Avouons-le ; la comédie est bien rieuse pour en imposer aux vices que contiennent à peine le sombre appareil des cours d’assises et l’exécuteur de leurs sentences ; Molière le sentit, et quand il attaqua le plus hideux de tous, l’hypocrisie, il quitta le persiflage. […] Cependant, trois comédies qui nous restent de lui ne reflètent nullement la débauche et la corruption de la régence et du règne de Louis XV, et sont une preuve de ce qu’un esprit supérieur peut conserver de liberté, lors même que ses succès dépendent du public.
Le spectacle est si peu capable de faire des libertins et des fainéants ; il est si peu capable d’interrompre des occupations essentielles, qu’il n’y a point de Directeur de Comédie qui ne se ruinât s’il n’établissait l’heure du spectacle sur celle où les occupations nécessaires des citoyens sont terminées. […] Il y a telle ville du Royaume où la Comédie n’a jamais été jouée qu’à sept ou huit heures du soir. […] Toutes nos Tragédies et nos Comédies s’élèvent contre la Tyrannie et contre tous les vices qui tendent à l’oppression, tels que le zèle aveugle des Fanatiques, l’hypocrisie des Tartuffes, l’avarice des Financiers, la rapacité de leurs sous-ordres, les friponneries des suppôts subalternes de la Justice ; tout cela n’est pas propre, je crois, à aveugler le Peuple et à lui faire oublier ses Chefs, s’il a lieu de s’en plaindre : ne dirait-on pas, au contraire, qu’on ait pris à tâche d’éclairer les Chefs sur leur devoir, et le Peuple sur ses droits ? […] On ôtera aux hommes la pension de cent pistoles qui leur est destinée pour la donner aux femmes qui seront parvenues à la vétérance, en sorte qu’elles auront deux mille livres de rente dans leur retraite au lieu de mille seulement ; et les hommes, en dédommagement, auraient une Direction de Comédie dans les principales Villes du Royaume, laquelle leur vaudrait trois mille livres et serait prélevée sur les produits du spectacle. […] François Caffaro (ca 1650-1720), Lettre d’un théologien illustre par sa qualité et son mérite consulté par l’auteur pour savoir si la Comédie peut être permise, ou doit être absolument défendue, in Pièces de théâtre de Boursault, Paris, Jean Guignard, 1694.
La Comédie fesait voir des maisons particulières, avec leurs balcons & leurs croisées en perspective, comme les rues ordinaires.
Ainsi la Poësie Epique vit nécessairement du Merveilleux, la Tragédie vit de Larmes, & la Comédie doit vivre des Ris.
S’il n’était pas assez prouvé que surtout le sujet de la comédie du Tartufe est essentiellement vicieux, que sa représentation n’était propre qu’à frapper de ridicule la pratique des vertus, à nous en faire honte, à nous démoraliser, on pourrait jeter un nouveau jour sur cette question, et achever de rendre sensible le défaut radical que j’y relève, en faisant un rapprochement entre cette pièce et d’autres du même genre. […] Il est donc superflu de leur opposer que ce sont les lumières de l’expérience que nous avons plus qu’eux, qui invoquent un ordre nouveau à cet égard, ou quelque réforme dont leur exemple même, au surplus, démontrait déjà la nécessité ; car, que furent pendant les derniers temps de leur existence ces peuples de l’antiquité qui ont eu leurs Antisthènes dramatiques comme nous, qui ont été aussi fous que nous de comédies et de comédiens, qui couraient de même s’instruire aux spectacles ?
quand vous venez de la messe ou de la comédie, quel des deux excite les remords ou comble de consolation votre conscience ? […] Dieu n’a point élevé des théatres pour rendre les hommes heureux dans le paradis terrestre, où tous les biens étoient réunis ; on n’y jouoit point de comédies, à moins qu’on ne donne pour une piece dramatique la tragique scène qui perdit l’homme, & qui fut le modelle de toutes les autres, par la séduction & ses effets.
De certaines processions ou cérémonies religieuses, pratiquées par le clergé, et qui sont ou ont été beaucoup plus nuisibles au culte et a la morale publique que les comédies représentées sur nos théâtres. […] Un cortège aussi incohérent est à mon avis cent fois plus scandaleux, cent fois plus outrageant pour le culte, que toutes les comédies, quelles qu’elles soient, qu’on représente sur nos théâtres. […] J’ajouterai que je trouverais infiniment plus opportun, plus décent, de conduire mes filles, à une de nos bonnes tragédies ou comédies, qu’à la fête d’Aix ; et que si le clergé veut jouir de la considération et du respect, qui sont nécessairement dus à son institution, il est utile, indispensable qu’il exécute lui-même et la volonté des lois de l’Eglise, manifestée dans les canons des saints conciles, et la volonté des lois et ordonnances civiles qui suppriment ces sortes d’alliance du sacré au profane. […] Les mêmes cérémonies et le même spectacle se répétaient le 15 août ; le 16 on jouait sur le théâtre une comédie morale. […] On voyait les clercs et les prêtres faire en cette fête un mélange affreux de folies et d’impiétés pendant le service divin, où ils n’assistaient ce jour-là qu’en habits de mascarade et de comédie.
J’ose le dire, si les gens de Distinction ne fréquentent plus la Comédie que par coutume, ou pour s’y donner eux-mêmes en spectacle, on doit moins l’attribuer à un certain goût de frivolité, qu’à une juste satiété, qu’à ces intrigues amoureuses, qui, leur rabattant éternellement les mêmes intérêts, les mêmes situations, ne méritent de leur part qu’une inattention dédaigneuse.
Une pareille coèffure est encore plus ridicule que ces énormes paniers que portent les femmes qu’on voit agir dans la Comédie.
Hégémont de Thasos est l’Auteur de la Parodie dramatique ; c’est encore les Grecs qui nous l’assurent : il l’a mit en action en composant des Vers de plusieurs tragiques célèbres une Comédie dans les règles ; il s’appliquait à donner un sens burlesque à une pensée noble & sublime.
Il pouvait parler des trois âges de la comédie, et contrôler cette division s’il l’eût jugé à propos.
Mais ces casuistes ne sont pas sûrement des ecclésiastiques bien respectables, ils gémissent peut-être en secret de ce que leur état les empêche d’aller à la comédie.
On voit étalés à là porte de la comédie une foule de romans, de comédie, de cartes, d’estampes licentieuses, exposés en vente ; plusieurs boutiques aux environs en sont pleines. […] Chaque comédie est imprimée, chaque Actrice est burinée, adonisée avec tout ce que l’art de la parure peut ajouter à ses attraits. […] Qu’on cherche dans la journée d’une femme une minute pour l’étude, un coin dans la chambre pour mettre un livre sérieux, qu’on cherche sur-tout l’ombre de goût pour rien approfondir, ce n’est qu’à la faveur de la dorure, des estampes, des contes qu’un almanach, une comédie, un roman peuvent passer jusqu’à elles, & arracher à la toilette un moment d’audience ; la parure & la galanterie n’ont point de rivaux à craindre dans leur cœur.
Il est aisé de juger que l’enthousiasme des Romains pour les jeux des Pantomimes, leur fit négliger la bonne Comédie.
Il en résulte que les acteurs de comédie étant protégés, salariés, pensionnés et honorés par les souverains et par les papes, aucun prêtre en France, n’a le droit de son autorité privée, d’anathématiser et d’excommunier la profession de comédien, qui a été créée et autorisée par les diplômes du prince, par la législation du pays ; et par conséquent, c’est un véritable délit d’en exiger l’abjuration.
Il y a un certain ordre, dans la dispensation même des ténèbres, inconnu aux pécheurs ; et c’est ce qui doit faire trembler ceux qui croient que tout le danger de la comédie n’est que d’un certain côté, et qu’ils ont tout évité, si à cet égard ils ne se sentent pas affaiblis.
Les Confrères de la Passion, qui avaient déja fondé dans cette Eglise le service de leur Confrérie, louèrent cette grande salle qui se trouvait vacante, y firent construire un théâtre, et y représentèrent leurs jeux ou spectacles ; ils ne les nommèrent encore ni Tragédie, ni Comédie, mais simplement Moralités.