Vous voyez bien que ce qui regarde les mœurs et la vertu, n’entre point dans les Coutumes des Nations, puisqu’à l’égard de ces choses, ce n’est pas la coutume qu’on doit suivre, mais la raison ; et répondre comme vous faites, c’est de même que si un Général d’Armée qui combattrait maintenant sans prendre son temps et ses mesures, répondait à ceux qui voudraient l’instruire par l’exemple des Anciens Grecs et Romains ; c’est, dis-je, comme s’il répondait, que les Anciens avaient d’autres coutumes que nous, et qu’il lui est permis maintenant d’être imprudent et téméraire, parce que les coutumes des Nations sont différentes. […] Ceux qui se plaisent à ces livres, entrent insensiblement dans les sentiments des personnes dont ils lisent les aventures, et comme ils n’ont pas assez de force pour imiter leur vertu, tout le cœur se porte vers leur amour, le moindre mal qui en puisse arriver, est de se remplir l’esprit de toutes ces vaines idées de tendresse, qui nourrissent un esprit dans l’oisiveté, et qui ne tardent guère à gâter les mœurs. […] Si l’Auteur d’Iphigénie vous avait consulté avant que de travailler à sa Pièce, et s’il vous avait dit qu’il voulait faire paraître sur le Théâtre une Princesse dont toute la tendresse serait pour un Père et non pas pour un Amant, car voilà, ce me semble, le caractère de son Iphigénie ; ne lui auriez-vous pas répondu que cela aurait été contre la coutume ; ne lui auriez-vous pas dit que cette idée générale d’immolation de victimes humaines, qui règne en toute la Pièce, n’aurait guère été conforme à nos mœurs, et enfin ne lui auriez-vous pas fait les mêmes difficultés que vous me faites ? […] La Tragédie est une peinture de la vie civile qui a été inventée pour le règlement des passions ; c’est sur ce principe qu’il faut travailler les sujets qu’on expose sur le Théâtre, et non pas sur la bizarrerie de l’usage, qui souvent, comme j’ai déjà dit, ne s’établit que par la corruption des mœurs. […] Il est vrai qu’il y a peu d’exemples à imiter sur ces sujets, à moins que de vouloir faire comme quelques Auteurs Latins de ces derniers temps, qui croient qu’il leur est permis de faire dire deux cents Vers de suite à un même personnage, pourvu qu’il dise de belles Sentences touchant la conduite des mœurs.
Je m’attache d’abord à ce que le Poëte imite, ou à l’objet de son imitation, qui comprend trois choses, selon Aristote, le fait ou l’évenement consideré en lui-même, les mœurs ou le caractere des Personnages, leurs pensées ou leurs sentiments ; & me mettant à la place du Spectateur, je m’interroge moi-même sur les divers mouvements qu’excite la représentation d’une belle Tragédie. […] Il n’y a presque point de Tragédie qui ne satisfasse d’abord ces différentes dispositions de notre ame ; & c’est peutêtre en partie par cette raison que l’on voit plusieurs pieces de Théâtre avoir un succès surprenant dans les premieres représentations, tomber bientôt après, & échouer enfin dans l’opinion publique, parce que notre esprit n’étant plus soutenu par la nouveauté & la singularité de l’évenement, remarque bien plus les défauts qui se trouvent, ou dans la conduite de la Piece, ou dans les mœurs, ou dans l’expression. […] La Tragédie les met pour quelques heures dans une situation qui leur paroît si agréable ; son sujet en lui-même, les mœurs ou le caractere de ceux qu’elle met sur la Scène, leurs pensées, leurs sentiments, leurs expressions, tout conspire à réveiller ou à flatter les inclinations que nous avons tous pour la gloire, pour la grandeur, pour l’amour, pour la vengeance, qui sont les mobiles secrets du cœur humain ; & plût à Dieu qu’ils ne le fussent que dans la Tragédie ! […] * Jusqu’ici je n’ai encore parlé que du premier & du principal Membre de la division d’Aristote, je veux dire, de ce que le Poëte imite, ou de l’objet de son imitation, & j’ai tâché d’y découvrir les véritables causes de l’impression que fait la Tragédie ; j’y ai mêlé avec la fable ou l’action imitée, ce qui regarde les mœurs ou les caracteres, les pensées ou les sentimens, qui selon le même Philosophe, sont les deux dernieres choses que le Poëte doit imiter. […] Il n’y a personne qui ne sente que le plaisir qu’il trouve à la lire, à satisfaire ainsi la curiosité naturelle à notre esprit, à y étudier le cœur humain, à former son jugement & ses mœurs par de grands exemples de Vice & de Vertu, de Folie & de Sagesse, de Foiblesse & de Fermeté, n’a rien de commun avec le plaisir de l’Imitation renfermé dans ses véritables bornes.
Elle y verra d’abord quel était le goût du dix-huitième Siècle ; nos mœurs, notre façon de penser lui seront connues.
Que doit-on répondre à ceux qui disent qu'ils y vont sans aucune mauvaise intention, et qu'ils savent séparer ce qu'il y a de mauvais, et de vicieux d'avec ce qu'il y a d'honnête, et de conforme aux bonnes mœurs ?
Si nous parlions donc rigoureusement, et dans l’exactitude des Jurisconsultes, ne considérant que ce qui se rencontre le plus souvent dans la pratique ordinaire de ces danses profanes, qui ont pris naissance de la corruption des mœurs des Hébreux, et des observances superstitieuses des Païens ; nous pourrions dire que tous ces exercices qui ne vont qu’au contentement des sens sont absolument mauvais ; parce que les vices s’y mêlent, et le péché s’y trouve très fréquemment, et que suivant la règle des Jurisconsultes,L. 3. et 4. ff. de leg.
Mais vous demandez si je suis bien convaincu qu’il « ne se passe dans un bal rien de plus préjudiciable aux mœurs que les formules d’usage » dont j’ai parlé. […] J’ai voulu vérifier si son opinion, la seule que vous ayez rapportée, était bien respectable, et j’ai lu dans une histoire abrégée, imprimée chez Leroy, à Paris, en 1789, que le comte de Bussy-Rabutin a composé des ouvrages dans lesquels il se plaisait à faire la peinture de mœurs dépravées (les amours des Gaules) et qu’il avait une âme fausse, petite et faible….
Ne diroit-on pas au contraire qu’ils ne pouvoient jamais être assez flétris à ses yeux ; puisque pour les plonger dans un plus profond abîme d’avilissement, elle sacrifia le soin des mœurs mêmes ? […] Ceux-là relevoient l’éclat des mœurs, en lui opposant les tristes effets d’une passion brutale.
Rousseau ne serait pas plus préjudiciable aux mœurs de Genève, que le spectacle qu’il proscrit. […] Tels sont les plaisirs que vous préférez cependant au spectacle ; la médisance des femmes, l’ivrognerie habituelle des hommes, vous paraissent moins dangereux pour les mœurs que la vue d’un spectacle décent, où la Magistrature aurait eu l’attention d’établir la modestie, le respect et la décence, tant de la part des Acteurs que de celle des spectateurs.
Tout occupé à sauver le fond de la religion et des mœurs, que les spectacles détruisent, on n’a point parlé de l’observation des fêtes, qui n’en est qu’une branche. […] Attendons tout du zèle des Parlements sur l’objet le plus pernicieux à la religion et aux mœurs. […] Tout au contraire engage à s’en éloigner, le culte divin qu’il empêche, la charité qu’il refroidit, l’intérêt temporel qu’il ruine, le bien des familles qu’il scandalise, le plus grand danger qu’il présente, l’attrait des passions et des vices, le plus grand intérêt public, la religion et les mœurs qu’il corrompt.
C’est un grand malheur pour un État lorsqu’il se trouve beaucoup de gens dans la Capitale qui peuvent y vivre sans rien faire : ces dangereux frelons y corrompent les mœurs ; la contagion gagne les conditions occupées, & de la Ville, elle s’étend jusqu’aux Provinces les plus reculées.
Si donc ce qu’ils ont entendu tend à la corruption des mœurs, ils remporteront de ce Spectacle les impressions les plus pernicieuses.
Celui de Législateur est pernicieux ; ses loix, quoique d’un chretien, détruisent les bonnes mœurs & la sainteté du mariage ; nous avons prouvé l’un & l’autre. […] Albert, homme sans religion, sans mœurs & sans probité, de l’aveu du Roi de Prusse, (l’intérêt a changé la religion en Allemagne & la débauche en Angleterre,) Albert, malgré la sainteté de sen état & les devoirs de la place, négotie avec le Roi son parent ; fait séculariser & ériger la Maîtrise en Duché de Prusse, qu’il rendit Luthérienne & héréditaire, avec les Commanderies & les bénéfices qui en dépendoient ; ainsi les Evêchés, Abbayes & autres bénéfices sans nombre ont été sécularisés en Allemagne & occupés par des Laïques. […] Cette morale, cette discipline militaire que suivent dans le monde tous les philosophes célibataires, véritablement Sans-souci, pour la religion & pour les mœurs, ce seroit la matiere d’une vraie farce de la foire, où le soldat & le Monarque figureroient admirablement, si la religion & la vertu permettoient de rire de ces honteux excès. […] Veut-on connoître ma religion & mes mœurs ?
. « Que si les Pères se sont tant déchaînés, contre la Comédie, ça a été parce que de leur temps l’excès, en était criminel et immodéré ; et que s’ils l’avaient trouvée comme elle est aujourd’hui, conforme aux bonnes mœurs, et à la droite raison, ils ne l’auraient pas tant décriée... […] Car encore un coup, l’infamie est nécessairement attachée à un emploi qui ne sert qu’à corrompre les mœurs, et à éteindre la Religion. […] Le troisième moyen dont il s’est servi, c’est la lecture des Pièces de Théâtre, où il proteste qu’il n’a jamais rien lu, « qui pût en quelque manière blesser le Christianisme, ou la pureté des mœurs Page 42. […] On saura bien les guérir et les instruire en leur donnant pour principe que le Théâtre Français est épuré, qu’il est moral, qu’il est Chrétien, que tout y est conforme à là piété et aux bonnes mœurs.
Les changemens arrivés par tout l’Univers, dans les langues recues, dans les mœurs, dans le goût, ne l’ont point fait oublier.
Outre aussi quelle corruption de mœurs est-ce, quels embrassements de contenances des joueurs de farces ?
C’est donc avec raison que les Chrétiens qui ne tirent leurs louanges que de leurs mœurs et de leur vie, méprisent vos spectacles, vos voluptés et vos pompes, et les fuient comme des corrupteurs agréables.