Il ne monte pas sur un théâtre étaler son crime, il n’invite pas tout le monde à venir en être le témoin ; ses voisins, ses amis en sont instruits, ordinairement le reste du public l’ignore. […] C’est même une sorte de notoriété de droit : un état public toléré par le Magistrat, objet de l’inspection de la police, exercé journellement sous ses yeux, équivaut à des sentences et des dénonciations juridiques : l’acceptation du Magistrat le dénonce pour Comédien, la note d’infamie imprimée par la loi sur la profession et sur ceux qui l’exercent, est une dénonciation du crime. […] Si en donnant ou en recevant, on est censé approuver, favoriser, entretenir le crime, y participer, cela n’est jamais permis. […] Mais faire ou recevoir des aumônes, des présents d’amitié ou de parenté, des salaires d’ouvrier ou de domestique, sans aucun rapport au théâtre, tout cela n’est pas plus défendu aux Comédiens qu’à tout autre, quelque excommuniés, quelque pécheurs publics qu’ils soient ; on ne donne aucun scandale, on ne participe point à leur crime. […] Il ne peut y avoir de difficulté que sur le gain du théâtre, sa portion aux représentations, sa portion comme Acteur, etc., c’est le fruit du crime, c’est un bien mal acquis, dont il ne doit pas disposer, qu’on ne peut ni lui donner ni recevoir de lui.
Quelque temps après, condamné par ses crimes, il périt par la main du bourreau. […] Je détruirai tout, femmes mondaines, brillantes actrices, le feuillage de vos parures, les délices de vos crimes, l’ivresse de la volupté, je vous dépouillerai de tout sans pitié. […] Célibataire dans le mariage, on se dédommage par le crime du plaisir légitime qu’on s’interdit. […] C’est un grand crime de courir après l’étrangere ; c’est une chose honteuse de se perdre avec la sienne. […] Ils repaturent bientôt après lui dans cette Cour effeminée, & sous leur savante main on ne fit qu’y rouler de crime en crime, jusqu’à ce que Mahomet Il y acheva de détruire l’empire, avec la religion Chrétienne, dont le luxe avoit si fort ébranlé les fondemens.
Le gouvernement fût-il plus indulgent encore, les loix de la conscience ne sont ni moins sévères ni moins certaines ; on a quelquefois toléré le duel, l’usure, le divorce, les femmes publiques, sont-ce moins des crimes ? […] Voilà donc leur crime. […] C’est donc un crime à un Chrétien de ne pas aimer le monde, d’en connoître la vanité ! […] Le théatre n’est pas responsable de tous les crimes. […] Ce sera le moyen de les rendre saints ; l’infamie portée contr’eux les désole, ils se livrent au crime par désespoir.
On voyoit cet affreux mélange de malheurs & de crimes dans la Provence. La dépravation n’y fut jamais plus grande que pendant la peste, au lieu de la craindre, on alloit la chercher par le crime, avec les femmes pestiférées, & on se donnoit par le même coup une double mort, du corps & de l’ame, jusques dans les hôpitaux des pestiférés, les femmes mourantes n’étoient pas en sureté dans leur lit ; les hommes ne l’étoient pas davantage, il venoit des femmes de la ville leur offrir le crime, & les malades entr’eux ayant la mort dans le sein, se portoient & recevoient de nouveaux coups.
Quand Paris qui te hait, sans rappeler tes crimes, En nommant tes amants peut compter tes victimes ? […] J’y verrai Dumesnili , ou plutôt Melpomènej, Attirant tout Paris sur la tragique Scène, D’une Amante offensée imitant les fureurs, De sa haine étonner, ou remplir tous les cœurs ; Quelquefois immolant d’innocentes victimes, De Médée à nos yeux retracer tous les crimes. […] Successeur de Dufresnel ; héritier séduisant De son rare talent ; toi qui représentant Les vertus des héros, leurs crimes, leur faiblesse, Au jeu le plus brillant joins l’âme et la noblesse, Lekainm , que tu me plais, quand maître de mes sens Tu me fais éprouver tout ce que tu ressens !
Voudrait-on dire que la Cour et la Ville furent plus réglées, et qu’il se fit moins de crimes sous Henry III. lorsqu’il eût appelé les Comédiens, et qu’il les eût établi à Paris ? […] Les plus grands Prélats depuis Constantin jusqu’à Justinien n’ont pas fait un crime aux Empereurs de n’avoir pas aboli tous les Théâtres. […] C’est à eux, dites-vous, à voir à quel dessein ils viennent là, pour moi je ne songe qu’à me laver et à me rafraîchir : Mais c’est une mauvaise défense que cela, et qui n’excuse pas votre crime et votre effronterie.
Vouloient-ils inspirer l’horreur du crime ? […] Le crime y étant puni, je le détesterai pour lui-même et; pour ses effets. […] Ses crimes ne se changent en vertus que dans sa bouche. […] Assurément le prix de ses crimes n’encouragera personne à l’imiter. […] Mais enfin le goût du vin n’est pas un crime, il en fait rarement commettre (rarement !
car les Mimes exposent un adultère, ou le montrent aux yeux ; et ces Histrions efféminés inspirent l'amour qu'ils représentent, et se revêtant de l'image de vos Dieux, ils font honneur au crime qu'ils leur imputent ; et vous font pleurer par des mouvements de tête, et les gestes qu'ils emploient pour exprimer une douleur imaginaire. » Où nous ne voyons pas une parole qui concerne le Poème Dramatique. […] des plus rigides en ces occasions, mais il parle seulement contre les assemblées du Théâtre, où l'on introduisait des troupes de femmes débauchées, et des sujets d'autres crimes, qui faisaient horreur à la nature, des Danseurs et des Mimes qu'il appelle tous infâmesHom. 8. de pœnit.
Les Acteurs y sont quelquefois si scandaleux et si expressifs, qu’il n’est pas aisé de mettre de la différence entre le crime et la représentation du crime. […] Veut-il être excité au crime et s’y livrer ? […] Sa vengeance la plus redoutable est de laisser à présent le crime impuni. […] Des leçons du crime leur seraient-elles un amusement agréable ? […] Le crime ferait-il pour nous l’essence du plaisir ?
Ce phantôme, pour obtenir un autre phantôme, a eu des aventures, tenu des discours, formé des intrigues, commis des crimes, qui n’ont pas plus de réalité ; il a combattu des ennemis & des rivaux imaginaires, a été applaudi par un Prince, par un peuple aussi chimériques. […] De là la résistance aux parens, les intrigues, les crimes qui y conduisent. […] Ne nous moquons point tant de ce fameux Chevalier errant, il n’a que trop d’imitateurs ; tout ce qu’on voit avec plaisir s’imprime dans un cœur sensible, se retrace dans une imagination vive ; elle est enchantée de ces bosquets délicieux, de ces palais superbes, de ces beautés divines ; on entend ces discours doucereux, on sent ces transports, tout devient théatral & romanesque ; il n’y a de bien & de trop réel que les égaremens de l’esprit & les crimes du cœur. […] Le mensonge théatral est même honteux & odieux : on se montre coupable des plus grands crimes, & capable des plus affreux sentimens : on se charge à faux, aux yeux du public, de ce qu’on rougiroit d’entendre & de faire en particulier, dont on ne voudroit pas être soupçonné : on se dit fripon, perfide, meurtrier, adultère.
Tel fut le crime du chef inimitable des Auteurs & des Acteurs comiques, Moliere, aussi grand par l’art que par la nature, mais aussi vicieux par tous les deux, nuit autant qu’il excelle ; car le meilleur maître, s’il enseigne le mal, est le pire de tous les maîtres. […] Enfin ceux qui emploient la bouffonnerie pour faire rire le peuple, oublient que dans une ville bien policée on ne peut sans crime donner aucun spectacle qui de soit la censure du vice ou l’éloge de la vertu. […] C’est le double crime du ces productions empoisonnées : trois vices qu’elles font naître, comme les trois têtes de Cerbère, la témérité, la paresse, la débauche, avec l’art de séduire les autres. […] Mais on ne s’est point apperçu de ces mauvais effets, on en revient aussi innocent, on se sait même bon gré de la diversion qu’il a faite à d’autres crimes. […] On vient par degrés aux derniers crimes ; l’objet plaît d’abord, la tentation suit de près, le feu de la passion s’allume, on pense au crime, on le désire, on le commet : Primò placent in commissis alienæ fœditates, sentiuntur stimuli, scintilla suscitatur, ignis accenditur, scelus cogitatur, appetitur, committitur.
C'est un mélange continuel d'impiété et de religion : ce ne sont point les Idoles des Païens, contre lesquelles Corneille faisait vomir des blasphèmes, ce qui dans la bouche de leurs adorateurs était pourtant un crime, mais qu'on disait, pour l'excuser, être sans conséquence pour des Chrétiens (ce que je n'examine pas ici), c'est le vrai Dieu, contre lequel on versifie de sang froid et l'on fait prononcer des horreurs. […] Aussi Commenge, instruit par ses leçons, s'écrie dans son désespoir : « Le ciel t'a rejeté, l'enfer te dévore. » Voilà la réprobation consommée : Adelaïde parle sur le même ton, sa doctrine n'est pas plus saine : « J'étais au crime destinée. […] les feux de l'enfer n'expient aucun crime, les feux de la passion, qui sont des péchés, expient-ils le péché ? […] Le crime plaît aux yeux et au cœur. […] La vue des monstres ne les fait pas aimer, l'image du crime le fait goûter.
O crime ! […] Elle confirme donc tout ce que j’ai avancé sur la Tragédie, & en même-tems ce que j’ai dit sur son utilité, puisque ne pouvant jamais inspirer que l’horreur du crime & l’amour de la vertu, elle peut être lûe sans aucune crainte par un homme même qui penseroit comme Socrate [p. 75.]
D’où il s’ensuit que selon cette moelleuse Théologie, il n’est pas certain qu’un Chrétien qui aurait vécu 80. ans et qui aurait commis beaucoup de crimes pendant cette longue vie, ne fût pas sauvé sans avoir jamais aimé Dieu de cet amour qui nous est commandé par ce précepte, « Diliges Dominum Deum tuum ex toto corde tuo », dont Jésus Christ, dit, « Hoc est maximum et primum mandatum », parce qu’il n’aura point manqué de Confesseur à qui il aurait confessé tous ses péchés par la crainte d’être damné, quand il aura eu besoin de se réconcilier avec Dieu. […] Car ils pourront sans scrupule absoudre toujours ceux dont la vie est une vicissitude continuelle de Confessions et de crimes, si on s’en tient, comme fait votre M.
Le Ciel irrité par nos crimes, a livré toutes les nations à la fureur des combats, & elles exécutent les unes sur les autres l’arrêt de mort que la justice divine a prononcé contre elles. […] La curiosité y voit ce qui ne devroit estre jamais vû, & dont très-souvent la seule vûë est un crime, quæ vel vidisse crimen est :1. […] Ils n’approuvent point la tragedie, parce, disent-ils, que le crime y est trop bien représenté. […] On n’y voyoit pas non plus aucune injustice grossiére, puisque les hommes qu’on y faisoit devorer par les bêtes farouches, estoient tous, si vous en exceptez les Chrétiens, des malheureux déja condamnez pour leurs crimes. […] Ce riche péche, en donnant aux Comediens l’argent dû à ses créanciers & aux pauvres ; & c’est ce que saint Augustin appelle un crime énorme, donare res suas histrionibus vitium immane.
Quelle morale, que celle qui présente si souvent aux yeux des spectateurs des monstres impunis et des crimes heureux ? […] Peut-on mieux nous instruire à la vertu, qu’en nous montrant d’un côté les succès du crime, et en nous faisant envier de l’autre le sort de la vertu malheureuse ? […] Or sur cet effet du Théâtre j’en appelle avec confiance à votre propre témoignage ; interrogez les spectateurs l’un après l’autre au sortir de ces Tragédies que vous croyez une école de vice et de crime ; demandez-leur lequel ils aimeraient mieux être ; de Britannicus ou de Néron, d’Atrée ou de Thyeste, de Zopire ou de Mahomet ; hésiteront-ils sur la réponse ? […] Quand nous irions à ces Tragédies, moins pour être instruits que pour être remués, quel serait en cela notre crime et le leur ? […] Mon article Genève n’a pas reçu de leur part le même accueil que votre Lettre ; nos Prêtres m’ont presque fait un crime des sentiments hétérodoxes que j’attribuais à leurs ennemis.
Pendant trois siècles de massacres horribles, dans le midi de la France, elle encouragea le crime et les plus noirs forfaits ; plus terrible encore elle introduisit chez tous les peuples chrétiens, la noire inquisition dont les mystères feront à jamais frémir d’horreur ; et partout, et en tous temps, elle sema la discorde, anéantit l’égalité, en convoitant la suprématie et le despotisme, et abusa de ses privilèges, en les employant à satisfaire l’égoïsme et les mauvais penchants de ceux qui étaient appelés à la sanctifier. […] Dès qu’on s’écarte des bornes de la sainte morale pour suivre des exercices qui n’en sont ordinairement que les signes, on hâte les graves progrès du fanatisme, qui dévore le cœur d’une ardeur sacrilège, et nous mène au crime ; on néglige insensiblement la raison pour embrasser la cause, et on ne recherche plus l’exercice de la sainte vertu qui nous porte à faire le bien, pour s’appliquer à fuir les moyens qui peuvent nous conduire au vice ; devenant ainsi inutile à la société et à soi-même, et ressemblant parfaitement à ces hommes que Le Dante, dans ses chants, nous peint indignes du paradis, parce qu’ils n’ont rien fait pour le mériter, et que l’enfer même refuse d’admettre parmi les siens, parce qu’il n’aurait aucune gloire de les posséder.