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51. (1667) Traité de la comédie et des spectacles « Traité de la comédie et des spectacles » pp. 1-50

Ce qu'on entend par le terme de Tragédie, est la représentation sérieuse d'une action funeste, et considérable, par l'imitation réelle des malheurs de quelques personnes de grande qualité, ou de grand mérite ; et celui de Tragi-comédie signifie la représentation d'une aventure dans laquelle les principales personnes sont menacées de quelques grands malheurs, qui sont effacés à la fin par un événement heureux. […] Les poètes se rendant d'abord esclaves de ces maximes pernicieuses, en composent tout le mérite de leurs Héros. […] Cette estime pour Comélie que le Poète a voulu donner en cet endroit aux spectateurs, après l'avoir conçue lui-même, vient du fonds de cette même corruption qui fait regarder dans le monde comme des enfants mal nés et sans mérite, ceux qui ne vengent pas la mort de leur Père, ou de leurs parents, en sorte que le public attache souvent leur honneur à l'engagement de se battre contre les meurtriers de leurs proches ; qu'on les élève dans de si horribles dispositions, et qu'on mesure leur mérite à la correspondance qu'on trouve en eux aux sentiments qu'on prétend leur donner, que ces sortes de représentations favorisent encore d'une manière pathétique, et qui s'insinue plus facilement que tout ce qu'on pourrait leur dire d'ailleurs. […] Il faudrait un volume pour tous les exemples qu'on en pourrait donner presque dans toutes les pièces, comme il en faudrait un autre pour combattre cette passion autant qu'elle mérite de l'être.

52. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre II.  » pp. 37-67

Qui mérite la préférance, la pureté des mœurs, ou la correction du style ? […] La Scenomanie est une vraie idolatrie, qui adore jusqu’au défaut de ce qu’on aime, tandis qu’on fronde les ridicules des autres, on se fait une gloire & un mérite du plus dangereux, du plus méprisable de tous. […] Mais grace à la philosophie & à la dépravation des mœurs, le théatre aujourd’hui est le souverain bien, le talent du théatre est le souverain mérite de l’homme. […] Tel étoit le faux mérite des piéces d’Eschile, que des furies seules peuvent vanter. […] L’homme doit combattre ses passions, & non se faire un criminel divertissement de les exciter, une volupté de les sentir ; la Loi lui défend de s’y complaire ; à plus forte raison des passions, extrêmes, affreuses, inhumaines ; mais le théatre ne vit que de vice, & tout vice lui est bon : c’est chez lui un mérite, une gloire, un talent de l’inventer, le multiplier & le repandre.

53. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-huitieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre IV. Henri IV. » pp. 121-168

Ce recueil, qui fait tout le prix de la piece, & ne suppose que le mérite de copiste, la met au-dessous des deux autres. […] Un Magistrat de ce mérite, dans une assemblée si respectable, dans un discours si solemnel, dans le même sujet où on emploie son autorité ! […] La guerre que fit Henri IV. jusqu’à la mort d’Henri III, pour la religion protestante, lui mérite-t-elle le titre de Juste qu’on ne lui a jamais donné ? […] Le libertinage constant de son père mérite-t-il mieux d’être imité ? […] Les poëtes dramatiques, qui tiennent peu de compte de la morale évangélique, ont beau en faire un mérite, ils n’en excluent pas moins du bonheur éternel.

54. (1772) Réflexions sur le théâtre, vol 9 « Réflexions sur le théâtre, vol 9 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE NEUVIEME. — CHAPITRE IV. Pieces singulieres. » pp. 107-153

Ce mérite est tout à lui. […] Les circonstances font la vogue plus que le mérite, & causent la chûte plus que les défauts. […] Au contraire, dit-il, ces sujets sont plus touchans & plus beaux, ils ont le mérite d’une vérité authentique & d’une morale pure. […] Elle en mérite à plusieurs égards ; il y a de beaux vers, de grands sentimens. […] Cette piece a souffert des contradictions de toute espece, & le mérite.

55. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE III. De la Comédie. » pp. 92-118

Tel est le Public à l’égard d’Angélique cr, quoique la malice et la présence d’esprit de celle-ci le fassent rire aux dépens de George Dandin, qui d’ailleurs mérite tous les chagrins qu’il éprouve. […] Avez-vous vu quelqu’un plus épris de son mérite que vous ? […] Celui-ci mérite-t-il d’exister après que votre Héros a dit qu’il déteste les hommes ? […] Cet homme, de l’aveu même du Misanthrope, est homme de mérite ; il parle aussi bien de son cœur que de ses qualités extérieures : ne peut-il donc pas bien passer à un aussi galant homme l’erreur dans laquelle il est d’avoir fait un bon Sonnet, et la faiblesse qu’il a d’admirer ses vers, en faveur de toutes les bonnes qualités qu’il lui connaît ? […] Le Cardinal voulait faire rire, on le sentait, on ne rit pas ; mais lorsque Boileau lui repart, à l’impromptu, « Monseigneur, votre Eminence devrait aussi changer de nom et au lieu de Janson, se faire appeler Jean Farine. »di , on rit sans doute beaucoup parce que sa pointe avait le mérite de l’impromptu que n’avait pas celle du Cardinal.

56. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 3 « Chapitre III. Du Cardinal de Richelieu. » pp. 35-59

Ces Poètes gagés ajustaient de leur mieux ces morceaux bons ou mauvais dans ces cadres, et en faisaient des ouvrages de marqueterie, dont l’éminent Apollon triomphait, mais « dont le plus grand mérite, dit Fontenelle, consistait dans le nom de l’inventeur et la singularité de l’exécution ». […] Ce sont ces mêmes pièces, dont le ridicule, la bassesse, la grossièreté, font ordinairement le mérite, qui parurent au Cardinal un trésor précieux, soit qu’il espérât d’y trouver des pièces dont il enrichirait son théâtre, soit qu’il se flattât d’y pouvoir recueillir des traits pour lui et pour ses Poètes gagés. […] Les fabliaux et toute cette poésie en jargon Provençal est retombée dans l’oubli d’où on l’avait tirée, et sa place dans une bibliothèque royale ne lui donnant pas plus de mérite, elle n’a pas eu plus de vogue. […] Jugeons par ce trait des largesses et du goût du Cardinal : Colletet, un des cinq favoris, n’avait en naissance, en fortune, en talents, en ouvrage, en bonnes mœurs, d’autre mérite que d’avoir su s’insinuer dans le bureau politique. […] Cette tragédie est au-dessus de l’envie, et par son propre mérite, et par une protection qu’on serait plus que sacrilège de violer.

57. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE IV. Suite des effets des Passions. » pp. 84-107

Dans la morale chrétienne, toute délectation, tout sentiment de plaisir goûté volontairement, est un péché mortel ; fît-on les plus subtiles distinctions, ne voulût-on pas aller plus loin, pût-on se promettre de ne pas passer ces bornes, c'en est assez, le seul goût volontaire du plaisir mérite l'enfer. […] Le quiétiste s'unit à Dieu dans ce moment, dit-il, et s'en fait un mérite ; Thalie, plus humble et plus vraie, ne se pique point de ce mérite et de cette gloire, et ne pense point du tout à Dieu. […] mérite-t-on d'en obtenir la grâce quand on s'abandonne volontairement aux attraits du plaisir ? […] La vivacité de l'impression fait le plaisir, décide du succès et du mérite, on n'est satisfait qu'à mesure que les blessures sont plus profondes. […] Je ne parle même ici que de quelques honnêtes gens, en petit nombre, qui abhorrant la réalité des grandes passions, veulent se repaître de leur image, et en courir le risque dans leurs préludes ; car pour le grand nombre, dont la conscience est peu délicate, il ne demande ni ne mérite d'apologie.

58. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre treizieme « Réflexions morales, politiques, historiques,et littéraires, sur le théatre. — Chapitre III.  » pp. 75-112

Racine, qui croyoit bien valoir Corneille, se préparoit des lauriers sous le nom d’un autre, & avoit encore le mérite de la modestie. […] C’est un siecle où le Théatre est le souverain bien, le souverain mérite. […] Tout cela est outré sans doute ; mais il n’est que trop vrai que le mérite du Théatre est le titre le plus certain à la faveur, que le mérite des gens du monde n’est qu’un mérite de Comédien, leur vie, leurs passions, leurs plaisirs, leurs intrigues, de vraies comédies, & le plus souvent des farces ridicules. […] Le mérite de Moliere est tombé avec la mode, on n’en parle que par habitude ; il a été tant de fois répété depuis un siecle qu’on en est dégoûté. […] La Bruyere disoit de Corneille qu’il ne jugeoit du mérite de ses pieces que par l’argent de la recette, ce qui est en effet le thermometre des Comédiens.

59. (1725) Mr. de Moliere [article des Jugemens des savans] « Mr. de Moliere, » pp. 339-352

  La Précieuse à tes bons mots   A reconnu son faux mérite. […] Despréaux persuadé de cette espéce de mérite de Moliere, du moins autant que le P. […] Il prétend au contraire que l’on n’a bien reconnu son mérite qu’après qu’il eut joué le dernier rôle de sa vie, & que l’on a beaucoup mieux jugé du prix de ses Piéces en son absence, que lors qu’il étoit présent.

60. (1865) Mémoires de l’abbé Le Gendre pp. 189-194

J'ai connu le marquis, le théatin et le chevalier ; c’étaient de fort bonnes gens qui ne manquaient point de mérite ; le religieux était celui qui semblait en avoir le plus. […] Quoique une compagnie dans laquelle il y a toujours eu des gens de lettres d’un grand mérite ait mis cinquante ans à le faire, il est tombé, dès qu’il parut, dans l’oubli et dans le mépris si fort qu’on n’ose le citer ; aussi dit-on que les illustres n’y avaient pris que peu de part et que c’est l’ouvrage des jetonniers.

61. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — [B] » pp. 380-390

Plaute, comique Latin, suivit la manière d’Aristophane ; comme Térence imita celle de Ménandre, dont il ne fut pas, comme on se l’imagine, le simple traducteur : de même qu’aujourd’hui, un Auteur Anglais qui de deux Pièces Françaises, en compose une dans le goût de sa Nation, ne peut être, sans injustice, privé du mérite de l’invention. […] Il est des vices contre lesquels les Loix n’ont point sévi ; l’ingratitude, l’infidélité au secret & à sa parole, l’usurpation tacite & artificieuse du mérite d’autrui, l’intérêt personnel dans les affaires publiques, échappent a la sévérité des Loix : la Comédie satyrique y attachait une peine d’autant plus terrible, qu’il falait la subir en plein Théâtre : le coupable y était traduit, & le Public se fesait justice. […] Quant aux suffrages des Athéniens, un Peuple ennemi de toute domination, devait craindre sur-tout la supériorité du mérite. […] Le Comique bas ; ainsi nommé, parce qu’il imite les mœurs du bas-peuple, peut avoir, comme les tableaux Flamands, le mérite du coloris, de la vérité & de la gaieté.

62. (1694) Lettre d’un théologien « [FRONTISPICE] »

[FRONTISPICE] PIECESDE THEATREDE Mr BOURSAULT […]Avec une Lettre d'un Théologien illustre par sa qualité et son mérite, consulté par l'Au-teur, pour savoir si la Comedie peut estre permise, ou doit estre absolument deffenduë.

63. (1687) Avis aux RR. PP. jésuites « X. » pp. 47-54

Cet échange ne peut que causer de l’indignation à tous ceux qui connaissent le prix et le mérite de ces deux livres. […] Elle porte le nom et l’approbation d’un des plus Saints et des plus éclairés Prélats de France que le Pape vient d’élever à la Pourpre par la seule considération de ses mérites.

64. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre premier.  » pp. 2-36

Les galeries des scénes legeres, dont chacun est un portrait ; ces cadres, ou sous le nom de comédie, on enchasse tout ce qu’on veut, ne sont pas difficiles, ce sont des coups d’essai d’un aprentif poëte, elles peuvent être ingénieuses, & la Centenaire a son mérite en ce genre. […] Les Dieux dont on lui donne le nom, & qu’il mérite de porter, sont régardés bien différemment : quelque imbecile les adore ; tout le monde les méprise. […] Quoique Moliere ait toujours été reconnu pour le meilleur comique François, on ne parloit de lui qu’avec indifférence, son art ne parut jamais fort important ; on lui trouvoit bien des défauts, & son mérite de comparaison étoit bien éloigné de la perfection. […] Jeu de théatre, ordinaire aux déesses de Paphos ; elle pouvoit acheter les plus grandes alliances, elle s’est modestement bornée à épouser un petit Dessinateur des menus, qui a eu le bonheur de lui plaire, & dont tout le mérite consiste à avoir eu l’adresse de saisir, à la volée, un moment de saveur amoureuse, pour lui faire au plus vite, recevoir le Sacrement. Un moment d’ivresse lui a enlevé ce que l’ivresse lui avoit procuré ; il est vrai que c’est là tout ce que par sa naissance & son mérite, elle pouvoit prétendre, & même fort au dessus ; mais avec vingt mille livres de rente, elle eût trouvé un parti qui n’auroit pas dédaigné les restes du public.

65. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre III. De la Musique Française & Italienne. » pp. 252-286

Si cela était ainsi, nous n’aurions point à rougir d’avoir chez nous des Compositeurs moins habiles qu’en Italie, supposé que nos Musiciens eussent réellement moins de talens : quand on ne doit son mérite qu’à la vertu du climat sous lequel on vit, on n’a pas trop lieu de se glorifier. […] Les inversions de la plus-part des langues étrangères, qu’on regarde comme un mérite, sont au contraire un très-grand défaut. […] Son principal mérite est d’avoir retenu quelquefois la construction latine ; mais je crois avoir prouvé en peu de mots que les inversions des membres d’une phrase répandaient de l’obscurité dans le discours ; & que la Nature éxige qu’on èxprime ses idées dans le même ordre, & avec autant de clarté qu’on les conçoit. […] Il y aura de tout tems une espèce de haîne entre les Musiciens de France & ceux d’Italie ; les prémiers, piqués d’être regardés comme les moins habiles, voyent toujours d’assez mauvais œil ceux qui leur disputent si fièrement la victoire : les seconds, se prodiguant eux-mêmes les honneurs dûs au mérite, sont indignés d’avoir des concurrens, & s’en vengent en les accablant du plus profond mépris. […] Nos rivaux pourront-ils nous pardonner d’avoir un mérite égal au leur ; & pourrons-nous oublier qu’ils nous ravissent la moitié de nos succès ?

66. (1775) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-septieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre II. L’Arétin, le Tasse, l’Arioste. » pp. 38-79

C’est un grand mérite dans le monde dramatique, mais dans le fond fort-au-dessous de sa réputation. […] Les titres, le faste, le cortége des grands, font souvent tout leur mérite ; les louanges, les cafés, les acclamations du parterre sont celui de la scène. 4°. […] Le changement de ce mot est d’un fort petit mérite : mais il n’est que trop vrai que la douceur de l’amour est un poison. Les italiens ont beaucoup exagéré le mérite de leur compatriote. […] Le Tasse ne voulut point de ces garans équivoques du mérite même littéraire, quoique plusieurs de ses compagnies le recherchassent.

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