Lorsque l’on nous raconte qu’il est chez les Etrangers un Théâtre dont les Drames sont aussi licencieux, nous ne manquons pas de nous en étonner, & de mal augurer de l’esprit & des mœurs de la Nation qui adopte de pareilles Pièces.
« La nation et la religion doivent à l’envi former l’éloge de cette femme forte qui seule prend en main la défense du citoyen fidèle.
Ils disaient qu’ils n’étaient ni Comédiens, mais simples farceurs ; ni Français, mais un ramassis de toutes les nations ; ni établis dans Paris, mais une Troupe errante, qui campait sous des tentes pendant la foire ; qu’ils ne jouaient point de pièces régulières, mais des fragments et des scènes détachées ; que la foire avait joui de temps immémorial de la liberté des spectacles, comme d’une branche de commerce ; et que les Comédiens n’ayant point de lettres patentes, mais un simple brevet non enregistré, ils n’étaient pas personnes capables d’ester à droit et de faire des poursuites légales (comme M. l’Avocat général en convenait).
Que cette nation est à plaindre, si elle a besoin de l'horreur du vice pour se conduire à la vertu !
Les spectacles des gladiateurs, au lieu de rendre gai le peuple Romain, le rendait féroce ; les scènes horribles de Shakespeare sur le théâtre Anglais, si analogues au caractère de la nation, lui donne-t-elle de la gaieté ?
Cependant M. d’où vient qu’il y a si peu de sainteté dans le monde, & si peu de Saints parmi les Chrétiens, qui sont neanmoins cette nation sainte dont parle le Prince des Apôtres, gens sanctaEpist. can. 1. […] , se persuadoient que les Chrétiens étoient une nation toûjours preparée à la mort, & qui s’entretenoit dans la volonté obstinée de mourir, & dans le mépris qu’elle faisoit de la vie par le retranchement de toutes sortes de plaisirs, qui les pouvoient attacher au monde ; ils avoient bien raison ces genereux & ces veritables Chrétiens de renoncer à tous les plaisirs & divertissemens publiques, puisque éclairés des lumieres de la foy, & penetrés de la sainteté de leur profession, ils étoient convaincus qu’ils étoient le plus dangereux poison des bonnes mœurs, qui portoit la corruption dans tous les sens du corps, & le dereglement dans toutes les passions de l’ame.
Chez toutes les nations de la terre, de Pekin à Gibraltar ces femmes auroient été prises pour des foles, on les auroient enfermées ; mais en France les folies des Dames sont des graces, leurs sortises des gentillesses, qu’on se fait un devoir d’admirer, on les traite comme des enfans, leurs adorateurs ne sont-ils pas des enfans aussi, que le hochet de l’amour amuse ?
Voilà ce qu’on dit, & tout ce qu’on peut dire en faveur du théatre, & surtout celui de Pierre Corneille, de tous le moins vicieux, quoique très-dangereux encore ; c’étoit alors l’idole de la nation.
Le fleuve suivit la pente & reprit son cours, la comédie devint intolérable ; toutes les nations où elle se produisit furent indignées ; les ordonnances des Rois, les plaintes réitérées des États généraux, les arrêts des Parlemens, le châtiment, le bannissement, la suppression de différentes troupes, enfin les idées communes, le langage ordinaire, qui par un consentement unanime de tous les peuples & de tous les siècles, depuis la Chine & le Japon jusqu’en Portugal & en Écosse, a fait du nom de Comédien une injure proverbiale, une expression de mépris, de folie & de vice, peuvent en convaincre les plus incrédules.
Le sieur Renaudin a établi un magasin où l’on trouve toute sorte d’habits de théatre pour homme, femme, tragédie, comédie, opéra, pour toute sorte de rôles, de nations, de costume ; on en fait faire d’ailleurs dans le goût de ceux qui le commandent & en fournissent les modelles.
Un Pantomime se faisoit entendre de toutes les Nations, puisqu’un Prince Etranger en demanda un à Néron, afin, disoit-il, qu’il me serve d’Interprete avec tous les Ambassadeurs.
Augustin) et ses disciples : « Le lundi gras, 1651, sur le midi, on vit sortir de leur collège de Mâcon une procession dont ils avaient réglé la pompe de cette manière : la croix marchait en tête, suivie d’environ trente petits choristes tant de l’église cathédrale que des collégiales, tous écoliers des jésuites, qui étaient suivis du sieur Bazam, curé de Saint-Etienne, seul prêtre de toute cette troupe ; une cinquantaine d’écoliers marchaient ensuite travestis en Turcs, Japonais, Canadais, Allemands, Anglais, Suisses, et après eux paraissaient quatre estafiers portant un dais à quatre bâtons, sous lequel marchait un petit roi, le sceptre en main et la couronne sur la tête ; par là, ces pères voulaient, à ce qu’ils dirent depuis, représenter la grâce efficace ; derrière eux on voyait une centaine d’écoliers vêtus comme quelques autres nations plus civilisées et plus polies que les précédentes, qui marchaient devant quatre autres écoliers, vêtus en anges, chacun desquels soutenait le bâton d’un dais qui couvrait un petit écolier vêtu en ange, seul avec une croix en la main, et c’était la grâce suffisante ; il était précédé d’un autre écolier de l’âge de vingt-cinq à trente ans, habillé en femme qui avait une grande croix entre les bras ; mais les spectateurs n’en purent déchiffrer le mystère, sinon que l’on avait voulu marquer par là une âme pénitente. […] Il y en a quelques-uns qui prennent ce dévot exercice pour un véritable exercice de piété ; mais il y en a d’autres qui ne le font que pour plaire à leurs maîtresses ; et c’est une galanterie d’une nouvelle espèce, inconnue aux autres nations.
L’Apôtre d’une morale opposée au génie, au caractère, au gouvernement d’une nation, en est communément ou le jouet, ou le martyr. […] Du reste, que le climat, les richesses, ou les femmes amollissent la férocité d’un peuple ardent et courageux, et lui ôtent la faculté de porter la désolation et le ravage chez les nations étrangères, en lui laissant la bravoure, la vigueur et l’activité dont il a besoin pour sa propre défense ; que ce peuple invincible dans ses frontières, y soit comme repoussé par la nature, dès qu’il en sort les armes à la main, est-ce à un Philosophe à le regarder comme un mal ? […] Heureusement les Comédiens ne prennent pas tous à la lettre cet abandon désespérant : autorisés, protégés, récompensés par l’état, accueillis, considérés même dans la société la plus décente, lorsqu’ils y apportent de bonnes mœurs, ils savent que si nos sages Magistrats n’ont pas cru devoir encore céder aux vœux de la nation et aux motifs puissants qui sollicitent en faveur du théâtre, c’est par des raisons très supérieures aux préjugés de la barbarie.
C’est le foible de la nation ; chez le sexe c’est une fureur : une femme le matin à la toilette consume les heures entières à se parer des nippes qu’elle a acheté la veille, elle va à la comédie, la mode a changé de midi à trois heures, elle est surprise de voir des robes d’un goût différent ; elle est vêtue à l’antique, elle souffre à regret qu’on la regarde, elle en est au désespoir, n’y pouvant plus tenir, elle sort du spectacle au second acte, & va s’enfermer jusqu’à ce que dix couturières qui veillent toute la nuit, la mettent en état de paroître avec honneur le lendemain.
On avoit souvent infinué que la troupe se feroit un honneur infini d’imiter la Cour, & d’avoir pour spectateurs les arbitres du bon goût, les oracles de la nation, qui par leurs suffrages décisifs attireroient beaucoup de monde, & feroient la fortune des pieces recommandées.
Le Duc de Richelieu à Vienne, ne fit par-là que se donner un travers & à sa nation.