Je sais, mes Frères, que la plupart des pièces de théâtre sont exemptes de ces grossières équivoques, de ces paroles licentieuses qu’on y entendoit autrefois ; les mœurs de notre siècle devenues plus décentes, sans être, en effet, plus pures, ont exigé qu’on donnât un frein à l’impudence, & qu’on retranchât ce qui choquoit trop ouvertement l’honnêteté. […] La capitale ne retentit-elle pas encore des applaudissemens insensés qu’a reçus, même sur le théâtre national, une pièce également contraire au bon goût & aux bonnes mœurs ? […] Nous le connoissons, mes Frères, ce théâtre des anciens ; on nous a conservé quelques-unes de ces pièces qui se représentoient avec tant d’appareil dans les jeux publics, & auxquelles le peuple Romain couroit avec tant d’avidité. […] En effet, n’est-ce pas l’amour profane qui fait le fond ordinaire des pièces de théâtre ? […] Si tous ces sentimens ne passoient pas dans votre ame, vous accuseriez la pièce, ou ceux qui la représentent, de n’avoir pas atteint le but qu’ils se proposoient ; & l’ennui, plus efficace que nos exhortations, vous feroit bientôt renoncer à un plaisir devenu pour vous si insipide.
Il bannit même Homère, que personne n’accuse d’obscénité, parce qu’il donne aux Dieux et aux héros des sentiments vicieux d’ambition, de vengeance, de cruauté, et qu’il ne faut présenter que de bons exemples, et jamais l’image de ce qu’on ne doit pas faire ; que les pièces de théâtre ne sont que des fables ; qu’il ne convient pas d’accoutumer l’homme à parler contre la vérité, et à se repaître de mensonges, à s’amuser par des niaiseries, se dissiper par des frivolités, et se rendre frivole soi-même. […] Avant le jeu se passe le temps en devis impudiques, jeux de dés, gourmandises, ivrogneries, querelles, etc. » L’historien Matthieu, pour faire sa cour à Henri III, composa la Guisiade, mauvaise pièce dans le goût du temps, où il jouait le Cardinal et le Duc de Guise, que ce Prince n’aimait pas, et qu’il fit mourir. On pourrait croire que les Etats qui les aimaient, choqués de cette pièce, voulaient s’en venger sur tous les Comédiens. […] 20 et 21), parlant à un grand politique, qui revit, corrigea et approuva son ouvrage, dit ces belles paroles, bien dignes d’elle : « Il n’est pas question dans les pièces de théâtre de satisfaire les libertins et les vicieux, qui ne font que rire des adultères et des incestes, et ne se soucient pas de voir violer les lois de la nature, pourvu qu’ils se divertissent ; les mauvais exemples sont contagieux, même sur le théâtre, les feintes représentations ne causent que trop de véritables crimes. […] Jules-César avait le génie trop élevé pour s’amuser de bagatelles théâtrales, non par religion et par vertu, il ne fut jamais un modèle de sainteté, mais par grandeur d’âme, étendue d’esprit, vues profondes de politique ; il en méprisait jusqu’à la partie littéraire, il ne trouvait point dans les meilleures pièces connues de son temps, qu’on donne pour des chef-d’œuvres, le degré de perfection du bon comique, qu’il appelait vis comica, qui en effet est très rare, et qu’on ne trouve que très peu même dans Molière, malgré tout l’encens que brûlent sur ses autels ses vicieux adorateurs.
Les Romains, lorsqu’ils commencèrent à penser, se délassaient des travaux de la Guerre, en écoutant les Pièces de Plaute & de Térence. […] Savent ils que la plûpart des Pièces, telle que le Tartuffe, le Joueur, le Glorieux, &c, &c ; valent d’éxcellens traités de morale ? […] Lorsqu’on exprimera, par éxemple, à l’aide des paroles, les mœurs & les actions d’un Savetier, d’un Bucheron, &c. copiera-t-on ces Pièces où l’on ne voit que des Rois, ou pour le moins de bons Bourgeois ?
Les gens de génie respectent ce modèle et l’imitent, et ce n’est qu’aux pièces les plus estimées des Français philosophes, que les étrangers rendent hommage. Ces pièces sont celles que nous appelons de caractère, où les hommes sont peints tels qu’ils sont partout. […] Si l’on veut juger de la bonté de ces pièces par le petit nombre de gens à qui elles plurent en France dans leur nouveauté on ne les représenterait pas aujourd’hui avec tant de succès en Allemagne : mais il faut que l’amour-propre cède enfin à la vérité et que l’on estime universellement un ouvrage qui a puni des vicieux en les démasquant et triomphé d’une vaine critique par la solidité de sa morale que toutes les nations peuvent s’appliquer.
G Gallien amateur passionné des Spectacles, 69 Garnier Poète, a tiré ses pièces de Sophocle, 219 Gélase I. […] Pie V. à quelle condition il souffrit les Courtisanes, 277 Plaute, caractère de ses Pièces, 91. ce qu’il dit sur les Comédies honnêtes, 92 Pline le Jeune, tolère les Comédiens qu’on faisait venir dans les maisons particulières, 208 Pomponius Secundus Poète, son caractère, 86 Prédicateur, manière dont s’y prit un Prédicateur pour décrier les mouches, 281 Processions Comiques défendues, 214 Protestants, leurs Règlements sur le Théâtre, 255. 308 Provence, les Jeux y subsistent jusqu’au sixième siècle, 126. […] Il n’y en eut presque plus dans le quinzième siècle, 210 V Valentinien I. défend aux Gouverneurs les Spectacles, 108 Valère Maxime condamne les Spectacles ; loue les Marseillais de ne point recevoir les Mimes, 139 Verus Lucius Empereur, aime les Histrions, 64 Vespasien Empereur se déclare pour les Comédiens, 59 Vierges Chrétiennes, quel était leur habit, 109 Université de Paris, ses Règlements sur les Pièces de Théâtre, 250. 284 Fin de la Table des Matières contenues en ce Volume APPROBATION.
Il étoit fort sensible au mépris & à la critique : plusieurs de ses pièces ne sont que des vengeances contre les censeurs. […] Il faisoit jouer une pièce intitulée, Dom Quichotte ; c’étoit le moment où Dom Quichote installe Sancho dans son Gouvernement.
Pour le dernier acte de la pièce, Lully donna gratis l’opéra à ses nouveaux confrères, dont une trentaine se plaça à amphithéâtre, en manteau noir et en grand chapeau, pour écouter gravement les ritournelles du Musicien Secrétaire ; après quoi il leur donna un grand repas. […] Si l’on demandait grâce pour le compositeur des pièces ou du chant, on serait plus excusable, la poésie et la musique sont des arts libéraux, et sont des productions de l’esprit et du goût. […] Marguerite de Valois, sœur de François I, et Reine de Navarre, composa six pièces de théâtre, qu’elle appelait Pastorales, deux Farces, et quatre Mystères ou Moralités dans le goût du temps. […] Il y a cent autres traits de ce personnage singulier (Boisrobert), qu’on trouvera dans Guipatin, Loret, Scarron, Ménage, les lettres de Costar, de Chapelain, et surtout dans l’histoire du théâtre, à l’occasion des diverses pièces de cet Auteur, et fort au long, Tom. […] Il toléra cependant le théâtre, qu’il n’approuvait ni n’aimait ; mais il fixa les gages annuels des Acteurs à cinq pièces d’or, car à Rome personne ne payait à l’entrée, comme en France, où l’on agit moins noblement.
Il parut en 1672 une autre Pièce contre la Comédie, qui se trouve dans l’Education chrétienne des enfants, selon les maximes de l’Ecriture et les instructions des saints Pères de l’Eglise, avec un petit Traité contre les chansons mondaines, qui sont d’autant plus dangereuses qu’elles sont spirituelles ; car elles se chantent sans honte. […] Cependant après plus de vingt années de silence, un particulier entreprit de justifier la Comédie par une Lettre qu’on a voulu faire passer pour une réponse faite à Boursault, auteur d’un volume de Pièces de Théâtre.
Ce soin même que prennent les auteurs des pièces de théâtre, de couvrir leurs mensonges de l’apparence de vérité, afin qu’elles puissent être agréables rend témoignage à ce que j’avance, et prouve invinciblement que l’esprit de l’homme est créé pour la vérité ; mais cet attachement prodigieux à des fictions et à des chimères, fait voir d’autre part qu’il est devenu plus vain que la vanité, puisqu’il préfère l’image à la réalité, des mets en peinture à une viande solide, et qu’il consume misérablement ses forces et sa vigueur à poursuivre des fantômes, et courir après l’ombre de la grandeur. […] Elle fait encore un effet plus malin sur le cœur que sur l’esprit, car si elle gâte ce dernier, elle corrompt l’autre en y excitant les passions et les remuant avec d’autant plus de promptitude et de vivacité, qu’elle y trouve de correspondance, c’est là son but et sa fin principale, c’est ce qui lui attire les applaudissements des spectateurs, la plupart acteurs secrets dans la pièce ; autrement ils s’ennuient, ils languissent, ils s’endorment, et comme dans la lecture ou le chant des Psaumes, on entre dans tous les mouvements et les saintes passions du chantre sacré, qu’on prie avec lui, qu’on gémit, qu’on se réjouit, qu’on passe de l’espérance à la crainte, de la tristesse à la joie, des plaintes aux remerciements, de la frayeur à l’assurance, du trouble à la paix, ici on entre encore plus naturellement dans les divers mouvements des acteurs introduits sur la Scène, le lecteur ou le spectateur est transporté hors de lui-même, tantôt il se sent le cœur plein d’un feu martial, et s’imagine combattre, tantôt agité de mouvements plus doux, il est amoureux, il estime, il craint, il désire, il n’y a point de passion dont il ne sente les atteintes et les émotions. […] L’amour sensuel et profane qui est la plus dangereuse de toutes les passions y est la plus excitée, car la plupart des pièces ne roulent que sur ces sortes d’intrigues, il en est l’âme et le mobile. Cette passion insensée qui fait des ravages incroyables dans le monde, ce feu d’enfer qui enflamme le cercle de la vie de la plupart des enfants d’Adam, l’impureté dont saint Paul ne veut pas que le nom même soit prononcé parmi des Chrétiens, parce que son image est contagieuse, ou si l’on est obligé d’en parler, ce ne doit être qu’avec horreur, qu’en la flétrissant, la traitant avec exécration comme une maladie honteuse qui ravale l’homme à la condition des bêtes, ce vice, dis-je, y est transformé en vertus, il est mis en honneur et en crédit, regardé comme une belle faiblesse dont les âmes les plus héroïques ne sont pas exemptes, et qui leur sert d’aiguillon pour entreprendre les choses les plus difficiles, on s’y remplit du plaisir qu’on se figure à aimer et à être aimé, on y ouvre son cœur aux cajoleries, on en apprend le langage, et dans les intrigues de la pièce les détestables adresses que l’auteur suggère pour réussir, or n’est-ce pas là une idolâtrie dont se souille le cœur humain ?
On reprochait à César, comme une grande faute, d’avoir obligé Laberius, Chevalier Romain, qui avait un talent singulier pour contrefaire les gens, et qui avait composé quelque comédie, de monter sur le théâtre et de jouer sa pièce. […] » Et pour se venger, il lança dans le cours de la pièce les traits les plus piquants contre César. […] Les pièces que le guerrier doit le moins voir jouer sont les bonnes tragédies, elles sont pour lui les plus mauvaises. […] Il fut peu d’années après dans la plus grande gloire par les pièces d’Echyle, Sophocle, Aristophane, etc.
Solon dont Plutarque a écrit la vie, pensait comme nous, lorsqu’étant allé voir un certain Tespis qui représentait lui-même les Pièces de Théâtre qu’il avait composées. […] Ceux qui composaient ces Pièces croyaient avoir fait des merveilles quand ils avaient mis en Vers languissants une Histoire sérieuse : ils ne savaient ce que c’était que fiction : ils ne s’entendaient point à décrire des passions, et on n’y en voyait presque aucune en mouvement : les Pièces qui parlaient de mariage étaient tres rares, parce que c’est ce qu’ils représentaient plus mal. […] Or dans toutes ces Pièces il n’y avait d’abord pas un mot équivoque ; tout y était presque dans le style d’une Histoire ordinaire, si ce n’est qu’on parlait en Vers. Les Dames ne trouvaient guère ces Pièces à leur goût : elles ne s’y assemblaient point avec cet air gallant et si peu modeste où on les voit à la Comédie aujourd’hui. […] L’achevé d’imprimer de la Réfutation date du 15 juin 1694, soit six mois après la publication des Pièces de théâtre du Sieur Boursault en tête desquelles était parue la lettre du père Caffaro.
Cette alliance, ce mêlange de ce qui regarde les Pièces du nouveau genre, & de ce qui concerne les divers Poèmes représentés au Théâtre, qu’on m’a déjà reproché, est directement ce qui donnera quelque mérite à mon Ouvrage. […] Est-il nécessaire que les Pièces de Théâtre, qui nous font vraiment plaisir, renferment toutes les règles de l’art ?
Le sujet de ces pièces étoit simple : de même qu’il falloit à Térence deux comédies de Ménandre pour composer une des siennes, deux tragédies des anciens auroient composé une des nôtres. […] Il revient encore plus désagréablement sur ses pas, lorsqu’on le ramene au même lieu qu’il vient de quitter, comme dans plusieurs de nos pièces modernes. […] Le désœuvrement, le luxe & l’ennui, plus que l’attrait du plaisir & de la nouveauté, conduisent aux deux salles de Comédies, trop peu suffisantes pour la Capitale du Royaume ; & les acteurs, contens d’une recette & d’un gain considérable, sans autre peine que celle de débiter toujours les mêmes rôles de quelques pièces, une ou deux fois la semaine, plusieurs années de suite, n’ont plus l’émulation de leur état. […] Un obstacle plus grand encore, c’est la contradiction entre la gloire de la composition des pièces de théâtre, & la sorte de déshonneur attachée aux représentations de ces mêmes pièces ; c’est la diversité de sentimens & d’opinions sur cette matiere. […] Ils les formoient à imiter toutes sortes de gestes, d’actions, de postures, & leur faisoient jouer une partie de leurs pièces.
Il était nécessaire de dire un mot des diverses sortes de Pièces comiques que nous avons au Théâtre, & de parler séparément de quelques unes.
Le hasard fit qu’à travers la cloison, qui me séparait de la pièce voisine, j’entendis la conversation suivante, entrecoupée de beaucoup de choses étrangères à mon sujet et que, par amour pour les mœurs, je m’abstiendrai de rapporter ici : eh ! […] Les trois pièces annoncées me firent croire d’abord que, par un excès de zèle et pour compenser l’oubli que je remarque souvent dans plusieurs quartiers de Paris, l’afficheur avait favorisé le Gymnase, en placardant ses annonces dans la petite banlieue. […] C’est dans ce dernier, que se montent les arlequinades, expulsées de chez Nicolet, et sans feu ni lieu, depuis l’incendie de Lazari57, bergamiste célèbre, aussi léger dans ses métamorphoses, qu’improvisateur comique et spirituel dans ses canevas, genre de pièces non écrites, dont il fit longtemps la vogue. […] C’est ce genre de pièce qui depuis a pris le nom de mélodrame. […] Jean-Baptiste Nicolet (1728-1796) et Nicolas-Médard Audinot (1732-1801) ouvrent sur le Boulevard du Temple des salles qui présentent des spectacles forains et des pièces bouffonnes.
Cependant leurs Ambassadeurs à Paris et à Vienne ont été aux spectacles par curiosité, et on dit que Sa Hautesse fait quelquefois représenter de petites pièces à ses femmes et à ses eunuques. […] Ne donnassent-elles que des pièces pieuses, cette nation vendue à l’iniquité, serait infiniment pernicieuse ; la plupart des pièces sont licencieuses : la société, la seule vue de ces femmes est un souffle empesté qui détruit toute idée de vertu. […] Il y a bien peu de pièces où dans le fond, l’intrigue, le dénouement, il n’y ait quelque action méchante, et des paroles lascives et à doublé entente, et souvent obscures et grossières : témoin Scarron, Monfleury, Poisson, Molière, Dancourt, Gherardi, Vadé, et cent autres dont la plupart des pièces en sont semées, et méritent qu’on les chassât. […] Il y a donc bien de l’apparence que cette déclaration n’a jamais existé, ou qu’elle n’a été qu’une production éphémère, qui n’a pas survécu aux pièces de cinq Auteurs, qui l’avaient enfantée ; et il est bien certain que le public n’en a pas été la dupe, qu’elle n’a été d’aucun usage, que l’Eglise n’a point changé de sentiment ni de conduite, que les Comédiens ont été toujours regardés avec le même mépris, privés des sacrements, de la sépulture ecclésiastique, exclus des charges et des ordres sacrés, et que cette déclaration a été totalement oubliée de tout le monde.