Or c’est lui en donner, que d’aller dans un lieu où il y a autant de démons que d’hommes, « Tot illic Spiritus immundi, considunt, quot homines capit. »Tract. de Spec.
Ils permettaient que des hommes représentant des diables et toutes les divinités du paganisme, dansant et gesticulant d’une manière scandaleuse, fissent partie inhérente de processions du saint-sacrement.
Cependant le clergé de France n’y trouvait pas de scandale sans doute, puisqu’il n’a point lancé des anathèmes contre un de ses membres qu’il ne trouvait pas coupable ; et il voudrait encore aujourd’hui frapper des hommes qui n’exercent la profession de comédien que par la volonté du prince, et en vertu des arrêts de nos parlements !
Les Spectateurs ne la demanderont jamais : ils sont persuadés, surtout à Paris, que la Scène n’a plus rien de contraire aux bonnes mœurs, ni à la saine morale, depuis qu’on en a retranché et qu’on n’y souffre plus les grossièretés ; et la plus commune opinion des hommes est que, parmi les amusements qui sont permis ou tolérés, celui du Théâtre doit être regardé comme le plus innocent.
La Poësie ranime en quelque sorte les grands hommes ; cette belle magicienne, par le prestige & les enchantemens, nous force à voir & à croire des choses passées, ou qui ne sont que vraisemblables.
La plaie que les théâtres ont faite à la France n’est point encore fermée ; elle s’entretient et s’agrandit chaque jour par les leçons d’indépendance et d’insubordination qu’y reçoivent des hommes qui ne sont déjà que trop disposés à secouer le joug de l’obéissance.
Les phrases les plus artificieuses ramènent difficilement, et ne ramènent que dans l’ombre, les bouffonneries que des millions d’hommes prennent en dégout.
Dans cette solennité, les prêtres permettent que les diables et que toutes les divinités du paganisme fassent partie inhérente de la procession, et que le saint sacrement, objet de la vénération et de la piété des vrais chrétiens, soit porté dans cet assemblage, dans cette réunion d’hommes masqués, déguisés en personnages les plus sacrilèges et les plus réprouvés par notre législation ecclésiastique. […] Elle a neuf à dix pieds d’élévation, elle est portée par un homme qui s’y met dedans, et qui fait saluer S. […] Le concile tenu in trullo, (à Constantinople) l’an 692, porte, dans son soixante-deuxième canon, que les danses publiques de femmes, les déguisements d’hommes, l’usage des masques comiques, satiriques ou tragiques, sont défendus ; Et tous ces déguisements, ces masques horribles de tête de bœuf, de tête de lion, de tête de diables, reçoivent l’eau bénite, de l’église de S. […] Mais comme ces pères virent que les mieux sensés l’avaient blâmée hautement, ils en demeurèrent là, et se contentant de l’impunité dont ils ont joui dans toutes leurs entreprises, ils cessèrent pour cette fois de faire servir les plus grands mystères de notre religion au divertissement des hommes. » Que les jésuites aient osé par une procession aussi scandaleuse insulter à leurs adversaires, et profaner l’image de S. […] On voit d’abord paraître un homme à cheval ; derrière lui est assise en croupe une fille choisie entre les plus belles de la ville, pour représenter Sainte Gertrude.
Elle le verra, non plus dans les hommes à qui le monde permet tout, mais dans une fille qu’on montre comme modeste, comme pudique, comme vertueuse ; en un mot dans une héroïne : et cet aveu dont on rougit dans le secret, est jugé digne d’être révélé au public, et d’emporter comme une nouvelle merveille l’applaudissement de tout le théâtre.
Ces avanies, je le répète, affligent tous les hommes sensés, mettent la désolation dans les familles, produisent le mécontentement général, et causent parmi le peuple, des attroupements toujours dangereux.
Nous étions assez occupés à ramener les Hérétiques, à détruire leurs erreurs et leurs préventions, à corriger les vices et les faiblesses ordinaires des hommes.
Reste donc à examiner si ces sortes de divertissements sont licites, et s’ils ne sont point accompagnés de circonstances et défauts qui les rendent illicites et condamnables ; et pour cet effet considérons-les, et les regardons dans l’esprit, et selon la règle des plus saints hommes qui nous aient précédés.
Lorsque je commençais, il y a plus de quarante ans, à étudier sérieusement le Théâtre, je trouvais d’abord, dans les Anciens et dans leurs Commentateurs, des règles qui choquèrent ma raison ; je fis bien des réflexions en conséquence ; mais, ne me fiant pas à moi-même et craignant de me tromper, je soumis mes lumières à la grande autorité de ces hommes qui, pendant plusieurs siècles, nous ont servi de guide, et je n’osais même communiquer mes doutes à personne.
C’étoient alors des bandes séparées, parce qu’il n’y avoit que des hommes qui montassent sur le théatre. […] Les hommes y étoient séparés des femmes, &c. […] Si elle est un mal, pourquoi y souffrir les hommes ?
On ignore dans quel tems cet aimable Spectacle commença de récréer les hommes.
D’où viennent ces combats à la Lutte, où s’exercent des hommes nus et frottés d’huile dans les Maremme en Toscane ; ces autres combats, connus à Pise, où les combattants, pour toute arme, ont la tête couverte d’un casque de fer et tiennent à la main droite un bouclier du même métal ; comme les combats à coups de poings sont en usage à Venise, et ceux del Calcio j à Florence ?
Les Theatres toutefois tenoient trop au cœur des Romains, pour estre ruïnez par la severité d’un seul homme : s’ils estoient mobiles & destruits immediatement apres les Ieux, ils estoient soigneusement reparez à chaque occasion ;Tac. […] Ce grand homme que Tertulien mesme éleve encor au dessus de son TheatreTert. l. de Spec. c. 11.