Nos esprits forts (p. 28. […] ) quand l’un & l’autre vous tenez en suspens tous nos esprits ? […] ne peuvent s’empêcher de déduire ouvertement ou tacitement tous esprits bons ou mauvais. […] ) Un esprit véritablement fort, est un esprit éclairé par la lumière supérieure, & qui connoît la vérité par des principes certains. […] plutôt une erreur de mon esprit que de mon cœur !
L’esprit de notre Religion est directement opposé à celui de la Tragédie. […] L’amour et les charmes d’une jeune épouse chèrement aimée, ne font aucune impression sur l’esprit de Polyeucte. […] C’est peut-être par là que les Athéniens devinrent si susceptibles des impressions de la peur ; et que cet esprit d’épouvante inspiré au Théâtre avec tant d’art, ne devint que trop naturel dans les Armées. […] Notre crainte n’est le plus souvent qu’une agréable inquiétude qui subsiste dans la suspension des esprits ; c’est un cher intérêt que prend notre âme aux sujets qui attirent son affection. […] Il y a dans cette sorte d’admiration quelque ravissement pour l’esprit ; le courage y est élevé, l’âme y est touchée.
Mais qui ne voit en même temps que rien ne peut être plus impie et plus injurieux à Dieu que de le faire parler et agir sous la forme et le nom de Jupiter qui est un personnage réel qui ne peut ramener à l’esprit que des idées les plus infâmes et les plus honteuses. On sait qu’il est permis dans le discours d’animer les vertus et les vices, et de donner un corps, une âme, un esprit, un visage, aux choses qui n’en ont point. […] « Pour comble de misère, un tas de faux Docteurs Vint flatter les péchés de discours imposteurs, Infectant les Esprits d’exécrables maximes, Voulut faire à Dieu même autoriser les crimes. […] Le mot d’Empire par lequel vous exprimez la conduite future de votre Archevêque, fait voir que vous n’êtes guère accoutumés au langage ni de l’Ecriture ni de l’Eglise, n’y ayant rien dans l’une et dans l’autre qui soit davantage condamné dans un Evêque, que cet Esprit de domination et d’Empire avec lequel il voudrait gouverner les âmes que Jésus Christ a mises en liberté.
je ne vois pas, Monsieura, que vous ayez aucun sujet de vous plaindre de moi, pour avoir écrit que je ne pouvais juger à la hâte d’ouvrages comme les vôtres, et surtout à l’égard de la question que vous entamez sur la Tragédie et sur la Comédie, que je vous ai avoué néanmoins que vous traitiez avec beaucoup d’esprit. […] Du reste, vous y avancez une maxime qui n’est pas, ce me semble, soutenable ; c’est à savoir, qu’une chose qui peut produire quelquefois de mauvais effets dans des esprits vicieux, quoique non vicieuse d’elle-même, doit être absolument défendue, quoiqu’elle puisse d’ailleurs servir au délassement et à l’instruction des hommes. Si cela est, il ne sera plus permis de peindre dans les Eglises des Vierge Marie, ni des Suzanne, ni des Madeleine agréables de visage ; puisqu’il peut fort bien arriver que leur aspect excite la concupiscence d’un esprit corrompu. […] Je soutiens que l’amour exprimé chastement dans cette Poésie, non seulement n’inspire point l’amour, mais peut beaucoup contribuer à guérir de l’amour les esprits bien faits, pourvu qu’on n’y répande point d’images ni de sentiments voluptueux.
L’attrait qui porte les deux sexes à s’unir l’un à l’autre, depuis la dégradation de l’homme, a dégénéré en une révolte des sens contre l’esprit ; il est si inséparable de notre être, que la sagesse ne consiste pas à n’en point ressentir l’impression, mais à l’assujettir à la retenue qu’exige le devoir. […] « Le comte de Bussy, cet ingénieux courtisan, nous dit que la passion de l’amour est la plus dangereuse de toutes les faiblesses, et qu’on revient plus aisément des sottises de l’esprit que de celles du cœur : en effet, le cœur s’attache, au lieu que l’esprit ne s’occupe point toujours des mêmes idées. Il réfléchit, et peut apercevoir ses extravagances : mais, lorsque le cœur est enflammé par l’enchantement des sens, la raison ne tarde pas à être séduite, et l’esprit trouve son poison dans ce qui charme le cœur.
Quelle nécessité y avait-il en effet de faire un précepte pour des choses qui étaient si visiblement indignes du nom chrétien, si contradictoirement opposées à l’esprit et aux maximes du christianisme ? […] Ils ne les défendent pas en particulier quelque part, parce qu’ils les condamnent partout : car que signifie autre chose tout ce que l’Evangile et l’Ecriture sainte nous disent de la pureté du cœur, qui est la base de la vie chrétienne, tout ce qu’ils nous disent de la mortification des sens, de la légèreté de l’esprit, de la faiblesse de la chair, de la force des passions, de la malice et des ruses du tentateur, du danger de s’exposer aux moindres occasions d’être tenté ; tout ce qu’ils nous disent de l’attention et de la vigilance sur les désirs, de la modération des plaisirs, de la perversité des maximes et des joies mondainesbq ? […] Il est aisé de concevoir que tout ce que saint Paul propose ici à un chrétien ne peut en aucune manière s’allier avec la fréquentation des spectacles, et que les principes qu’il pose ne doivent qu’inspirer du dégoût et du mépris pour des divertissements si contraires à l’esprit évangélique qui est un esprit de pénitence, de mortification et d’abnégation de soi-même.
Quand la critique ne roule que sur l’art ou sur l’esprit d’un Auteur, il est juste de la modifier ; mais quand elle regarde les mœurs, je crois qu’on ne saurait trop tôt se taire ; j’ai loué Molière autrefois en parlant de cette Pièce16, et je conviens qu’il mérite toute sorte de louange par rapport au génie et à l’art qu’il y a mis ; mais pour ce qui regarde les mœurs, loin de l’approuver je suis au contraire persuadé que ses plus grands partisans (parmi lesquels j’ose me compter, d’autant plus que je l’ai étudié à fond) je suis persuadé, dis-je, que ses plus grands partisans pensent comme moi de l’Ecole des Maris, et la banniraient, comme je fais, du Théâtre de la réforme. L’ECOLE DES FEMMES, Cette Comédie est le contrepied de la précédente : dans l’Ecole des Maris c’est l’esprit qui sert la passion, et dans l’Ecole des Femmes c’est la passion qui donne de l’esprit : l’une et l’autre de ces Pièces semblent être imaginées tout exprès pour gâter le cœur et pervertir l’innocence de la jeunesse la mieux élevée ; les filles d’esprit et les innocentes y trouvent également des leçons très dangereuses sur un point qui ne devrait jamais être traité devant les jeunes gens, et moins encore sur le Théâtre que partout ailleurs.
Ce n’est point l’esprit de ceux qui sont appellés à une vie céleste, de ceux dont les noms sont déja écrits dans cette éternelle Cité, et qui font profession d’une milice toute spirituelle ; mais c’est l’esprit de ceux qui combattent sous les enseignes du démon. […] D’où vient cela, sinon d’une étrange maladie d’esprit ? […] Il se trouvait accablé sous le poids d’une Charge qui l’engageait, quoique par un esprit de charité, à se mêler d’une infinité de soins exterieurs. […] Je ne crois pas que cette pensée lui soit venue dans l’esprit. […] L’homme n’est pas seulement corps, il est encore esprit.
L’Esprit de pénitence qui paraît dans l’Evangile, ne fait-il pas peur à ces esprits enjoués qui animent la Comédie ? […] l’Esprit de Dieu avec le Démon de la Comédie ? […] Jérôme que pour faire voir qu’il avait l’esprit inégal, vous n’avez cité S. […] Il attribue au Saint Esprit tous les égarements de son imagination. […] [NDE] Citation de la préface des Délices de l’Esprit.
Je dirai que je me suis étonné cent fois, comment ces grands Poètes, ces illustres Auteurs de toutes les Comédies de ce temps, ne se sont point fait de scrupule de consumer leur vie et leur esprit à composer des ouvrages pour l’entretien du Théâtre, que l’Eglise et les Pères ont si fort condamné dans tous les temps. Est-il possible, disais-je en moi-même, que des personnes si spirituelles, si sages, qui ont mené un extérieur si Chrétien, ne fassent jamais de réflexion sur ce que toute l’application de leur esprit ne tend qu’à fournir de la matière à des spectacles, auxquels ceux qui sont nos guides dans la Religion nous assurent qu’il n’est pas permis à des Chrétiens de se trouver ? J’admirais ce prodigieux aveuglement dans des personnes d’ailleurs si éclairées, et je le regardais comme un triste exemple de la vanité de l’homme, lequel pour se faire un nom dans le monde pour se donner la réputation d’homme d’esprit, s’applique à des choses qu’il n’est permis ni de voir, ni de lire, au moins selon les Pères auxquels je m’en rapporte, et auxquels je crois que nous sommes obligés de nous en rapporter. […] La lecture des Romans et de la Comédie fait le même effet sur les esprits et sur les cœurs : Mais la Comédie a cela de plus, que comme elle est faite pour la représentation, la lecture en est encore plus dangereuse, parce qu’en lisant on s’imagine voir et entendre les Acteurs ; et ainsi la lecture même tient quelque chose de la force de la représentation. […] Ce sont des gens qui dans leurs cabinets épuisent leur esprit, leur imagination et leur art pour composer des poisons les plus subtils, afin d’empoisonner finement les âmes de tous les hommes et de toutes les femmes.
Monsieur, un homme d’esprit comme vous, fait-il cette question ? ou s’il l’a pu faire, est-ce comme homme d’un bon esprit qu’il l’a fait ? […] L’attention qu’il donne à la Scene passe de l’esprit au cœur. […] Le propre de celui-ci est d’égayer l’esprit seulement. […] J’ai ri, mon esprit goûtoit un moment de récréation ; mon cœur étoit sans sentiment.
Non seulement la Comédie et les Romans rendent l'esprit mal disposé pour toutes les actions de religion et de piété; mais ils le dégoûtent en quelque manière de toutes les actions sérieuses et ordinaires. Comme on n'y représente que des galanteries ou des aventures extraordinaires, et que les discours de ceux qui y parlent sont assez éloignés de ceux dont on use dans les affaires sérieuses; on y prend insensiblement une disposition d'esprit toute romanesque, on se remplit la tête de héros et d'héroïnes ; et les femmes principalement y voyant les adorations qu'on y rend à celles de leur sexe, dont elles voient l'image et la pratique dans les compagnies de divertissement, où de jeunes gens leur débitent ce qu'ils ont appris dans les Romans, et les traitent en Nymphes et Déesses, s'impriment tellement dans la fantaisie cette sorte de vie, que les petites affaires de leur ménage leur deviennent insupportables; et quand elles reviennent dans leurs maisons avec cet esprit évaporé et tout plein de ces folies, elles y trouvent tout désagréable, et surtout leurs maris qui, étant occupés de leurs affaires ne sont pas toujours en humeur de leur rendre ces complaisances ridicules, qu'on rend aux femmes dans les Comédies, dans les Romans et dans la vie romanesque.
Non seulement la Comédie et les Romans rendent l'esprit mal disposé pour toutes les actions de Religion et de piété, mais ils le dégoûtent en quelque manière de toutes les actions sérieuses et communes. Comme on n'y représente que des galanteries ou des aventures extraordinaires, et que les discours de ceux qui y parlent sont assez éloignés de ceux dont on use dans la vie commune;on y prend insensiblement une disposition d'esprit toute de Roman; on se remplit la tête de Héros et d'Héroïnes ; et les femmes principalement prenant plaisir aux adorations qu'on y rend à celles de leur sexe, dont elles voient l'image et la pratique dans les compagnies de divertissement, où de jeunes gens leur débitent ce qu'ils ont appris des Romans, et les traitent en Nymphes et Déesses, s'impriment tellement dans la fantaisie cette sorte de vie, que les petites affaires de leur ménage leur deviennent insupportables. Et quand elles reviennent dans leurs maisons avec cet esprit évaporé et tout plein de ces folies, elles y trouvent tout désagréable, et surtout leurs maris qui, étant occupés de leurs affaires, ne sont pas toujours en humeur de leur rendre ces complaisances ridicules, qu'on rend aux femmes dans les Comédies et dans les Romans.
Ceux qui se livrent aux travaux de l’esprit ont besoin de relâcher la tension de leurs facultés intellectuelles ; mais, pour se dissiper, ils n’ont nullement besoin de se distraire par des lectures ou des spectacles qui absorbent leur attention. […] Parmi tous les plaisirs du monde qui concourent à produire cet effet pernicieux, on doit ranger en première ligne les spectacles et les romans, car il n’y a rien de plus opposé à la vérité que ces productions futiles ; et l’esprit de Dieu étant un esprit de vérité, rejette tout ce qui tient aux vanités du monde. […] Or, ceux qui fréquentent les spectacles doivent confesser, s’il leur reste quelque étincelle de piété, que leur tendance est d’amortir et d’assoupir bientôt entièrement l’esprit de dévotion religieuse. […] Ils ont une forte tendance à corrompre et à vicier l’esprit par des plaisanteries immorales, ou en donnant des idées fausses sur l’amour, l’honneur et tout ce qui a rapport à la conduite de la vie. […] Tout genre de vie qui contribue à obscurcir les lumières de l’esprit, à donner un emploi faux et une direction vicieuse à notre intelligence, à ne nous meubler la tête que de pensées frivoles, à allumer l’incendie de nos passions, à élever, en un mot, une barrière entre nous et l’esprit de Dieu, est dans tous les cas une cause certaine et une voie sûre de destruction, soit qu’il faille l’attribuer à une sensualité stupide, à une ignorance grossière, ou au coupable raffinement de nos plaisirs.
Ne dites point avec saint Augustin, qui amat periculum, in illo peribit : car ce danger ne peut rien sur un homme sensé, qui, débarrassé du joug des passions, porte au spectacle un esprit vertueux ; souvenez-vous enfin, Qu’à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. […] & pouviez-vous penser que votre décision, sur une matière que vous ne connoissez pas, pourroit faire quelqu’impression sur les esprits sensés ? […] Premièrement, le jugement de ce philosophe, si cher à ces esprits dissous dans la volupté, me paroît ici un peu suspect. Bayle pouvoit juger d’un ouvrage d’esprit, ou d’une dissertation physique ; mais c’étoit à nos directeurs à nous apprendre le changement des mœurs. […] Cependant j’ai peine à croire que les Pères de l’Eglise, qui condamnèrent les Troubadours, les Jongleurs, & les pièces indécentes que représentoient ces grossiers personnages, proscrivissent si sévérement, s’ils vivoient de nos jours, ces chefs-d’œuvre du dernier siècle, où triomphent la décence, l’esprit & le sentiment.
circonstance qui prouve ce que j’ai avancé : car outre qu’à cet âge l’imagination est vive, l’esprit dissipé, le cœur volage, les sens ouverts & subtils, dispositions fatales, & propres à donner entré au peché, c’est qu’on est sans experience, sans crainte, sans défiance, sans preservatifs ; faute d’experience tout plaît, tout touche, toute attache : faute de crainte on ne sçait ce que c’est que de se menager, que de s’arrêter a propos, que de reculer ; on envisage avec joye le precipice, où l’on va se perdre, on cherche même a se perdre : faute de défiance loin de tenir sur ses gardes, & de se mettre en disposition de repousser l’ennemi du salut, on se dépouille (si j’ose parler de la sorte) de ses armes, & sent-on la tentation, on est hors d’état de se defendre. […] … Mon âge, me répondez vous, mon rang, ma dignité m’obligent d’avoir une retenué, & une gravité qui me met à couvert de ces defauts ; oüi, mais le cœur est-il immobile, & insensible, & l’esprit est-il dans sa situation ordinaire ? […] en bonne foi, si vous n’aviez jamais vû cela, que diriez-vous la premiere fois que vous le verriez, ne diriez-vous pas, que ces personnes ont perdu l’esprit où n’en ont jamais eu ? […] Ils voyent un spectacle, qui flate les sens, qui remplit leur esprit de vanité, qui amollit leur cœur par le son des instrumens. […] Dites aux personnes mondaines, que le bal est defendu, parce qu’il est presque toûjours l’écueil de l’innocence, le tombeau de la pudeur, le theatre de toutes les vanitez mondaines, & le triomphe de toutes les passions : que c’est un assemblage de tous les dangers du salut : que tout y est écueil, que tout y est poison : danses, instrumens, objets, entretiens, assemblées ; que tout y concourt à étouffer les sentimens de pieté, à seduire & l’esprit, & le cœur : que rien n’est plus opposé que le bal à l’esprit du christianisme : avec quel mépris serez-vous écouté ?
Y a-t-il une Ecole d'athéisme plus ouverte que le Festin de Pierre, où après avoir fait dire toutes les impiétés les plus horribles à un athée, qui a beaucoup d'esprit, l'Auteur confie la cause de Dieu à un valet, à qui il fait dire, pour la soutenir, toutes les impertinences du monde ; Et il prétend justifier à la fin sa Comédie si pleine de blasphèmes, à la faveur d'une fusée, qu'il fait le ministre ridicule de la vengeance divine; même pour mieux accompagner la forte impression d'horreur qu'un foudroiement si fidèlement représenté doit faire dans les esprits des spectateurs, il fait dire en même temps au valet toutes les sottises imaginables sur cette aventure. […] condamne toute sorte de concupiscence et de volupté ; que l'esprit de l'homme n'est pas assez insensible pour n'être pas agitéChap. 15. […] nous éloigne de Dieu et de l'esprit chrétien ; qu'en l'état même le plus honnête où on la puisse mettre,Chap. 27. […] Il dit que ce plaisir vient d'une étrange maladie d'esprit, et qu'on est d'autant plus touché de ces aventures Poétiques, qu'on est moins guéri de ses passions.