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57. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre VI. Suite d’Anecdotes illustres. » pp. 184-225

Ces circonstances sont uniques dans l’histoire ; les grands Seigneurs Romains donnoient les spectacles à leurs propres frais, le Seigneur Polonois devient monopoleur pour se les faire payer, & se rend ainsi Marchand du vice par l’autorité des loix qui ne sont faites que pour le corriger & le punir. […] La jeune d’Aubigné fut trop heureuse d’épouser Scarron, vieux débauché, bouffon, perclus, Cudejatte qui voulut bien la prendre, il n’étoit rien moins qu’un maître & un modèle de vertu : Je lui apprendrai bien des sottises , disoit-il, après la mort de cet homme burlesque ; ne sachant que devenir, elle fut reçue quelque temps chez Ninon Lenclos, la plus fameuse courtisanne à qui elle plut, & avec qui elle vécut si familièrement qu’elles couchoient ensemble ; ce qui n’étoit rien moins encore qu’une école de vertu : enfin la veuve Scarron entra comme une espèce de femme de chambre chez Madame de Montespan, autre modèle de vertu dont elle devint la confidente, la commissionnaire auprès de Louis XIV, & enfin la Gouvernante de ses enfans naturels, dont l’éducation lui fut confiée ; elle s’acquitta si parfaitement de tous ces emplois, qu’elle plût au Roi, supplanta sa maîtresse, la fit retirer de la Cour, & devint femme du Prince, le rendit pieux, & lui fit fonder la fameuse Maison de St. […] Cyr, elle en fit construire un second dans son appartement à Versailles où les Princes & les Princesses jouoient sous la direction de l’Acteur Baron chargé de les former à la déclamation ; le Roi qui y venoit avec plaisir, se réconcilia avec le théatre, la scène fut à la Cour plus triomphante que jamais sous les auspices de Madame de Maintenon, & devint même une action méritoire. […] Les jeux de hasard par-tout défendus & si pernicieux à la société, sur-tout d’en tenir banque, sont si permis que le Prince en fait trafic, & moyennant une femme convenue avec les fermiers, tout devient légitime. […] Après s’être élevé comme l’aigle, il tombe dans la fange, & rampe comme un vermissau dans tout ce qu’il y a de plus bas & de plus grossier, à peine digne du Pont neuf ; c’est passer du trône à la guinguette, de Roi devenir Arlequin.

58. (1758) Lettre de J. J. Rousseau à M. D’Alembert « JEAN-JACQUES ROUSSEAU. CITOYEN DE GENÈVE, A Monsieur D’ALEMBERT. » pp. 1-264

Qui ne devient pas un moment filou soi-même en s’intéressant pour lui ? […] Si nous enfreignons celle-là, que deviendra la sévérité des autres ? […] Sommes-nous faits pour en avoir ou le devenir ? […] Toutes les sociétés n’en sont qu’une, tout devient commun à tous. […] A force de se cacher comme si l’on était coupable, on est tenté de le devenir.

59. (1756) Lettres sur les spectacles vol. 2 «  HISTOIRE. DES OUVRAGES. POUR ET CONTRE. LES THÉATRES PUBLICS. — NOTICES. PRÉLIMINAIRES. » pp. 2-100

Le Théatre comique ne devint pas moins nuisible aux mœurs que le tragique. […] Duclos, en s’y perfectionnant du côté de l’art, ils y devinrent plus licencieux. […] Ce qui s’étoit établi dans le Peuple par corruption devint une regle pour les Sçavans. […] L’art de l’Imprimerie découvert peu d’années auparavant, devint bientôt florissant par les soins des Aldes, plus dignes encore du nom de Sçavans que de celui d’Imprimeurs célebres. […] … … … … … Apollon travesti devint un Tabarin.

60. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Dix-Septième Lettre. De madame Des Tianges. » pp. 282-286

mon ami, tu seras enchanté lorsque tu la verras : dans son jeu, c’est la nature ; mais embellie, mais séduisante, parée de fleurs de la jeunesse & de la beauté : son ton est celui de la douceur & de la vertu ; avec ce ton enchanteur, l’expression devient plus honnête, le sentiment se place sous chaque mot qui sort d’une si belle bouche ; à tout elle donne un prix inconnu. […] Je suis devenu tout autre : plus d’idées sombres : madame D’Alzan est elle-même d’un enjoûment qui ranime tout ce qui l’environne.

61. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre IX. Les spectacles nuisent au bonheur et à la stabilité des gouvernements. » pp. 96-101

Ils devinrent si peu attachés à la gloire de leur patrie, que les barbares ruinèrent l’Empire et le détruisirent avec autant de facilité que les Romains en avaient eu, dans le temps de leur grandeur, à conquérir les Etats de plusieurs souverains asiatiques, plongés dans le luxe et la mollesse. […] Ne peut-on pas dire avec justice que dans ce cas le remède devient pire que le mal, que loin de le guérir il lui donne un nouveau degré de malignité et le rend souvent incurable ?

62. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre VIII.  » pp. 195-221

On les a mis au jour ; on en a fait des Romans, on a traduit ses lettres, & dès lors on lui a donné le plus grand mérite, il est devenu le prodige de son siécle, le Philosophe, le Théologien par excellence ; il a eu trois mille écoliers qui logeoient sous des tentes, au tour de son hermitage. […] Abaillard & Héloïse tournés & rétournés, après cinq cens ans d’oubli, sont devenus un fond inépuisable d’ouvrages galants, en faveur du vice. […] La scéne se passe chez un Chanoine, l’actrice est sa niéce, ou selon quelques uns, sa fille naturelle : elle devient Réligieuse, elle est faite Abbesse, & avec le héros fondatrice d’une Abbaye. […] Dans le siécle passé, où le hochet des actrices n’étoit pas encore devenu un sceptre, on en eût badiné, cette imagination burlesque eût fait rire, elle eût été prise pour une scéne à ajouter aux Plaideurs de Racine, ou à la Femme juge & partie, de Montfleuri. Tel autrefois le Sénat des femmes, créé par Héliogabale, avec la haute jurisdiction sur les affaires de galanterie ou de toilette ; mais depuis que le théatre est devenu le sage mentor & le souverain des François, l’autorité des femmes est devenue souveraine : elles donnent des loix, prononcent des arrêts & des oracles, & sont des Divinités, à qui tout rend un culte réligieux.

63. (1767) Réflexions sur le théâtre, vol 6 « Réflexions sur le théâtre, vol 6 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SIXIÈME. — CHAPITRE IV. Extrait des Lettres de M. Clément. » pp. 85-106

Cet ouvrage est devenu rare, & vrai-semblablement n’aura pas les-honneurs d’une seconde édition ; nous allons en extraire divers traits qui regardent le théatre, qu’on ne trouveroit pas ailleurs : ils serviront à en faire le portrait, sur-tout du côté de la galanterie, qui est le sujet de ce livre. […] C’est un conte très-obscène d’une danseuse que quelqu’un vit dans le palais des enchantemens, (à l’opéra), & dont il devint amoureux, appliqué au temps d’Esther & de Vasti, & au palais d’Assuérus. […] Bien-tôt cet esprit de piété s’évanouir, ces actes de religion devinrent des crimes. On y mêla tant de licence qu’ils devinrent des comédies ; il fallut les proscrire. Mais la comédie subsista, s’embellit, devint tous les jours plus profane & plus licencieuse.

64. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre prémier. — Chapitre II. Utilité des Spectacles. » pp. 8-21

Le jeu deviendrait notre idole favorite, & la débauche aurait des charmes pour nous. […] De simples ridicules deviennent souvent des vices dangereux. […] Enfin le Théâtre qui nous découvre nos erreurs les plus dangereuses, reprend aussi de mille ridicules, qui paraissent d’abord des bagatelles, mais qui, envisagés sérieusement, deviennent des vices repréhensibles & qui troublent la société.

65. (1695) Preface [Judith, tragedie] pp. -

Si Monsieur de Corneille se fût imposé cette règle, que serait devenue cette belle Scène que Rodrigue fait avec Chimene quand il la va trouver chez elle ? […] Ce bruit est devenu un scandale public, et semble nous faire entendre qu’il faudrait proscrire la piété et la bannir du Théâtre, comme si nous étions encore dans ce siècle barbare et ignorant, où les spectacles publics représentaient nos plus sacrés mystères d’une manière qui rendait ridicule ce qui devait être le sujet de l’attention la plus sérieuse et de la plus profonde vénération.

66. (1675) Lettre CII « Lettre CII. Sur une critique de son écrit contre la Comédie » pp. 317-322

Mais ces déguisements n’ont point de lieu dans le cœur où les mouvements sont tous purs et sans mélange, et où ils ne sont point revêtus de ces voiles qu’ils empruntent lorsqu’ils deviennent extérieurs. Il s’ensuit de là qu’il faut représenter d’une autre manière l’orgueil devenu extérieur par la parole, et l’orgueil qui demeure dans le cœur.

67. (1758) Sermon sur les divertissements du monde « SERMON. POUR. LE TROISIEME DIMANCHE. APRÈS PAQUES. Sur les Divertissements du monde. » pp. 52-97

Chrysostome : Tout ce que je vois et tout ce que j’entends, me divertit et rien de plus ; du reste je n’en ressens aucune impression, et je n’en suis nullement touché Vaine excuse qu’ils traitoient, ou de déguisement et de mauvaise foi, ou d’erreur au moins et d’illusion : de déguisement et de mauvaise foi, parce qu’ils n’ignoroient pas que c’est un prétexte dont veulent quelquefois se prévaloir les plus corrompus, cachant les désordres secrets de leur cœur, afin de justifier en apparence leur conduite ; d’erreur au moins et d’illusion, parce qu’ils sçavoient combien on aime à s’aveugler soi-même, et combien la passion fait de progrès qu’on n’apperçoit pas d’abord et qu’on ne veut pas appercevoir, mais qui ne deviennent ensuite que trop sensibles. […] Je dis plus : n’est-il pas vrai que par l’usage et l’habitude que vous vous êtes fait de ces lectures, l’esprit du monde s’est peu-à-peu emparé de vous, que vous avez senti celui du christianisme diminuer à proportion et s’affoiblir, que les heureux principes de votre premiere éducation se sont altérés, que vous n’avez plus eu dans la tête que de folles imaginations, que la galanterie, que la vanité ; et que tout le reste, beaucoup plus solide et plus sérieux, vous est devenu insipide, ensuite fatiguant, enfin odieux et insupportable ? […] Ce ne sont encore pour eux que des divertissements ; mais attendez que le feu se soit allumé, et bientôt ces divertissements ne deviendront, et pour eux, et pour vous, que trop sérieux. […] Chrysostome, que la maniere dont s’est expliqué Jesus-Christ sur tout ce qui nous scandalise et qui nous devient une occasion de péché. […] Vous sçavez ce que sont devenues certaines promenades, et ce qu’elles deviennent tous les jours ; vous sçavez ce qui les fait préférer à d’autres, et ce qu’on y va chercher.

68. (1772) Réflexions sur le théâtre, vol 9 « Réflexions sur le théâtre, vol 9 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE NEUVIEME. — CHAPITRE IV. Pieces singulieres. » pp. 107-153

Que devient la grande phrase, Roi, par la grace de Dieu ? […] Enfin, devenu plus traitable depuis la paix, ils ont permis d’en tirer des copies. […] Il se répandra, il se multipliera de toutes pars, tout deviendra Comédien à mesure qu’il deviendra vicieux, & il deviendra plus vicieux, à mesure qu’il deviendra plus Comédien. […] Et que devient la société, si tous les crimes sont impunis ? […] L’Auteur de son propre aveu n’y comptoit pas ; il lui a donné le sel de l’irréligion, elle est tout-à-coup devenue excellente.

69. (1694) Sentiments de l’Eglise et des Pères « CHAPITRE III. Des Comédies de ce temps, si elles sont moins mauvaises et moins condamnables que celles du temps passé. » pp. 55-81

Les Comédies deviennent ennuyeuses, quand l’amour n’en fait pas le principal assaisonnement. […] Il est vrai que ce scélérat devient à la fin un exemple de la justice Divine. […] Car on leur voit sans cesse des Romans entre les mains ; elles se remplissent la tête de misérables Vers, qui deviennent ensuite les règles de leur conduite. […] Le jeu lui plaît, la galanterie lui devient agréable, elle aime à être cajolée, et enfin elle n’a plus de goût que pour les parures, le faste, le luxe et l’enjouement. […] Il faut souvent pour devenir heureux.

70. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE II. De la Tragédie. » pp. 65-91

Que présumer de là, sinon que si ces libertins et ces fils dénaturés venaient souvent aux spectacles, s’ils prenaient plaisir pendant deux heures par jour à entendre le langage de la Vertu, si l’on pouvait les habituer à venir souvent se convaincre de ses avantages dans nos Tragédies, l’amour naturel que vous leur supposez pour la Vertu deviendrait plus efficace. […] Si je dis simplement à cet homme : « Phèdre est une Marâtre qui persécute cruellement le fils de son mari, jusqu’au moment qu’elle en devient éperdument amoureuse ; sa déclaration n’excite que l’indignation et l’horreur de la part d’Hippolyte ; la rage, la honte et la jalousie la portent à l’accuser auprès de Thésée du crime dont elle est coupable elle-même. Thésée, dans le premier moment, dévoue son fils à la vengeance des Dieux et ce fils en devient la victime » ; il est certain que sur une pareille exposition tout homme tant soit peu raisonnable et vertueux frémira d’horreur et regardera Phèdre comme un monstre abominable : mais il changera d’avis après la représentation, parce qu’il verra dans Phèdre une femme malheureuse par sa passion, et chez qui la Vertu est presque aussi puissante que le Vice : elle est justifiée de la persécution qu’elle a fait essuyer à Hippolyte par ces vers où respire la Vertu : « Toi-même en ton esprit rappelle le passé. […] Mais quelle horreur n’aura-t-on pas pour un Scélérat protégé ou puissant qui, après s’être impunément souillé de tous les crimes, aura néanmoins été assez bien servi en Cour pour en sortir blanc et net, et pour obtenir même un poste éclatant du haut duquel il insulterait à la probité, braverait les lois, opprimerait les faibles et les innocents : un tel homme serait d’autant plus odieux à tout le monde qu’il jouirait tranquillement de ses forfaits, et qu’il serait heureux au sein du crime : ceux qui se seraient attendris pour lui en le voyant conduire au supplice deviendraient eux-mêmes ses bourreaux, au moment qu’ils le voient heureux. […] Il est certain que trop de complaisance pour sa faiblesse l’entretiendrait dans l’indolence et l’empêcherait de se fortifier suffisamment pour vaincre les difficultés qui lui seront proposées dans l’âge viril ; donc les anciens, en ne montrant que des hommes, ne pouvaient à peine faire que des hommes de leurs jeunes gens, parce qu’il est rare qu’on s’efforce de surpasser ou même d’égaler son modèle, au lieu qu’il est probable que nous faisons des hommes, puisqu’en n’offrant pour modèle que des Héros à nos jeunes gens, nous les mettons dans le cas de rougir de ne pas devenir au moins des hommes.

71. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique — CHAPITRE IX. Défauts que les Etrangers ont coutume de reprocher à notre Tragédie. » pp. 231-259

Cet homme que de si bas, elle a élevé si haut, est devenu une barriere, qui l’empêche d’approcher de son Fils. […] Il est vrai que ce Vers rendu ainsi dans votre Langue, On ne peut vous cacher que la Reine a la fiévre, devient Prosaique, ce qui doit vous faire connoître la grande différence qui est entre une Nation qui a une Langue Poëtique, & une autre qui n’en a point. Si nous disions la Regina ha la febre, cette expression nous feroit rire ; mais quand nous disons, Soffre di febre assalto, cette transposition, & cette métaphore, annoblissent une maniere de parler qui cesse d’être commune & devient Poëtique. […] C’est ainsi qu’il parle dans Corneille : & Longepierre lui fait dire, Oui, transporté d’amour & voyant ce que j’aime J’oublie & mon devoir, & Médée, & moi-même ; Je m’enyvre à longs traits d’un aimable poison : L’Amour devient alors ma suprême raison. […] Voilà donc notre Tragédie devenue plus morale, & cependant, je suis forcé de l’avouer, plus dangereuse que celles où l’Amour donnoit de mauvais exemples.

72. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE III. Des Pièces de Collège. » pp. 48-67

C’est dommage que les Apôtres, les Pères de l’Eglise, les saints Missionnaires, les Magistrats, les Avocats de tous les siècles, n’aient pas connu cette sainte et savante école ; ils y seraient devenus d’éloquents Orateurs, et quel progrès n’auraient pas fait la religion et la jurisprudence sous de si heureux auspices ! […] Les pièces, devenues nécessairement très rares par la difficulté de les composer, de les apprendre, de les représenter, ce goût, ou plutôt cette fureur pour le théâtre est alors peu excitée et peu satisfaite. […] « La jeunesse, formée à l’école du plaisir, et devenue si différente d’elle-même, vient lui marquer sa reconnaissance. […] L’éducation et la raison s’applaudissent d’une alliance si avantageuse pour les hommes, elles la renouvellent en présence de leurs jeunes élèves, qui deviennent les témoins et les garants, de ce précieux traité. […] le théâtre deviendrait l’école des vertus chrétiennes ?

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