26 Voici une apostille, quoiqu’étrangère à mon sujet, que je ne puis m’empêcher de citer « pag. 158, les femmes sauvages n’ont point de pudeur, car elles vont toute nue … je répons dit (J.J.) que les nôtres en ont encore moins, car elles s’habillent. » Juges, mon cher, si une proposition aussi erronée ne devrait pas procurer à son Auteur une place aux petites maisons. […] Siécle, l’un des plus laborieux écrivains ; ce fut lui qu’Henri IV. consulta pour savoir si l’on pouvait se sauver dans l’Eglise Romaine : il repondit qu’on le pouvait ; mais cela ne l’empêcha pas d’écrire ensuite avec emportement contre les Catholiques. […] Je ne puis m’empêcher d’epitomer une partie des traits mémorables de cette Ville, pour donner une idée de sa grandeur dans tous les têms, & des hommes illustres qu’elle a vu naître ; ce sera rappeller à ceux qui en savent l’histoire, des traits qui peut-être sont échappés à leur mémoire, & ceux qui les ignorent m’en sauront peut-être bon gré.
Hé-bien, sur les Théâtres de la Capitale, cette illusion, source d’une volupté qui n’est sûrement pas dangereuse, devient absolument impossible ; non de la part des Acteurs, mais, ce qui va vous surprendre, de celle des Spectateurs eux-mêmes, ou plutôt de cette partie des Spectateurs, qui ne sentant rien, & ne se connaissant pas même en plaisir, veut persuader qu’elle sent beaucoup, & qu’elle sait parfaitement saisir les beautés d’un Drame : cette foule peu sage de Jeunes-gens, & de Vieillards non mûris, dans le plus bel endroit, lorsque les larmes devraient couler, s’échappe en longs battemens de mains, qu’elle redouble encore quand l’Acteur, aussi sot qu’elle, quittant son personnage & redevenu Comédien, s’incline d’une manière orgueilleusement modeste, pour remercier bassement ces étourdis, de ce qu’ils l’empêchent de remplir dignement son Rôle. […] Je ne crois pas, ma charmante amie, que la force du préjugé vous empêche de comprendre, qu’il n’y aura plus d’infamie attachée à cet état ; Que ce sera le premier des beaux Arts, exercé par des gens libres ; Que le Théâtre deviendra par ce moyen une école de vertu ; Qu’il cessera tout-à-fait d’être dangereux ; Que les passions même que la beauté des Actrices pourra faire naître, n’auront jamais de suite, ou n’en auront que d’heureuses, si elles inspirent de l’amour à leur égal ; que dans le cas contraire, une Actrice paraissant rarement sur le Théâtre, & tous les jours y étant remplacée par d’autres qui la valent, l’impression passagère de ses charmes, sera le lendemain effacée par celle que fera quelqu’une de ses Compagnes ; Que jamais les règles de la plus sévère décence ne seront éludées ; Que des Exercices enfin, que feront en public les Jeunes-gens des deux sexes, en présence de leurs parens & de leurs Concitoyens, où tous pourront prendre part, ne seront jamais, ni deshonorans, ni, bas, ni dangereux ; mais plutôt tout le contraire, & un salutaire encouragement, pour la Jeunesse, à se rendre digne de l’estime & des applaudissemens du Public ; les louanges qu’ils recevront, étant d’autant plus flateuses, qu’elles seront le prix de l’exactitude à remplir tous ses devoirs, aussi bien que des talens* Voyez-vous-là quelque chose qui soit indigne de notre jeune Noblesse ? […] Les précautions suggérées par le Règlement, empêcheront qu’ils ne le puissent. […] Aussi Claude ne put s’empêcher dans un premier mouvement, de leur répondre : Avete vos.
On permet la comédie dans des Etats Chrétiens, de même qu’on n’y empêche pas, mais qu’on y tolére certains maux, pour en éviter d’autres encore plus grands ; c’est-à-dire, par force & bien à contre-cœur.
Allez lâches Chrétiens, que les feux éternels Empêchent d’assouvir vos plaisirs criminels ; Vos austeres vertus n’en ont que l’apparence.
Mais on a beau faire, l’homme est destiné à souffrir & à mourir pour punir ses péchés, tous ses efforts ne retarderont pas d’un instant le coup de la mort, & n’empêcheront pas que l’odeur qui s’exhale de leur cadavre, n’oblige à les enfoncer bien avant dans la terre, pour n’en être pas infecté ; & c’est souvent au moment de leur dernier soupir, que comme Antiochus, leur corps tombe en pourriture, écarte leurs plus chers amis qui ne peuvent en approcher.
Il est vrai que Sénéque avait coutume de dire ; « Le Sage est suffisamment muni contre les passions, elles ne sçauraient le vaincre, elles n’ont aucun empire sur celui que la vertu pénètre ; il n’est point d’obstacle qui puisse l’empêcher de la chérir sans cesse ».
Remarquez qu’il ne dit pas celui qui parle à une femme, ou qui se familiarise avec elle : mais seulement qui la regarde ; et c’est pour ce sujet qu’il ordonne ensuite de nous arracher les yeux, si leurs regards portent le péché dans nos cœurs, et il est si dangereux de voir une femme vêtue de la sorte, que Dieu, pour nous empêcher de tomber dans le désir qu’il condamne, a eu la bonté dans l’Ecriture d’en faire un commandement, d’en détourner nos yeuxEccles.
Il est certain que trop de complaisance pour sa faiblesse l’entretiendrait dans l’indolence et l’empêcherait de se fortifier suffisamment pour vaincre les difficultés qui lui seront proposées dans l’âge viril ; donc les anciens, en ne montrant que des hommes, ne pouvaient à peine faire que des hommes de leurs jeunes gens, parce qu’il est rare qu’on s’efforce de surpasser ou même d’égaler son modèle, au lieu qu’il est probable que nous faisons des hommes, puisqu’en n’offrant pour modèle que des Héros à nos jeunes gens, nous les mettons dans le cas de rougir de ne pas devenir au moins des hommes.
Molière s’en prend à M. de Lamoignon, premier Président du Parlement de Paris, qu’il taxe d’hypocrite, et qu’il dit n’avoir empêché la représentation de la pièce, que parce qu’il y était joué.
) Les Empereurs chrétiens, plus attentifs aux bonnes mœurs des Magistrats que la plupart des païens, ne leur ont permis de paraître au théâtre que dans certaines fêtes publiques où le spectacle faisait partie du cérémonial, et seulement avant midi, soit pour empêcher qu’ils n’y demeurassent longtemps, soit pour éviter les inconvénients qui pourraient naître de l’intempérance, s’ils y venaient après dîner, à peu près comme dans les affaires criminelles les lois veulent que les Juges soient à jeun quand ils prononcent : « Nullus omnino Judicum ludis theatralibus vacet, nisi illis tantum diebus quibus in lucem editi vel imperii sumus sceptra sortiti, hisque ante meridiem tantum ; post epulas vero ad spectaculum venire desistant. » (L.
Que l’ignorance humaine toute stupide & grossiere qu’elle est, se montre neanmoins sçavante & ingenieuse, sur tout quand il faut trouver des raisons pour justifier l’usage des plaisirs de la vie, & pour s’empêcher d’y renoncer ; mais arriere tous ces argumens frivoles & toutes ces fausses raisons, le mensonge appuyé de tout le secours de la Philosophie, ne peut rien contre la verité. […] Il ne nous conduit aussi, & ne nous conserve dans cét état que par l’esprit de penitence & de mortification, qui fait mourir le vieil homme avec toutes ses passions, & qui crucifie la chair avec toutes ses concupiscences : mais comme l’homme a une aversion naturelle pour tout ce qui gene sa liberté, & qui fait violence à la nature, & que d’ailleurs il a un furieux panchant pour tout ce qui peut flater ses inclinations corrompuës, & luy donner du plaisir : que fait le demon, il se met entre deux, & prend une conduite qui contrarie les desseins de Dieu, & qui flate les passions de l’homme : & afin d’empêcher, ou de corrompre cette sainteté à laquelle nôtre profession nous oblige, il nous attire si fortement à luy par l’amorce des plaisirs de la vie, qui sont les veritables poisons de la sainteté, que Tertullien nous assure que dans la naissance de l’Eglise plusieurs furent detournés de se faire Chrétiens plutôt par la crainte de renoncer au plaisir, que de perdre la vie, plures invenias quos magis periculum voluptatis, quam vitæ avocet ab hac sectaL. de spect. c. 2.
Si je les eusse connus, je les eusse connus, je les aurois empêché d’entrer dans l’Eglise : Ut eos à sacris vestibulis arceam ; non pas cependant pour les en tenir toujours exclus ; mais pour leur faire sentir la griéveté de leur faute, les faire rentrer en eux-mêmes, & les recevoir ensuite, après qu’ils se seront corrigés : Non ut perpetuò soris maneant, sed tu correcti denuò redeant.
Ce qui ne peut sans inconvénient s’anéantir par un coup d’éclat, succombe sans bruit à des atteintes multipliées… Dissimulant, par une humiliante nécessité, cette source de licence dans les grandes villes, empêchez qu’elle ne pénètre dans les petites où l’innocence et la gaieté, sa compagne fidèle, assurent aux habitans des amusemens sages et salubres….
Il n’est pas moins inutile d’ajoûter, que quoyque l’on ne voye guere de pieces de Theâtre sans amour, & que pour l’y faire entrer, on n’a pas même égard à la verité de l’Histoire, pourvû qu’on ne sorte point de la vray-semblance ; neanmoins on n’y represente que des passions legitimes, qui ont pour fin le Mariage, que Dieu même a authorisé, & institué le premier ; parce que l’esprit de ceux qui les voyent representer, ne s’attache qu’à ce qui luy plaît, & fait abstraction des circonstances qui les peuvent justifier ; car ce n’est pas une chose que les Acteurs puissent regler dans ceux qui écoutent, ni arrêter dans les limites qui sont permises, comme fait le Poëte dans ses Vers ; au contraire les spectateurs n’en reçoivent souvent que ce qu’elles ont de criminel ; & elles agissent ensuite selon la difference des dispositions qu’elles rencontrent ; & l’on peut dire, que souvent la representation d’une passion couverte de ce voile d’honnêteté, a plus infailliblement son effet, que les autres les plus illegitimes, parce qu’on est moins sur ses gardes, qu’on s’en défie, & qu’on s’en défend le moins ; aussi agit-elle plus à coup sûr, & sans qu’on se précautionne des remedes qui pourroient en empêcher l’impression : d’où il s’ensuit que ces spectacles sont toûjours dangereux pour tout le monde, & qu’un Chrétien ne doit jamais se fier à sa propre vertu.
La plainte pleine de blasphêmes contre la Providence, sur ce qu’après un mariage secret, que son honneur, & la volonté de sa famille ont rendu nécessaire ; arrive la mutilation de son mari, qu’on traite du plus grand des malheurs, du plus cruel assassinat ; exclamation qui décéle honteusement ce que l’on cherche dans l’amour ; se peut-il que Dieu qui a toléré avec indifférence, nos plaisirs, avant le mariage, les empêche après que le Sacrement les a permis, & fasse subir à un mari, des châtimens qui ne sont dus qu’à l’adultere ?
Supposons une ville aussi infectée de la contagion qu’un Hôtel de comédie est infecté de la dépravation des mœurs, on la bloqueroit, on tireroit des lignes de circonvallation pour empêcher tout commerce avec elle & sauver les provinces voisines, & vous osez commercer avec le théatre, user de ses marchandises, en respirer l’air, vous nourrir de ses alimens !