» Cette nature physique, ce pouvoir surnaturel, sur une nature physique, cette probabilité idéale, ce pouvoir qui admet une probabilité idéale, ce pouvoir surnaturelqui se borne à des probabilités, tout cela ensemble est d'une telle force de lumière, qu'on n'y voit goutte, sinon que le théâtre fait radoter. N'est-ce qu'une probabilité idéale qu'un éclat si précieux par sa rareté dont la nature physique ne donne que de l'ennui ? […] Quand la nature agit, le sérieux perce partout et répand sur tout un fonds, un air de sagesse qui jusque dans le jeune homme inspire autant de respect que la futilité donne du mépris pour le vieillard. […] Paul, par toutes sortes d'épreuves, il s'est assujetti à toutes les infirmités de la nature, il a souffert les outrages, les calomnies, les tourments, une mort infâme : le vit-on jamais au spectacle ? […] Le vice change-t-il de nature en passant par la bouche d'une Actrice ?
IL y a deux sortes de Parodies dramatiques, l’une où les Acteurs parlent tout simplement, & l’autre qui se chante : cette dernière, de beaucoup plus ancienne, appartient de droit au Spectacle moderne par sa nature & par son genre. […] Je remarque, en éffet, que toutes celles qui renferment du chant approchent le plus de la nature ; telles que Raton & Rosette, Bastien & Bastienne, &c. […] N’outrez point la nature, comme on fait ordinairement ; évitez le bisarre & le gigantesque.
La plus-part des Compositeurs, de la nouvelle musique sur-tout, observent-ils toujours ces règles judicieuses, puisées dans la Nature ? […] Rousseau a bien raison lorsqu’il parle de la forte(73) : « L’Auteur de la Lettre sur Omphale a déjà remarqué que les duo sont hors de la Nature ; car rien n’est moins naturel que de voir deux personnes se parler à la fois durant un certain tems, soit pour dire la même chose, soit pour se contredire, sans jamais s’écouter ni se répondre ». […] Mais si l’on peut parvenir à montrer que le duo & le trio approchent un peu de la Nature, il n’en est pas de même du quatuor & du quinqué ; ils sont presque toujours èxtravagans.
Du temps que l’on perd à la Comedie, et aux autres spectacles de même nature. […] Quand je dis ceci, je ne parle pas du pouvoir que les sens ont pour déterminer nôtre esprit dans les jugemens speculatifs qu’il prononce sur la nature de leurs objets, disant, C’est telle chose, c’est un arbre, c’est une pierre. […] Ce n’est nullement le monde de la nature, l’ouvrage de sa sagesse et de sa puissance.
Une de nos espèces d’Automates, sans aucun fonds propre, Dogmatistes, Formalistes, Compilateurs et Dissertateurs, qu’on nomme Savants, se sont arrogés le droit de donner des préceptes sur un Art qui n’a de loi que la nature : ils ont jeté les Auteurs dans un labyrinthe de règles embarrassantes et ridicules : ils leur ont mis des entraves jusqu’à la façon de rendre leurs idées ; continuellement resserrés et contraints dans la froide et pénible méthode, le but leur échappe : cette méthode, si étrangère aux passions, produit quantité de petites beautés de détail, mais qui ne sortant pas essentiellement du sujet, forment un ensemble de pièces de rapport, sans force, et incapable de causer de grandes émotions. […] Quel talent malheureux que celui de nous faire prendre intérêt aux crimes les plus atroces, et de nous faire courir à des monstres qui effrayent la nature ! […] Le sublime semble être sa nature ; la perfection de ses ouvrages dépend de lui ; la solitude, le travail exact, réfléchi, long et pénible, la combinaison qui arrange toutes les parties au profit de son objet, sont des secondes qualités qui sont toujours à la volonté du grand génie.
Le but de la satire est de corriger les mœurs quand elles sont mauvaises ; & je crois que pour les corriger, il suffit de les peindre d’après nature, sans les charger d’un ridicule que les hommes savent bien y attacher d’eux-mêmes. […] Je sens que je contredis ici les idées généralement adoptées touchant la nature de la Comédie ; c’est pourquoi je dois appuyer mon sentiment des raisons les plus solides. […] Le moyen le plus sûr pour y parvenir, est sans doute de leur prouver qu’ils ont tort d’être comme ils sont : la méthode la plus efficace pour faire cette preuve, est d’exposer d’après nature le vice avec ses suites funestes, & de laisser les Spectateurs les maîtres d’y ajouter le ridicule, s’ils en ont envie : j’ai donc eu raison d’établir qu’il est de l’essence de la Comédie de peindre les Mœurs d’après nature, & qu’elle s’éloigne de son but, lorsque ses traits tombent plutôt sur la maniere d’être des Mœurs, que sur le fond des Mœurs.
Rien en cela que de naturel : dira-t-on que quelques propos bizarres d’Alceste forment le fond du caractere du misanthrope, tels que ceux-ci : « J’ai un procès, je crois avoir raison, je voudrois pour la beauté du fait perdre ma cause… » & celui-ci, « Votre sonnet ne vaut rien, j’aime bien mieux la chanson, si le Roi m’avoit donné Paris sa grand’ville, &c.. » & cet autre, lorsqu’il est près d’être conduit chez les Maréchaux de France, pour l’injure qu’Oronte le faiseur du sonnet, prétendoit avoir reçue de lui : « Je n’en démordrai point, les vers sont exécrables ; » & plusieurs autres endroits de même nature que je pourrois citer ; croira-t-on, dis-je, que quelques petits ridicules prêtés à Alceste, soit dans ses manieres, soit dans ses paroles, donnent beaucoup d’éloignement pour son caractere ? […] Convenons donc qu’une Comédie, pour atteindre à son but, ne doit qu’exposer le vice d’après nature, sans le charger d’un ridicule qui ne serviroit qu’à en affoiblir l’horreur. […] Ainsi une Comédie pour être utile aux Mœurs, doit nous peindre le vice d’après nature, sans le charger de ridicule ; & si elle veut amuser en même-temps qu’instruire, elle le peut faire en joignant au portrait du vice qu’elle attaque, le portrait de quelques défauts ridicules, pourvu qu’ils naissent naturellement du sujet, & qu’ils soient placés de maniere à mettre encore plus en évidence le vice dominant de la piece. […] J’ai fait voir quelle est la nature & l’essence de la Comédie.
Telle dans ces jardins d’où l’œil au loin découvre, On voit dans le Printemps la Vénus de nos jours, Sous un berceau de myrthe assembler les Amours, Pour surprendre Zéphire au lever de l’aurore, Sur le sein d’une fleur, qu’il vient de faire éclore ; Les Grâces et les Ris accompagnent ses pas ; La fraîcheur du matin ajoute à ses appâts ; La Nature sourit en la voyant si belle, Et Zéphire la prend pour une fleur nouvelle ; Mais où court mon esprit ? […] Le soir chez mes amis devenu Parasite, J’entendrai Darnoncourt pénitent Sybarite, Regrettant les erreurs de sa belle saison, Peindre l’art de jouir en prêchant la Raison ; Et nouveau Sectateur des Lois de la Nature, Prétendre en fait d’amour, quoiqu’en dise Epicure ; Que l’instant qu’on oppose aux plus pressants désirs, Mûrit la jouissance, et triple les plaisirs. […] Je reverrai Claironk maîtresse de la Scène En longs habits de deuil sous les traits de Chimène Contre un cher ennemi, tendre objet de ses pleurs, Craindre de décider par ses vives douleurs La Justice d’un Roi qui l’aime, et qui balance, Ou Camille en fureur respirant la vengeance, Contre les jours d’un frère en ses criminels vœux Soulever la Nature, et l’Enfer, et les Cieux ; D’un laurier tout sanglant lui reprocher la gloire, Et le forcer enfin à souiller sa victoire. […] Mais tout change ; et je vois trompant leurs surveillants, A l’aide d’un Valet, intriguer deux amants ; Sous le masque des Ris, la fine Dangevilleq , Jouer d’après nature, et la Cour et la Ville ; Tantôt d’un jeune objet servant la passion, Ecarter un témoin qui n’est point de saison ; L’instant d’après, Coquette ou Bourgeoise à la mode, D’un mari tout uni faire un époux commode ; Ou lorgnant un Galant, retirée à l’écart, Pour lui rendre un poulet, minauder avec art ; Soubrette inimitable, adroite, gaie, unie, Pour la peindre en trois mots, rivale de Thalier, Cette immortelle Actrice est seule sans défauts ; Dumesnil a ses jours, et Grandvals des égaux ; Là, j’aperçois Gaussin t, cette charmante Actrice Déguisée en Agnès, d’un air simple et novice, Exprimer ses désirs par sa tendre langueur, Et peindre dans ses yeux les miracles du cœur ; Retrouver dans l’Oracle une mine enfantine, Ou du Comte d’Olban triompher dans Nanineu.
Nous avons assez vu, ce me semble, que cela ne peut être autrement, à cause des traces qui se font là sur leur cerveau ; et que selon les lois de la nature, leur âme doit toujours ensuite contempler les idées qui répondent à ces traces. […] Il me vient une pensée de l’accoutumer peu à peu à considérer les merveilles de la nature, de lui montrer tantôt comment l’œil est fait, tantôt comment 1’oreille est faite ; tantôt la fabrique du cœur, etc. […] Qu’on n’oublie pas de l’entretenir aussi quelquefois de la nature des parties qui composent le monde, et de l’ordre et des rapports qu’elles ont entre elles. […] Vous jugez bien, Eugène, que je ne prétends pas ici faire main basse sur tous les cabinets : il doit y en avoir où l’on voie les merveilles de l’Art et de la Nature ; et des Antiquités qui nous instruisent. […] C’est pourtant le langage du sens commun de dire, que c’est une espèce de frénésie d’aimer mieux employer mille pistoles en Tableaux que de donner un écu à un pauvre, qui est notre frère en Jésus-Christ, et de même nature que nous.
… Mais c’est apparemment-là, ma sœur, la voix de la nature, toujours plus forte que le raisonnement. […] Imitation de la nature dans le jeu de Théâtre. […] Celui & celle de tous les Acteurs & Actrices qui, durant le cours de l’année, auront le mieux rendu la nature, recevront un Prix. […] Les deux Prix & les Accessits seront de différente nature, fixés à des sommes règlées par l’Autorité publique, & proportionnés à la Recette annuelle. […] Ils seront moins Comédiens & plus Acteurs : ils peindront la nature.
Afin donc d’échapper à l’objection qu’on lui fait fondée sur l’autorité, il se jette dans un raisonnement tiré de la nature même de la chose, à ce qu’il tâche de croire. […] En effet la poésie étant un art, doit être utile par la qualité de sa nature et par la subordination essentielle que tout art doit avoir à la Politique, dont la fin générale est le bien public. […] Le seul rapport d’une chose avec la manière dont nous sommes sensibles, ne doit pas être une raison de nous y rendre ; il en faut examiner la nature. […] « Nature puissante brise la chaîne qui lie ensemble les parties de la machine ronde ; et fais-en un chaos pareil à celui qui est dans mon âme. […] Si « la Comédie doit être l’image fidèle de la nature », Essai du Poëm.
La meilleure musique, celle qui doit nous charmer davantage, est, selon moi, la musique Française ; c’est-à-dire, celle qui ne contient que des airs légers, & celle dont la noblesse & l’énergie nous frappe, & qui prend toujours la Nature pour guide. […] Il y a dans les œuvres de chaque Artiste une certaine simplicité, un certain rapport aux Ouvrages de la Nature, qui les mettent à la portée de tout le monde.
O n trouve ridicule l’attention de quelques Compositeurs à peindre par les Sons tout ce qui a du mouvement dans la Nature, ainsi que le ramage du Rossignol, le murmure d’un ruisseau, &c. […] Je répliquerai à mon tour, que puisqu’on permet à la musique instrumentale d’imiter des choses beaucoup plus difficiles pour elle que les éffets de la Nature, il me semble qu’il est tout simple de lui accorder aussi le privilège de peindre ce qui se rapporte particulièrement à son art.
Il opère un grand prodige de faire ce que la nature et la raison font avant lui ! […] » « J’observe que les Anciens tiraient volontiers leurs titres d’honneur des droits de la nature, et que nous ne tirons les nôtres que des droits du rang. […] La nature lui impose également l’exercice et le repos, le plaisir et la peine ; le dégoût du travail accable plus les malheureux que le travail même.
Les représentations théâtrales abstractivement considérées ne sont pas mauvaises, ou, si l’on veut, elles ne sont pas mauvaises de leur nature ou par elles-mêmes. […] Comment approuver ces sentiments dont la nature corrompue est si délicieusement et si dangereusement flattée, et qui sont animés d’une musique enchanteresse qui ne respire que la mollesse et la volupté ? […] Ce savant théologien dit : « Le spectacle n’étant point mauvais de sa nature, la profession des acteurs et des actrices, quoique généralement dangereuse pour le salut, ne doit pas être regardée comme une profession absolument mauvaise ». […] Vouloir réformer et réduire les spectacles, contre leur nature, aux règles sévères de l’honnêteté et de la vertu, ce serait les anéantir et rendre le théâtre désert. […] Mais, dira-t-on, la corruption des mœurs a été de tous les temps, la nature humaine est toujours la même ; d’ailleurs l’histoire le prouve sans réplique.
P Lus je songe à l’établissement de notre République imaginaire, plus il me semble que nous lui avons prescrit des loix utiles & appropriées à la nature de l’homme. […] Cette idée est abstraite, absolue, unique & indépendante du nombre d’éxemplaires de cette chose qui peuvent exister dans la Nature. […] Premierement le modèle ou l’idée originale qui existe dans l’entendement de l’Architecte, dans la Nature, ou tout au moins dans son Auteur avec toutes les idées possibles dont il est la source : en second lieu, le Palais de l’Architecte, qui est l’image de ce modèle ; & enfin le Palais du Peintre, qui est l’image de celui de l’Architecte. […] Ces deux derniers arts dépendent manifestement du premier, & il n’y a rien d’imitable dans la nature à quoi l’on ne puisse appliquer les mêmes distinctions. […] Ainsi l’art d’imiter, vil par sa nature & par la faculté de l’ame sur laquelle il agit, ne peut que l’être encore par ses productions, du moins quant au sens matériel qui nous fait juger des tableaux du Peintre.
Mais icy il ne s’agit que de soy-mesme : Vous paroissez tel que vous estes, & tous vos pas & toutes vos actions sont tributaires aux yeux des Spectateurs, & leur exposent & le bien & le mal, dont l’Art & la Nature ont favorisé ou disgracié vostre personne. […] Comme cette affeterie dont ie parle, n’est qu’vne espece d’air & de tour que l’on donne à ce que l’on fait ; c’est une violence à la nature, & un desordre d’intention, quand elle passe plus outre ; & loing de rendre la Danse gracieuse, elle la rend grimaciere & contrefaite.