Et d’autant qu’il importe que chacun soit informé de la volonté de Sa Majesté, et qu’elle entend qu’il soit procédé extraordinairement contre ceux qui au dedans ou au dehors et proche de l’Académie exciteront quelque tumulte, et qui troubleront les spectacles et divertissements publics : Requérait le Procureur du Roi que sur ce il fût pourvu, afin que par le respect qui est dû aux volontés de Sa Majesté, plus que par la crainte du châtiment ; et qu’aussi par la connaissance de la protection particulière qu’il lui plaît de donner en faveur des Arts et du Public à l’Académie de Musique, ceux qui se trouveront à ces représentations n’y fassent aucun désordre, et qu’aucun de ceux à qui l’entrée en est défendue n’ait la témérité de s’y présenter.
Les désirs voilés par la honte n’en deviennent que plus séduisants ; en les gênant la pudeur les enflamme : ses craintes, ses détours, ses réserves, ses timides aveux, sa tendre et naïve finesse, disent mieux ce qu’elle croit taire que la passion ne l’eût dit sans elle : c’est elle qui donne du prix aux faveurs et de la douceur aux refus. […] Les hommes entre eux, dispensés de rabaisser leurs idées à la portée des femmes et d’habiller galamment la raison, peuvent se livrer à des discours graves et sérieux sans crainte du ridicule. […] Combien de scandales publics ne retient pas la crainte de ces sévères observatrices ? […] Cette maxime est bonne à mes ennemis, en ce qu’ils me nuisent à leur aise et sans crainte de représailles, aux Lecteurs qui ne craignent pas que ma haine leur en impose, et surtout à moi qui, restant en paix tandis qu’on m’outrage, n’ai du moins que le mal qu’on me fait et non celui que j’éprouverais encore à le rendre. Sainte et pure vérité à qui j’ai consacré ma vie, non jamais mes passions ne souilleront le sincère amour que j’ai pour toi ; l’intérêt ni la crainte ne sauraient altérer l’hommage que j’aime à t’offrir, et ma plume ne te refusera jamais rien que ce qu’elle craint d’accorder à la vengeance !
Saint Thomas en ces endroits parle seulement de certains jeux de théatre, qui sont en quelque façon utiles & même nécessaires pour l’honnête récréation du monde, par maniére de délassement d’esprit ; tels que sont les piéces qu’on représente en nos tragédies, des révolutions de Régnes & d’Empires par le sort des armes ; des histoires tragiques & surprenantes, qui n’excitent que des passions nobles, comme l’admiration, par la singularité des glorieux événemens & de quelques faits prodigieux ; la compassion, par la fatale destinée de quelques illustres malheureux que le sort a outragés nonobstant leur vertu ; tantôt la joie, quelques momens après la tristesse & la douleur ; tous ces mouvemens opposés d’espérance, de force ou de crainte, dont la variété plaît & réjouit innocemment l’esprit sans corrompre le cœur, parceque les mœurs n’y sont aucunement intéressés.
Les monuments élevés aux Princes, & de même aux auteurs pendant leur vie, sont bien équivoques, ils peuvent n’être, & ne sont très-souvent que l’ouvrage de la flatterie, de l’intérêt, de la crainte, de l’intrigue, ils peuvent avoir été mandiés, ordonnés, achetés par le maître, les courtisans, les parents, les amis ; & communément ils sont très-flattés.
Je souhaiterois que la fable du Loup & de l’Agneau fût jointe à celle de l’Os arrêté au gosier du Loup, afin qu’il fût puni de sa gloutonnerie, que la Cigogne, au lieu de le soulager, s’en excusât par la crainte du sort de l’Agneau, & lui fit un beau sermon, pour l’exhorter à la patience ; qu’ainsi le criminel trouvât toujours son châtiment dans son crime.
M. le Duc d’Orléans, Régent, la rappela, & lui fit promettre plus de circonspection sur les personnalités satyriques, & je crois bien que la crainte des leçons pathétiques que le bâton avoit souvent donné aux anciens Comédiens, a rendu les nouveaux un peu plus sages sur cet article.
Il faudra que nous passions pour honnêtes les impiétés & les imfamies dont sont pleines les comédies de Moliere, des pieces où la vertu & la piété sont toujours ridicules, ta corruption toujours excusée & toujours plaisante, la pudeur toujours offensée & toujours en crainte d’être violée par l’image des objets les plus dangereux, auxquels on ne donne que l’envelope la plus mince, &c.
Avouez que c’est pour tous les hommes un grand sujet d’humiliation, d’affliction, et de crainte d’avoir un adversaire si puissant, et si opiniâtre dans la persécution : cependant que faites-vous, Filles mondaines par vos ajustements trop affectés ?
Les jeunes gens qui n’ont ni crainte de Dieu, ni honneur, ni conscience, apprendront d’Arnolphe dans l’Ecole des FemmesDans l’Ecole des Femmes.
rien ne l’épouvante, et il entre sans crainte dans les mystères incompréhensibles de l’Apocalypse.
Une femme qui égorge ses enfants pour se venger de l'infidélité de son mari, et s'enfuit les lui montrant expirants, dans la crainte d'être elle-même égorgée ; peut-on imaginer rien de plus dénaturé et de plus horrible ?
Pénétré de crainte à la vue d'un Roi irrité, craint-il la colère de Dieu et l'enfer ?
« On prétend que le Théatre Athénien avoit pour objet d’inspirer la haine des Rois, & la crainte des Dieux. […] *** Souvent un jeune cœur, qu’épouvantoit l’obstacle, Ou le danger même d’aimer, Perd cette heureuse crainte, & de tout le Spectacle N’apprend qu’à ne plus s’alarmer.
C’est-là que l’esprit se laisse enfler d’orgueil, quand il voit que l’ambition est le caractere essentiel qu’on y donne toujours au héros de théâtre, & que le cœur se laisse amollir par des amours feintes que souvent en font n’aître de véritables : c’est-là que l’ame se livre toute entiere aux divers mouvemens de la joie & de la tristesse, de l’espérance & de la crainte, de la pitié & de l’indignation : c’est-là enfin, que les passions sont d’autant plus dangereuses, qu’on les ressent avec un plaisir tout pur, exempt de ces peines & de ces inquiétudes qui les accompagnent toujours, & qui servent quelquefois à les en dégoûter. […] N’est-ce pas là que par des peintures vives qu’on y fait, les passions s’excitent dans notre ame, & que le cœur bien-tôt capable de tous les sentimens qu’un acteur exprime, passe tour à tour de la tristesse à la joie, de l’espérance à la crainte, de la pitié à l’indignation ? […] Les représentations qui excitent les mêmes mouvemens, ne peuvent avoir que les mêmes effets ; & on ne doit plus mettre de différence entre les unes & les autres : je prétends au contraire que l’image d’une inclination légitime est souvent plus dangereuse, que de celle qui ne l’est pas ; car enfin, l’image d’une passion criminelle révolte quiconque n’a pas perdu tout sentiment de pudeur, l’esprit ne l’écoute que froidement, qu’avec crainte, qu’avec défiance, & il n’y a que des cœurs déja corrompus qui s’y livrent sans frémissement & sans horreur : mais une inclination légitime est d’autant plus dangereuse, qu’on est moins prêt à s’en defier, que l’esprit l’écoute avec moins de précaution, & que le cœur s’y livre avec moins de résistance.
C’est pourquoi l’on n’y souffrira jamais ces mots grossiers que se sont permis La-Fontaine, Molière lui-même, Montfleuri, Dancourt, Hauteroche, &c. ni ces scélératesses qui déprécient les Comédies de Regnard, &c. ni ces fines équivoques des Pièces plus modernes ; encore moins des Actions libres : mais, en même temps, les Auteurs se trouveront déchargés dans la composition du Drame, de l’attention puérile à saisir le jeu saillant de tel Acteur ; à rendre un Rôle propre à flater la vanité de telle Actrice ; cet indigne esclavage cessera ; & le génie pourra prendre l’essor, sans crainte d’être arrêté : si le Drame touche, s’il intéresse en respectant les mœurs, il sera représenté. […] La crainte de révolter le cafardisme retient même nos Danses cultivées dans un degré d’imperfection, qui diminue leur utilité. […] Une jeune personne de ma connaissance, lisait un des Romans de madame De Villedieu, dont j’ai oublié le titre : cette lecture l’attendrissait au point de faire couler ses larmes : un Amant aimé, mais indigne de l’être, auquel elle avait eu la faiblesse d’accorder un tête-à-tête dangereux, arrive en ce moment : il rappelle des promesses… devient pressant… La jeune fille était perdue, si sa passion, vivement excitée, en lui rendant son amant plus cher, n’eût redoublé la crainte de perdre son estime & d’occasionner son inconstance.
Il est bien triste de voir qu’après plusieurs années d’une éducation chrétienne, tant de personnes de l’un et de l’autre sexe se laissent entraîner par le torrent du monde, on dirait presque sans crainte et sans remords ; mais ce qui est plus affligeant encore, c’est de savoir que bien souvent les parents eux-mêmes sont les premiers à perdre leurs enfants.