Ne nous moquons point tant de ce fameux Chevalier errant, il n’a que trop d’imitateurs ; tout ce qu’on voit avec plaisir s’imprime dans un cœur sensible, se retrace dans une imagination vive ; elle est enchantée de ces bosquets délicieux, de ces palais superbes, de ces beautés divines ; on entend ces discours doucereux, on sent ces transports, tout devient théatral & romanesque ; il n’y a de bien & de trop réel que les égaremens de l’esprit & les crimes du cœur. […] C’est une chose amusante de voir & d’entendre ces hommes pétris de scène, élèves de Thalie, dans leurs conversations & leur commerce, pourvû qu’on n’y soit pas intéressé, leur dextérité, leur facilité, leur fécondité à inventer, exagérer, contrefaire, flatter, ridiculiser, jouer, dépayser, masquer, colorer, en un mot, à mentir en tout genre. […] Mais qui donne à entendre que le mensonge n’est qu’une tache légère, qui n’empêche pas d’être un héros. […] Le mensonge théatral est même honteux & odieux : on se montre coupable des plus grands crimes, & capable des plus affreux sentimens : on se charge à faux, aux yeux du public, de ce qu’on rougiroit d’entendre & de faire en particulier, dont on ne voudroit pas être soupçonné : on se dit fripon, perfide, meurtrier, adultère. […] , mais même dans les représentations théatrales, où il ne voit, n’entend, ne goûte, ne sent que des mensonges, des perfidies, des friponneries, des intrigues de toute espèce, en avale à longs traits le plaisir, en admire l’adresse, en raconte le succès, en essaie l’imitation ?
Considérez qu’il soutient la Musique légére & bouffonne, plutôt que celle de l’Opéra-Sérieux ; car s’il avait entendu les Poèmes héroiques, se serait-il servi du terme de chanson ? […] Le Spectacle est fait pour amuser, ou plutôt pour instruire ceux qui sont censés pouvoir y venir chaque jour ; il est clair que le menu Peuple ne se soucie guères de porter son argent à la Comédie : c’est donc donner des leçons à des gens qui ne viennent point les entendre ». […] Notre Opéra éxcite aussi dans ceux qui viennent l’admirer un enthousiasme violent, qui les contraint à frapper des pieds & des mains : il est inutile d’avoir des choses grandes & sublimes à leur dire ; ils ne les entendraient pas. Je remarquerai pourtant qu’il est nécessaire de bien écrire un Drame au risque de n’être pas entendu pendant la représentation, ainsi que je le prouverai ailleurs. […] En vérité, les accords d’Orphée & d’Amphion n’ont pas opérés de tels prodiges ; ils n’attirraient que des pierres, des arbres & des animaux, aulieu que les Musiciens de nos jours font mouvoir au son de leurs violons tout un Peuple éclairé ; ils lui font croire qu’il vient entendre une Pièce de Théâtre, tandis qu’on repaît son esprit de vains sons, de gigues, de gavotes.
Ajoutez la confusion et la négligence des spectateurs, le lieu même qui invite à la volupté, tout ce qu’on entend avant que ces femmes paraissent et après qu’elles ont paru ; ajoutez le son des instruments de diverse espèce, les charmes d’une musique dangereuse, qui amollit l’âme, qui dispose les hommes et les rend plus faciles à se laisser prendre aux attraits des courtisanes qui se donnent en spectacle. […] si dans le saint lieu où l’on n’entend que des psaumes, des prières, les oracles divins, où tout inspire la crainte de Dieu et la piété, les désirs illicites se glissent quelquefois comme un voleur subtil ; comment des hommes, au théâtre, où ils ne voient et n’entendent que des choses qui portent au crime, dans le centre de la turpitude et de la perversité, investis par le vice, et attaqués de tous côtés par les yeux et les oreilles, comment pourraient-ils triompher des mauvais désirs ? […] Vous qui voyez une courtisane, revêtue d’habillements magnifiques, se montrer la tête découverte avec effronterie, avec un air et des gestes languissants et voluptueux, faisant entendre des chants lascifs, débitant des vers lubriques, prononçant des paroles obscènes, se permettant des indécences que vous regardez d’un œil attentif, et qui font sur vous une trop forte impression, vous osez dire que vous n’éprouvez aucune faiblesse ? […] N’avez-vous pas entendu Salomon qui dit6 : « Un homme peut-il marcher sur des charbons sans se brûler la plante des pieds ?
Personne ne lit ses œuvres Philosophiques, & Théologiques, ce n’est qu’un galimatias qu’il n’entendoit pas lui-même ; mais ses galanteries lui ont fait une fortune littéraire. […] Cette fille est, à l’entendre, un prodige, elle fait le Grec & l’hébreu, (le Latin étoit la langue courante,) c’est le plus bel esprit, la plus savante, la plus sainte, la plus généreuse, c’est-à-dire, la plus romanesque, jusqu’à réfuser de se maner avec son ravisseur, après en avoir été deshonorée. […] Une Réligieuse entend-elle le Latin, connoit-elle les loix de l’homme, quand elle dit : Charius mihi est dici tua meretrix quam esse imperatrix. […] Tel est l’aveuglement d’un entousiaste, il est pétri de théatre, il ne voit, il n’entend, ne parle, ne pense que théatre. […] Il est vrai que c’étoit par la bouche de leurs adorateurs, dont un coup d’œil faisoit pencher la balance ; leur noble ambition a franchi cette barriere, elles ont dressé un tribunal, se sont assises sur les lys ; leur belle bouche s’est ouverte pour faire entendre les oracles des loix.
Quand les saints Peres vouloient détourner les prémiers Chrétiens de ces spectacles, la plus forte raison qu’ils leur en apportoient, étoit, que cela étoit contraire à leur profession, & qu’ils devoient se souvenir qu’ils étoient Chrétiens ; ils ne s’amusoient pas à leur prouver si c’étoit un peché mortel, ni à leur expliquer ce qu’ils pouvoient faire en sûrêté de conscience, ou ce qu’ils ne pouvoient pas ; c’étoit assez de leur faire entendre, que le nom & la qualité de Chrétiens, qui les obligeoit à mener une vie retirée, & éloignée de ces divertissemens mondains, y étoient interessez ; ils s’en tenoient là, sans disputer avec leurs Directeurs sur la qualité du peché, au lieu qu’aujourd’huy s’il n’y va du salut, & si le peché qu’ils commettent n’est d’une nature à leur attirer la damnation éternelle, rien ne peut être un motif suffisant pour reprimer cette ardente passion. […] En un mot, ce que l’on voit, & tout ce qu’on entend dans ces cercles si galants & si enjouez, n’est-il pas capable d’inspirer une passion, que l’on cache avec tant de soin, & que l’on déguise sous des noms specieux, pour en cacher la honte ? […] Si donc, ceux qui ne ressentent déja que trop les atteintes de cette passion, cherchent encore à l’exciter par les yeux & par les oreilles, si au lieu de fuir les objets, qui peuvent rallumer un feu qui n’a jamais été bien amorti, ils les recherchent, & passent les deux ou trois heures, à voir & à entendre ce qu’il y a de plus capable de l’enflamer ; qui peut douter que ces personnes ne soient dans l’occasion prochaine du peché, & par consequent ne pechent effectivement de la rechercher ? […] Mais enfin, il me semble que j’entend quelqu’un qui me dit, que toutes ces raisons ne le regardent point, qu’il se connoît assez pour ne point apprehender les mauvaises impressions que cela peut faire, qu’il luy reste encore assez de tems aprés avoir vaqué à ses devoirs & à ses affaires, pour le donner à quelque divertissement, & qu’il n’est pas d’un rang si distingué, que son exemple puisse authoriser les desordres que les autres y peuvent commettre ; & pourquoy donc, dira-t-il, m’interdire un divertissement que nous ne voyons pas défendu par les Lois ni divines, ni humaines ? […] Or, s’il y a du danger de s’accoûtumer à entendre des sentimens & des maximes contraires à la Religion que nous professons, si l’Eglise même employe son authorité, pour défendre la lecture des livres suspects, si la compagnie des personnes qui ont toûjours ces maximes à la bouche, ou qui reglent leur vie selon ces sentimens ; est dangereuse, parce qu’ils les inspirent à ceux qui les frequentent ; y aura-t-il moins de danger à les voir exprimer, representer, approuver, écouter les applaudissemens que l’on donne à ceux qui les font le mieux sentir, & qui les font entendre dans l’esprit par la beauté des vers, & des pensées si noblement exprimées ?
Le lecteur déclame en lisant, où il n’entend pas plus ce qu’il lit, que l’Auteur ne l’entendroit s’il ne se débitoit à soi-même son ouvrage en le composant. […] Il ne faut qu’avoir entendu Mlle. […] Si Santeuil n’eût point ressenti, longtems même après la composition, tout ce qui anime ses Hymnes, eût-il fait tant d’extravagances quand il les entendoit mal chanter ?
C'est pourquoi Lucian écrit que la danse est une science de contrefaire toutes choses, un art d'imitation, qui dépeint tout par les gestes, en sorte que le Spectateur puisse entendre celui qui danse, encore qu'il ne parle point. […] mains signifie quelquefois beaucoup de choses, ajoute que les Histrions, c'est-à-dire les Mimes, donnent des signes par les mouvements de toutes les parties de leurs corps à ceux qui les entendent, et qu'ils parlent à leurs yeux. Au commencement ils avaient des gens qui récitaient le sujet qu'ils devaient exprimer, mais quand les Spectateurs furent accoutumés à ce langage du corps, ils l'entendaient aussi facilement que la Poésie. […] , dansa seul sans instruments et sans chansons toute la fable de Vénus et de Mars; Après quoi Démétrius lui dit, que non seulement il se faisait voir et se faisait entendre, mais qu'il lui parlait des mains.
quoi le Jurisconsulte Labeo dit, qu'il faut entendre par la scène celle que l'on élève pour faire les Jeux à la vue du peuple, et où l'on fait un spectacle de son corps par des mouvements. […] Les Lois condamnent la fille d'un Sénateur qui s'est abandonnée, ou qui exerce l'art de bouffonner, où l'on ne doit pas entendre jouer la Comédie, mais pratiquer les Danses honteuses, et les bouffonneries des Mimes et Farceurs, comme nous l'avons expliqué. […] Théodose et Valentinien veulent qu'un Mari puisse répudier sa Femme, si contre sa défense elle assiste aux Jeux du Théâtre, ils entendent les Jeux Scéniques, qui ont porté ce nom les premiers ; et par une significationJustinian. […] Déesse Flore par des Jeux Scéniques, que l'on croyait célébrer d'autant plus dévotement qu'ils étaient célébrés honteusement, et toute la Ville voyait, entendait et apprenait cette manière d'apaiser leurs Dieux, si effrontée, impure, détestable, immonde, impudente, honteuse, et qui doit donner de l'horreur à la véritable Religion, ces Fables voluptueuses et criminelles écrites contre leurs Dieux, ces actions déshonnêtes, inventées avec autant d'iniquité que de turpitude, et commises avec plus d'abomination, et dont les Acteurs furent privés des honneurs publics par les sentiments de la vertu Romaine, et du droit de suffrage dans les assemblées, on connut leur turpitude, et ils furent déclarés infâmes. » Où l'on ne peut pas dire que ce grand Saint parle d'autre chose que de l'infamie des Mimes et Farceurs des Jeux Scéniques, à cause de leur impudence.
Je cite plus volontiers des morceaux de Musique, parce que les Ariettes & les Romances du Spectacle moderne sont dans la bouche de tout le monde : il est singulier qu’on les applaudisse, qu’on les entende au Théâtre, & qu’on les chante à tout moment, sans s’apperçevoir qu’on n’y comprend rien, & qu’elles ne sont remplies que de galimatias ou de mots vuide de sens : qu’on fasse attention à cette Ariette. […] On est encore forcé de changer d’avis ; le pronom la, qui est dans l’avant dernier Vers, montre qu’on n’entend plus parler que d’une Fille ; car s’il s’agissait toujours d’un oiseau, il faudrait dire, zeste, on le voit disparaître. […] Le Philosophe le plus pensif, le plus profond, serait obligé de lire plusieurs fois ces Vers, ainsi que ceux qui suivent, avant de les entendre. […] Il faut au moins qu’ils soient intelligibles ; il faut proportionner ses Ouvrages à ceux qui les entendent ou les lisent. […] Passage, se rapporte ordinairement à chemin, & s’entend toujours pour le lieu où l’on passe.
Ensuite se tournant vers la statue, elle adresse la parole à ce marbre insensible, qui, comme dit M. de la Harpe, dans la lettre qu’il a écrite à Voltaire, insérée dans le Mercure, Octobre 1772, Sembloit l’entendre, & s’animer à sa voix. Il n’y manquoit que celui pour qui se faisoit la fête, pour entendre réciter avec le bel organe, & cette déclamation harmonieuse & sublime que vous lui connoissez, une Ode pleine de chaleur & d’entousiasme, qui sembloit être l’hommage de la postérité. Il faloit l’entendre s’écrier : TU le poursuis jusqu’à la tombe, Noire envie, & pour l’admirer Tu dis, attendons qu’il succombe, Et qu’il vienne enfin d’expirer. […] Voilà, continue l’éleve de Voltaire, ce que vous deviez entendre. […] Tandis que tout cela marchoit lentement dans les rues, on entendoit de tems en tems des trompettes couvertes de crêpes, qui rendoient un son lugubre, sourd & enroué, comme la trompette qui appellera les morts au dernier jugement.
Madame Des Tianges a fait entendre que les Actrices-Citoyennes ne causeront pas le mal que vous cherchez à prévenir, Monsieur. […] Duclos : j’ai toujours entendu nommer cette Actrice avec transport par les Vieillards, amateurs du premier Théâtre du monde : elle a joué durant plus de 40 années, ayant débuté en 1693, par le Rôle d’Ariane, reçue le même jour, quitté en 1736 : morte en 1748. […] BOURET, 1763 : les rôles de Niais : Cet Acteur, inférieur entout à Dangeville, affecte un ton qui souvent empêche d’entendre ce qu’il dit. […] D’ALINVAL, 1769 : Quand on le voit, quand on commence à l’entendre, on espèce…… Mais parturient montes…… Il fait les Tyrans, & quelquefois les Pères dans le Haut-comique. […] Laruette, serait digne d’être admise au Concert des Dieux : ses accens répandent dans l’ame une douce ivresse ; c’est n’est plus une mortelle que l’on entend, c’est Europe chantant parmi les Muses ; c’est une Divinité qu’on adore.
Ainsi, par exemple, ces representations profanes, ces spectacles ou assistent tant des mondains oisifs & voluptueux, ces assemblées publiques & de pur plaisir, ou sont reçûs tous ceux qui amene, soit l’envie de paroître, soit l’envie de voir, en deux mots, pour me faire toûjours mieux entendre, Comedies & Bals, sont-ce des Divertissemens permis ou défendus ? […] Il est vrai le langage en est plus pur, plus étudié, plus chatié ; mais vous savez si ce langage en ternit moins l’esprit, s’il en corrompt moins le cœur, & s’il peut-être il ne vaudroit pas mieux entendre les adultéres d’un Jupiter, & des autres divinitez, dont les excés exprimez ouvertement & sans reserve, blessant les oreilles feroient moins d’impression sur l’ame. […] Enfin tel ou tel leur répondoit ce qu’on nous répond encor tous les jours, & ce qu’a si bien remarqué Saint Chrysostome : tout ce que je vois, & tout ce que j’entend, me divertit & rien de plus ; du reste, je n’en ressens aucune impression, & je n’en suis nullement touché.
Si cette malheureuse passion vue de loin dans deux personnes qui s’aiment, et dont on n’entend pas même les discours, est souvent capable de faire de vives impressions sur celui qui les observe ; qu’arrivera-t-il, lorsque, sur la scène, un jeune homme et une fille, avec toute la vivacité que l’art peut inspirer, font parade de leur tendresse dans un Dialogue, où les pensées étudiées du Poète sont toujours portées à l’excès ? […] Je suis surpris qu’il n’arrive pas au Théâtre moderne ce qui arriva à celui d’Athènes, où les Spectateurs, ennuyés d’entendre depuis longtemps des chansons Dionysianes, crièrent tous unanimement, plus de Bacchus, plus de Bacchus ; et que notre Parterre ne se mette pas à crier, plus d’Amour, plus d’Amour. En effet, n’est-il pas ridicule qu’en allant au Théâtre, on soit forcé d’entendre toujours des Amants épancher leurs cœurs en fades expressions de tendresse, ou se plaindre de la cruauté de leurs Maîtresses, ou se livrer aux transports de la jalousie, ou se lamenter et se désespérer de ne pouvoir surmonter les obstacles qui les arrêtent ?
Pour bien entendre ce que dit ici Tertullien, il faudrait savoir quelle était la figure des anciens amphithéâtres. […] Fleuri dans son Histoire Ecclésiastique faisant l’analyse du traité des spectacles de Tertullien, suppose que cet auteur parle de ce qu’il n’avait peut-être jamais vu. « Tertullien, dit-il, montre l’origine de chaque espèce de jeux ; et parlant de ceux du cirque en particulier, il fait entendre qu’il n’était pas à Rome, et peut-être qu’il n’y avait jamais été. […] On voit assez combien l’accusation était injuste ; et que les gentils comprenaient très mal ce qu’ils entendaient dire du sacrement de l’eucharistie.
En vérité, un Chrétien se peut-il croire innocent dans le plaisir qu’il prend à voir, à entendre ce qui excite en lui tant de passions différentes ? […] D’ailleurs le plaisir de voir, d’entendre, de goûter ce qui agitait en vous tour à tour différentes passions, ne sont-ce pas autant de tentations ?
On entend par Unité de lieu l’endroit fixe de la Scène, qui ne peut plus changer, sous aucun prétexte, une fois qu’il est établi. […] Pour mieux m’éxpliquer, Aristote entend un jour ordinaire de douze heures. […] L’éxemple que je vais rapporter me fera mieux entendre. […] De cette règle bien entendue résulte le bon ordre dans un Poeme : lorsqu’on s’en écarte, on péche contre tous les principes ; vous compliquez l’intrigue mal-à-propos ; vous faites un seul Ouvrage de ce qui pourrait en faire deux ; vous blessez la vrai-semblance. […] Arrive-t-il un seul fait, & voit-on un seul Vers dans l’Iphigénie de Racine qui ne soit une suite de ce qu’on a vû & de ce qu’on a entendu dans le prémier Acte ?