Rapportons ses propres paroles dans le langage naïf d’Amiot : « Quand ce Musicien eût un peu ébranlé & sondé la Compagnie du festin, & qu’il sentit que plusieurs étaient enclins à son intention, & se laissaient mener pour le plaisir qu’ils prenaient à tout ce qu’il voulait leur sonner, & à toute dissolution qu’il voulait représenter ; alors se découvrant tout à l’ouvert, il nous fit voir clairement que la musique, à ceux qui en abusent impudemment à toutes heures, enivre plus que pourrait faire toutes sortes de vins que l’on pourrait boire : car ceux qui étaient à table ne se contentèrent plus de crier à pleine tête & de frapper des mains l’une contre l’autre ; mais à la fin la plus-part d’iceux se levèrent de table & commencèrent à se tremousser de mouvemens dèshonnêtes & indignes de gens d’honneur, mais qui convenaient aux Sons & Chansons qu’il leur sonnait. » Un certain Ephore, Auteur Grec, cité par l’Historien Polybe, affirme qu’elle ne fut introduite que pour tromper & abuser les esprits. […] On s’apperçoit à l’ardeur avec laquelle il s’éfforce de la décrier, qu’il est pour le coup véritablement persuadé de ce qu’il écrit : voici de quelle manière il la traîte. « La musique est des plus propres & chéries » chambrières du vice.
Les tragédies de nos grands Maîtres ont des beautés qui leur sont propres, & ne ressemblent point à celles des Grecs. […] Les jeunes gens, en sortant des humanités, instruits de l’Histoire d’Alexandre & de César, n’ignoreront plus jusqu’aux noms des Rois de leur patrie, après Pindare & Horace ils apprendront à connoître les Poëtes François qui ont illustré les Lettres, ils connoîtront l’Histoire & la Poësie de la nation, & à l’exemple des Grecs, nos Piéces nouvelles pourront n’être plus tirées que de notre propre Histoire.
Et pour la derniere face du Spectacle, il verra le diable qui auoit reduit sous sa dominatiõ toute l’estenduë de la terre habitée, captif aux pieds de Iesvs-Christ, & contraint de reuerer ses loix, & d’orner le triomphe de sa croix, de ses propres dépoüilles.
Tout y fut prié en cérémonie, comme quand on convoque une assemblée capitulaire ; on prépara un siége plus élevé, pour M. le Curé, avec des chaises plus basses à côté, pour ses Vicaires, comme à l’Eglise quand il officie ; le Chapitre n’y fut pas moins honoré, on lui fit une espece de chœur, par deux rangées paralelles de fauteuils, plus élevés & plus propres pour les dignitaires, & derriere des places moins élevées pour les Prébendiers ; car cette troupe d’acteurs aime l’ordre & la décence, & sait parfaitement les rubriques.
Sa Politique n’est qu’un extrait de l’histoire fait avec trop de vérité, dans le goût de malignité qui lui est propre : il déchire les voiles de la politique & la réduit en art trop à découvert : sans doute ce qui l’a rendu odieux, & a fait passer son nom en proverbe.
Qui a donc pû persuader à une poignée d’hommes oisifs & vicieux, embarrassés de leur loisir & de leur personne, blasés, dégoûtés & languissans par leurs excès, & leur donner la confiance de s’imaginer qu’ils persuaderoient au monde, ce que leur propre expérience & celle de tous les siecles dément, qae le théatre est le souverain bonheur, le centre du plaisir, l’unique félicité de la vie ?
Par tout, ce Sujet parut le plus propre à la Tragédie, comme étant un Sujet tout de larmes, & par tout on exécutoit sur le Théâtre des Sujets saints.
Malgré son autorité, Pompée fut fort blâmé, et peut-être aurait-il tôt ou tard reçu quelque affront ; mais, comme nous l’avons dit, il s’avisa d’y bâtir un temple à Vénus et de le lui consacrer : « Pompeium à majoribus incusatum quòd mansuram theatri sedem posuisset. » Cette innovation de Pompée paraît à Tacite l’époque de l’entière dépravation des mœurs, par le goût et l’habitude du théâtre qu’elle inspira, l’occasion et la facilité qu’elle donna de rassembler et d’étaler au public tout ce qui était le plus propre à le corrompre : « Abolitos paulatim patrios mores funditus everti per accitam lasciviam, ut quodcumque corrumpi, et corrumpere queat, in urbe videatur degeneretque juventus gymnasia, et otia et turpes mores exercendo. » Je ne sais pourquoi on n’a pas craint dans plusieurs collèges d’imiter cette innovation de Pompée, en y construisant des théâtres à demeure, comme si ce n’était pas assez d’en élever dans l’occasion, quand on voulait donner quelque pièce.
De là des danses de toute espèce, légères, graves, majestueuses, badines, bouffonnes, etc. qui peignent les mouvements de l'âme, des danses de Guerriers, de Bergers, de Paysans, de Furies, de Dieux, de Démons, de Cyclopes, d'Indiens, de Sauvages, de Mores, de Turcs, qui caractérisent les professions et les peuples ; de là ces mouvements compassés de la tête, des pieds, des bras, des mains, etc. qui tous doivent se réunir de concert pour former les traits du tableau ; de là tous les divers habits et parures analogues à ce qu'on veut représenter, mais qui tous élégants, dégagés, propres, conservent et rendent saillante la taille et la forme du corps, qu'ils laissent admirer ; de là cette souplesse moelleuse, cette mobilité coulante, cette marche gracieuse, cette symmétrie des pas, ces figures entrelaçées, cette espèce de labyrinthe où à tout moment on se perd et on se retrouve ; de là ces innombrables combinaisons de plusieurs danseurs qui se cherchent, se fuient, s'embarrassent, se dégagent, se parlent par gestes, varient à tous les moments la scène, mais qui dans tous leurs mouvements les plus compliqués, toujours soumis au coup d'archet, semblent n'agir que par la même impulsion.
Il avoit été envoyé Legat en France, il plût à François I. par son enjouément, & ses plaisanteries ; il en profita pour ménager les intérêts de son Maître ; mais malheureusement il voulut aussi ménager ses propres affaires, il prit des mesures avec le Roi pour se faire élire Pape au prochain Conclave. […] Tels ont été Dominique, Arlequin, Pantalon, & quelques-uns de leurs successeurs ; ce qui est fort rare, & ne peut se trouver que dans les grandes villes, tout le reste n’est bon que pour la populace ; aussi tâche-t-on d’y suppléer par des danses, des chansons, des décorations, ou si l’on est réduit à des pieces sérieuses & régulieres, l’habitude qu’on a du reste, unie à la noblesse & à la finesse du jeu, & les auteurs qui travaillent pour eux n’ont qu’un succés passager & médiocre ; soit que regardant le génie comme un avilissement de la scéne, ils ne travaillent que foiblement leurs pieces ; soit que voulant conserver l’air de licencé & de tabarinage, propre aux Italiens, ils se licentient ; il y a très peu de bonnes pieces, tout le reste, malgré l’immense recueil de Cherardi & de ses continuateurs, à quelques farces près, tombées bien tôt dans l’oubli, qui se souvient des noms de deux cents auteurs qui ont écrit pour les Italiens, il n’y a guere qu’Apostolo-Zeno & l’Abbé Metastasio, qui aient mérité l’attention du public.
Puffendorf ajoute qu’elle avoit dissipé toutes les finances, & ne trouvoit plus de quoi payer les charges de l’État, ni même soutenir sa propre dépense & ses libéralités excessives. […] Tel étoit le goût décidé de cette Reine gothique selon l’expression de Madame de Motteville, sa vie fut une mascarade perpétuelle, toujours habillée en homme comme l’Abbé de Choisi en femme, l’Abbé des Yvetaux en berger, un juste aucorps, un chapeau, une perruque, un plumet, l’épée au côté, une chaussure d’homme, elle étoit plus propre à faire peur qu’à plaire, ou plutôt à faire rire, c’étoit un Arlequin ; la nature s’est trompée , disoit-elle, en me faisant femme ; pensée qu’elle avoit empruntée du distique fait contre le Roi d’Angleterre Jacques Ier. : error naturæ sic in utroque fuit .
Les preuves qu’il donne de l’air le plus touchant, car personne n’est plus décidé, ses preuves ne sont que des petits contes, de bons mots de son temps, des vers de quelque Poëte, une érudition vague & incertaine qui n’est qu’une réminiscence de ce qu’il a lu, ou de ce qu’il a vu dans les diverses contrées où il a voyagé son expérience & sa propre autorité ; car il se donne pour un oracle ; personne ne fut plus infatué de soi-même ; c’est l’Egoïsme le plus universel, le plus fier, le plus ridicule ; il n’a pas même l’adresse de se déguiser, & il le dit hautement sans détour. […] 7.° Les actrices de Bruxelles, moins indulgentes que l’Impératrice, & moins patientes que les acteurs, ont été fort offensées des observations ; elles ont cabalé, & voulu intéresser le Gouvernement pour faire punit l’auteur & proscrire l’ouvrage, mais inutilement pouvoient-elles s’attendre, que l’Impératrice si peu sensible à sa propre insulte dans les chansons, seroit fort touchée des plaintes des comédiennes.
Sans doute elle avoit été copiée par les Comédiens du Milanois, quand Saint Charles Borromée tint son premier Concile qui proscrivit cette odieuse bigarrure1 de choses saintes & de bouffoneries, comme étant moins propre à nourrir la piété, qu’à deshonorer la religion chrétienne.
Il y a de l’apparence qu’on retireroit plus de fruit de cette conduitte, qu’elle ne seroit pas sujette à de si grands abus, & qu’elle seroit plus propre à conduire les ames à une pieté solide qui doit plus attacher à Dieu qu’aux hommes.
N'est-ce pas ce sentiment qu'Alcionée mourant par sa propre main, dit à Lidie : « Vous m'avez commandé de vaincre, et j'ai vaincu, Vous m'avez commandé de vivre et j'ai vécu : Aujourd'hui vos rigueurs vous demandent ma vie, Mon bras aveuglément l'accorde à votre envie, Heureux et satisfait dans mes adversités, D'avoir jusqu'au tombeau suivi vos volontés. » Rodrigue ne parle-t-il pas de même à Chimène, lorsqu'il va combattre Dom Sanche.
Elles vont fondre dans un torrent de poix bouillante, d'où sortent les violentes ardeurs de ces noires, et de ces sales voluptés : Et c'est en ces actions vicieuses que cet amour se convertit et se change par son propre mouvement, lorsqu'il s'écarte et s'éloigne de la pureté céleste du vrai amour.