheurs, que Dieu répand ordinairement sur les Peres, qui par leurs exemples, & par le mauvais usage de leur empire perdent les doux fruits d’un saint Sacrament ; je supplie ce Pere qu’il se souvienne, que la providence Divine ne lui a pas donné cette Fille pour lui, mais pour elle-même ; que, si cette fille est le gage de l’amitié de Madame son Epouse, elle est aussi le fruit du Sang de Jesus-Christ ; que, si elle est noble par sa naissance, elle est Chrêtienne par son Batême ; que cette seconde qualité lui est plus avantageuse, plus necessaire, & plus glorieuse que la prémiere, & qu’ainsi il n’est pas seulement obligé de l’élever en Fille de condition, mais qu’il est encore plus obligé de l’élever en Chrêtienne, & qu’il doit plus travailler à lui inspirer l’esprit de l’Evangile, que l’air, & les manieres du monde.

357. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Seconde partie « Causes de la décadence du goût sur le théatre. — Chapitre XIX. Des Talens mal-à-propos attribués aux Comédiens. » pp. 45-62

Je suis même persuadé que les Poëtes perdent autant dans la bouche de l’Acteur, que le grand Peintre dans les copies de ses Eleves.

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